Question orale n°1583 : pharmaciens

14ème Législature

Question de : M. Jacques Bompard (Provence-Alpes-Côte d'Azur - Non inscrit)

M. Jacques Bompard attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur une proposition de loi qu'il a déposée il y a quelques mois, créant une clause de conscience pour les pharmaciens. Cette initiative faisait suite à la diffusion publique des pressions exercées contre l'Ordre des pharmaciens afin que ces derniers ne la réclament pas dans leurs négociations avec le ministère de la santé. Depuis lors, M. le député mené de nombreuses consultations afin de mieux percevoir les problèmes éthiques auxquels cette profession est confrontée. Il a eu l'occasion d'auditionner Claire de Gatelier, intervenante de l'association Famille et Liberté. Son analyse est implacable. Plusieurs cas de licenciements de pharmaciens qui avaient refusé de fournir des drogues dont l'utilisation heurtait leurs consciences sont à dénombrer en France. Pire, la situation faite aux pharmaciens, et l'interdiction qui pèse sur eux de ne pas délivrer de produits qui pourraient empirer l'état des patients, entre en totale contradiction avec le refus ministériel de cette clause de conscience. On ne comprend franchement pas comment un podologue peut bénéficier d'un tel dispositif et pas un pharmacien. D'autres auditions l'amènent à la conclusion que depuis la loi sur la fin de vie, le sujet se pose de manière encore plus dramatique. Des pharmaciens se voient obligés de délivrer des substances qu'ils savent euthanasiques. Cette situation ne peut plus durer. Refuser une clause de conscience aux pharmaciens c'est céder face à deux pressions coalisées. La première tient aux laboratoires pharmaceutiques dont un ancien ministre nous a expliqués qu'ils finançaient l'ensemble des partis politiques. Les pressions que ces laboratoires exercent au cœur même du pouvoir ont été étudiées à de nombreuses reprises. Par ailleurs, la concentration en cours des entreprises de ce secteur donne naissance à des conglomérats qui accroîtront encore demain leur influence sur les normes européennes et françaises. On ne peut pas laisser l'économique mépriser les consciences individuelles sans remettre en cause les principes qui président à la conception de la santé. La seconde est une pression idéologique qui voudrait que la loi l'emportât sur les convictions personnelles. On a vu cette évolution délétère avec la loi Taubira et l'acharnement juridique sur les édiles qui refusent de procéder à des actes que leur conscience réprouve. Dans le cas des pharmaciens, l'État choisit de restreindre les libertés pour une raison spécifique : il ferait face à une puissante résistance de la part de professionnels qui voient au quotidien les désordres hormonaux, les avortements encouragés et les prescriptions inadaptées. Cette véritable mise sous tutelle de la liberté des pharmaciens rejoint alors les tendances les plus totalitaires : l'autonomie de la conscience et le respect des libertés éthiques est l'aune des libertés publiques. Son ministère méprise ces libertés. Claire de la Hougue, docteur en droit, écrivait récemment dans Causeur : « Le pharmacien engage sa responsabilité lorsqu'il délivre des médicaments. Il doit par exemple vérifier les risques de surdosage ou d'interaction entre différents produits, même si ceux-ci ont été prescrits par un médecin. Une telle exigence implique nécessairement la possibilité de refuser de délivrer un médicament. Il est donc assez paradoxal, voire incohérent, de prétendre obliger le pharmacien à délivrer un produit qu'il juge inapproprié ou nocif pour le patient ». Il lui demande donc quand sera mise en place une clause de conscience pour les pharmaciens.

Réponse en séance, et publiée le 14 décembre 2016

CLAUSE DE CONSCIENCE DES PHARMACIENS
M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard, pour exposer sa question, n°  1583, relative à la clause de conscience des pharmaciens.

M. Jacques Bompard. Madame la secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l'autonomie, j'ai déposé il y a quelques mois une proposition de loi visant à créer une clause de conscience pour les pharmaciens. Cette initiative faisait suite à la diffusion publique des pressions exercées contre l'Ordre des pharmaciens afin que ces derniers ne la réclament pas dans leurs négociations avec le ministère de la santé. Depuis lors, j'ai mené de nombreuses consultations dans le but de mieux percevoir les problèmes éthiques auxquels cette profession est confrontée.

J'ai eu l'occasion d'auditionner Claire de Gatelier, intervenante de l'association Famille et Liberté. Son analyse est implacable. Plusieurs cas de licenciements de pharmaciens qui avaient refusé de fournir des drogues dont l'utilisation heurtait leurs consciences sont à dénombrer dans notre pays. Pire, la situation imposée aux pharmaciens, et l'interdiction qui pèse sur eux de refuser de délivrer de produits qui pourraient aggraver l'état des patients, entrent en totale contradiction avec le refus ministériel de cette clause de conscience. On ne comprend franchement pas comment un podologue peut bénéficier d'un tel dispositif et pas un pharmacien !

