Question orale n° 1587 :
grande distribution

14e Législature

Question de : M. Laurent Furst
Bas-Rhin (6e circonscription) - Les Républicains

M. Laurent Furst appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, sur la difficulté que connaissent les industriels dans leurs relations avec les centrales d'achat, tant ces dernières sont concentrées, et cela concerne la distribution généraliste ou spécialisée. La pression considérable mise sur les fournisseurs pour la baisse des prix est telle qu'il en résulte un véritable épuisement économique pour ces PME, ETI, parfois groupes familiaux. Or pour les entreprises dont le prix des matières premières représente la plus grande part du coût de production et dont ce prix peut fluctuer de manière très importante, la rigidité des prix de vote peut mettre en péril en quelques semaines la survie d'entreprises. Aussi, il souhaite savoir si le Gouvernement entend modifier la réglementation qui régit les négociations entre distributeurs et fournisseurs.

Réponse en séance, et publiée le 18 janvier 2017

RELATIONS ENTRE LES ENTREPRISES ET LES CENTRALES D'ACHAT
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Furst, pour exposer sa question, n°  1587, relative aux relations entre les entreprises et les centrales d'achat.

M. Laurent Furst. Monsieur le secrétaire d'État, nous connaissons tous les difficultés que rencontrent nos industriels dans leurs relations avec les centrales d'achat, qui sont aujourd'hui fortement regroupées. Celles-ci exercent une pression considérable sur les entreprises afin de réduire leurs prix d'achat et d'augmenter leurs propres marges. Tout cela a pour conséquence de placer un grand nombre de PME et d'ETI françaises, dont le débouché quasi-unique est la grande distribution, dans un véritable état d'épuisement économique. Elles sont prises dans un rapport inégal qui ressemble parfois à de la prédation.

Je voudrais aborder ici un sujet encore plus grave : les entreprises ayant recours à des matières premières dont le prix fluctue de manière importante. Lorsque leurs coûts augmentent rapidement, en quelques semaines leur survie peut se trouver menacée ; elle dépend alors de la bonne volonté d'un ou deux acheteurs, qui peuvent accepter ou refuser la répercussion sur le prix de vente. Or ces acheteurs sont souvent formés et perçoivent des primes pour refuser toute augmentation des prix. Quand la survie des entreprises n'est pas en jeu, c'est leur capacité à investir, à progresser, qui disparaît.

Ce jeu mortifère a fait disparaître dans ma circonscription un groupe familial. Il met aujourd'hui en danger une entreprise de 150 personnes, Delpierre, spécialiste du saumon fumé. J'ai été alerté à propos de situations analogues dans d'autres secteurs que celui de l'agroalimentaire. Le risque de perdre des centaines d'emplois pour des raisons indues est aujourd'hui réel.

Si la France aime son industrie, j'ai la conviction que la puissance publique doit rééquilibrer le rapport entre centrales d'achats et fournisseurs. Si la France aime son industrie, il faut imposer, par la loi, des conditions d'achat valorisant plus efficacement l'évolution du coût de la matière première. Si la France aime son industrie, il faut arrêter de regarder la distribution comme le secteur de toutes les vertus. Il y aura toujours des distributeurs, mais il y aura probablement moins d'industriels en France !

Ma question est simple : le Gouvernement compte-t-il modifier la réglementation pour éviter la disparition d'une part de notre industrie ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le député, je vous prie d'abord d'excuser M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État à l'industrie, qui est retenu à Bercy par une réunion particulièrement importante et urgente. Les questions que vous évoquez sont absolument essentielles : les négociations dont vous faites état ont, on le sait, un impact sur le prix des matières premières, et donc sur la rémunération des agriculteurs, ainsi que sur le prix des produits transformés, et donc sur les marges des entreprises de l'agroalimentaire.

Celles-ci sont au nombre de 16 000 ; beaucoup sont des PME. Il est donc impératif de trouver un juste équilibre entre la rémunération de ces acteurs, les investissements et l'innovation, le pouvoir d'achat des ménages et l'emploi.

D'après le récent rapport d'audit sur les relations commerciales, commandé par le Gouvernement et réalisé par trois économistes, l'évolution du cadre législatif a permis de renforcer le pouvoir d'achat des Français. Le rapport insiste néanmoins sur la nécessité d'être plus vigilant quant aux conséquences de la concentration du secteur de la distribution alimentaire en France. Ses auteurs concluent non seulement qu'il faut veiller au respect des dispositions législatives qui encadrent ces relations commerciales, mais aussi qu'il faut apporter à ce cadre les améliorations nécessaires.

Le 20 décembre dernier, MM. Sirugue, Sapin et Le Foll ont réuni un comité de suivi des relations commerciales, en présence de représentants du monde agricole, de l'industrie agroalimentaire et de la grande distribution. Ce comité de suivi a été l'occasion de rappeler la vigilance toute particulière du Gouvernement sur les négociations en cours.

Nous avons demandé à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, de poursuivre de manière très stricte son programme de contrôle des relations commerciales. En 2016, elle a mené dans ce cadre plus de 1 600 actions de contrôle, à l'issue desquelles les acteurs coupables de manquements graves aux règles commerciales ont été condamnés à près de 3 millions d'euros d'amende et à rembourser 155 millions d'euros de sommes indûment perçues. Les contrôles se poursuivent de manière très active pendant les négociations en cours.

Le secrétaire d'État à l'industrie a demandé à la DGCCRF d'être particulièrement attentive à la question des centrales d'achat, qui suscite des inquiétudes chez les acteurs de la filière. Ce point fera partie des priorités de la DGCCRF pour les contrôles à venir. Par ailleurs, la loi du 9 décembre 2016 dite loi « Sapin 2 » a renforcé le poids des producteurs dans les négociations, par l'obligation d'établir des contrats-cadres entre organisations de producteurs et industriels, et de faire référence au prix prévisionnel moyen payé au producteur. Ces dispositions, couplées à la possibilité donnée aux industriels et aux distributeurs d'engager une négociation pluriannuelle, permettront de responsabiliser l'ensemble des acteurs.

Enfin, la loi accorde aux pouvoirs publics des moyens renforcés pour lutter contre les pratiques commerciales abusives, par le relèvement des plafonds des sanctions et l'obligation légale de publication de ces sanctions. Par ma voix, M. Sirugue vous confirme donc la pleine mobilisation du Gouvernement pour l'équilibre et la loyauté des relations commerciales dans ces filières. Vous avez rappelé, à juste titre, à quel point ce travail est important sur le terrain.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Je tiens à rappeler qu'il n'y a plus, dans l'agroalimentaire, que de quatre à six centrales d'achat – selon la manière dont on les compte. Mais cette dynamique de concentration, monsieur le secrétaire d'État, concerne aussi les centrales d'achat dans le domaine du bricolage, et dans d'autres domaines encore. Dans la conjoncture actuelle, les marges de nos entreprises diminuent, ce qui les place dans une situation très difficile. Il faut suivre cette question de très près, car de nombreuses entreprises, dans nos territoires, souffrent et sont vraiment en danger.

Données clés

Auteur : M. Laurent Furst

Type de question : Question orale

Rubrique : Commerce et artisanat

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Économie et finances

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 janvier 2017

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