14ème législature

Question N° 1570
de M. Christophe Castaner (Socialiste, écologiste et républicain - Alpes-de-Haute-Provence )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Affaires étrangères
Ministère attributaire > Affaires étrangères

Rubrique > agroalimentaire

Tête d'analyse > fromages

Analyse > AOC du Banon. CETA. conséquences.

Question publiée au JO le : 06/12/2016
Réponse publiée au JO le : 14/12/2016 page : 8586

Texte de la question

M. Christophe Castaner interroge M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur les mesures figurant dans l'accord économique commercial global entre l'Union européenne et le Canada (CETA) concernant la protection des indications géographiques protégées (IGP) et, également, des appellations d'origine contrôlées (AOC), et en particulier celle du fromage de Banon qui se trouve être la plus petite AOC fromagère de France mais dont la renommée mérite protection. Cet accord entre le Canada et l'Union européenne, qui après de nombreuses années de négociation a été signé le 30 octobre 2016 et entrera en vigueur de manière provisoire jusqu'à sa ratification par les parlements nationaux, pourra se révéler une opportunité pour les producteurs de fromage. En effet, il fait passer les quotas de fromages exportables au Canada de 13 472 à 18 500 tonnes. Toutefois, dans le même temps, une véritable inquiétude existe concernant le respect des IGP et des AOC. Les IGP sont une véritable protection pour des produits dont la qualité et la réputation sont liées à leur origine géographique alors que les AOC protègent des produits désignant des produits répondant aux critères de l'AOP et protègent la dénomination sur le territoire français. Il ne faudrait en aucun cas que cet accord transatlantique puisse affaiblir ces protections. De plus, concernant le cas du fromage de Banon, bénéficiant d'une AOC, de quelle manière sera-t-il protégé à la suite de la ratification de cet accord ? Ainsi, le Gouvernement peut-il lui indiquer quelles seront les conséquences réelles sur les IGP, les AOC mais aussi ce qu'il en est du fromage de Banon qui mérite d'être lui aussi protégé.

Texte de la réponse

PROTECTION DU FROMAGE DE BANON DANS LE CETA


M. le président. La parole est à M. Christophe Castaner, pour exposer sa question, n°  1570, relative à la protection du fromage de Banon dans le CETA.

M. Christophe Castaner. Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger, pour paraphraser Nicole Ferroni, « c'est à se demander pourquoi » le beau fromage de Banon serait aujourd'hui menacé…

Il le serait, en effet, par le CETA, l'accord économique commercial global entre l'Union européenne et le Canada, qui porte sur la protection des IGP – indications géographiques protégées – et des AOC – appellations d'origine contrôlées – en particulier de celle du fromage de Banon, qui se trouve être la plus petite AOC fromagère de France, située dans un département que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d'État, pour vous y être rendu il y a quelques semaines.

Le Canard Enchaîné, Libération, La Provence ont inquiété les uns et les autres au sujet des conséquences de cet accord dont la négociation a été signée le 30 octobre 2016 et qui entrera en vigueur de manière provisoire jusqu'à sa ratification par les Parlements nationaux.

Cet accord, qui fait passer les quotas de fromages exportables au Canada de 13 472 tonnes à 18 500 tonnes, pourrait se révéler une opportunité pour nos producteurs de fromage. Toutefois, dans le même temps, il suscite une véritable inquiétude quant au respect des IGP et des AOC.

Les IGP représentent une véritable protection pour des produits dont la qualité et la réputation sont liées à leur origine géographique, alors que les AOC protègent des produits répondant aux critères de l'AOP – appellation d'origine protégée – et en protègent la dénomination sur le territoire français. Il ne faut en aucun cas, monsieur le secrétaire d'État, que cet accord transatlantique puisse affaiblir ces protections.

Quant au fromage de Banon, qui bénéficie d'une AOC, de quelle manière sera-t-il protégé suite à la ratification de cet accord ?

Quelles seront les conséquences réelles sur les IGP et les AOC ? Et qu'en sera-t-il du fromage de Banon, qui mérite lui aussi d'être protégé ?

Je voudrais rassurer les lecteurs attentifs du journal La Provence qui, dans toutes les éditions de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, ont eu de quoi s'inquiéter. Êtes-vous prêt, monsieur le secrétaire d'État, à nous aider à sauver le Banon ?

M. André Schneider. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le député, je vous remercie pour votre question, sur un sujet auquel vous êtes très attentif – vous m'en aviez déjà parlé la veille de mon déplacement dans votre département.

Je vais vous livrer quelques éléments très factuels sur les différents traités et la question des indications géographiques. Vous savez qu'avec Stéphane Le Foll, nous mettons en œuvre ce que j'appelle la diplomatie des terroirs, c'est-à-dire la défense de nos appellations contrôlées et de nos indications géographiques dans des négociations internationales susceptibles de les mettre directement en cause.

Concernant l'accord avec le Canada, 173 indications géographiques européennes sont reconnues, dont 42 françaises, qui s'ajoutent à la reconnaissance d'indications dans le domaine des vins et spiritueux qui avaient été obtenues au début des années 2000. Nous sommes donc passés de zéro indication géographique protégée à quarante-deux, mais le Banon n'en fait pas partie.

Sur quels critères les indications géographiques ont-elles été retenues ?

Premier critère : le produit doit faire l'objet d'exportations importantes vers le Canada. Or la fromagerie de Banon elle-même indique que les exportations se font surtout vers la Belgique, l'Allemagne et le Japon.

Deuxième critère : l'existence d'éventuelles usurpations. À ce stade, aucune usurpation de Banon n'a été détectée au Canada.

Deux possibilités de protection existent néanmoins si demain des problèmes devaient survenir concernant le Banon. La première est la possibilité d'ajouter des indications géographiques dans l'accord avec le Canada – c'est l'article 20.22 du Traité – qui prévoit expressément la possibilité d'ajouter ou de retirer une appellation lorsqu'on constate des problèmes – ou, au contraire, l'absence de problèmes. La seconde consiste à passer par l'INAO, l'Institut national de l'origine et de la qualité, qui permet de protéger nos appellations y compris lorsque ce n'est pas prévu dans le Traité. C'est ce qui s'est produit au Canada pour le Reblochon. Un producteur qui avait essayé d'usurper le nom a été mis en cause pour usurpation de notoriété et a été contraint de retirer la marque Reblochon de son produit.

Je veux donc vous rassurer, monsieur le député, sur l'avenir du Banon, que vous défendez à l'Assemblée nationale comme sur le terrain. Ma réponse n'est pas gratuite mais basée sur des éléments juridiques objectifs que nous avons pris soin d'inscrire dans le Traité dans le cadre de notre diplomatie des terroirs.

M. le président. La parole est à M. Christophe Castaner.

M. Christophe Castaner. Merci pour votre réponse et votre vigilance en matière de diplomatie des terroirs. Ainsi le Banon ne sera pas menacé par les chèvres canadiennes, pas plus que le fromage en forme de crottes dit skouik-skouik, du fait du bruit qu'il provoque sous la dent canadienne, ne le sera par les chèvres provençales. (Sourires.)