D'autres auditions m'amènent à la conclusion que, depuis la loi sur la fin de vie, le sujet se pose de manière encore plus dramatique. Des pharmaciens se voient obligés de délivrer des substances qu'ils savent euthanasiques. Cette situation ne peut plus durer.

Refuser une clause de conscience aux pharmaciens, c'est céder face à deux pressions coalisées. La première tient aux laboratoires pharmaceutiques, dont Jérôme Cahuzac nous a expliqué qu'ils finançaient l'ensemble des partis politiques. Les pressions que ces laboratoires exercent au cœur même du pouvoir ont été étudiées à de nombreuses reprises. Par ailleurs, la concentration en cours des entreprises de ce secteur donne naissance à des conglomérats qui accroîtront encore demain leur influence sur les normes européennes et françaises. Nous ne pouvons pas laisser l'économique mépriser les consciences individuelles, sans remettre en cause les principes qui président à notre conception de la santé.

La seconde est une pression idéologique, qui voudrait que la loi l'emportât sur les convictions personnelles. Nous avons vu cette évolution délétère avec la loi Taubira et l'acharnement juridique sur les édiles qui refusent de procéder à des actes que leur conscience réprouve.

Dans le cas des pharmaciens, l'État choisit de restreindre les libertés pour une raison spécifique : il ferait face à une puissante résistance de la part de professionnels qui voient au quotidien les désordres hormonaux, les avortements encouragés et les prescriptions inadaptées. Cette véritable mise sous tutelle de la liberté des pharmaciens rejoint alors les tendances les plus totalitaires. L'autonomie de la conscience et le respect des libertés éthiques sont l'aune des libertés publiques. Ainsi, le ministère de la santé méprise ces libertés.

Claire de la Hougue, docteur en droit, écrivait récemment dans la revue Causeur : « Le pharmacien engage sa responsabilité lorsqu'il délivre des médicaments. Il doit par exemple vérifier les risques de surdosage ou d'interaction entre différents produits, même si ceux-ci ont été prescrits par un médecin. Une telle exigence implique nécessairement la possibilité de refuser de délivrer un médicament. Il est donc assez paradoxal, voire incohérent, de prétendre obliger le pharmacien à délivrer un produit qu'il juge inapproprié ou nocif pour le patient. » Ma question est simple : à quand donc une clause de conscience pour les pharmaciens ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l'autonomie.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le député, je ne partage aucun des propos exprimés dans votre question. Ce que je veux rappeler ce matin, c'est tout d'abord que les pharmaciens sont des acteurs de santé publique de premier plan, soumis à de fortes exigences éthiques. Le contexte professionnel dans lequel ils interviennent a beaucoup évolué ces dernières années. C'est pourquoi le conseil national de l'ordre des pharmaciens prépare, depuis plusieurs mois, une refonte du code de déontologie des pharmaciens.

Concernant l'introduction d'une clause de conscience dans le code de déontologie des pharmaciens, la position de la ministre des affaires sociales et de la santé est claire : il serait inacceptable qu'un pharmacien refuse de délivrer certains médicaments, sous prétexte que cela heurterait ses convictions.

De plus, une telle clause de conscience serait une attaque directe aux droits des patients et aux droits des femmes, si elle devait remettre en cause le droit à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse.

Le devoir des pharmaciens, c'est d'aider les patients et non d'entraver leurs droits. La ministre a donc exprimé toute sa confiance à la présidente du conseil de l’ordre des pharmaciens et aux pharmaciens pour que le droit à la contraception d'urgence et à l'IVG ne soit aucunement remis en cause.

Les choses sont donc très claires et je ne veux pas que la question politicienne que vous posez ce matin puisse laisser planer le moindre doute sur le sujet : le nouveau code de déontologie des pharmaciens qui a été transmis au ministère de la santé ne comporte aucune disposition en ce sens.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Je regrette bien évidemment la très inquiétante déshumanisation de la loi dont je suis bien obligé de constater que ce Gouvernement aura été un acteur particulièrement actif.

Données clés

Auteur : M. Jacques Bompard (Provence-Alpes-Côte d'Azur - Non inscrit)

Type de question : Question orale

Rubrique : Pharmacie et médicaments

Ministère interrogé : Affaires sociales et santé

Ministère répondant : Affaires sociales et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 décembre 2016

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