maintien
Question de :
M. Romain Colas
Essonne (9e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Romain Colas attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, au sujet de l'application de la loi de lutte contre le système prostitutionnel, notamment dans la forêt de Sénart, à cheval entre le département de la Seine-et-Marne et l'Essonne. Adoptée définitivement le 6 avril 2016, cette proposition de loi socialiste est une avancée historique pour les droits des femmes qui fait de la France l'un des cinq pays européens à s'être muni d'une telle législation visant à lutter contre les violences faites aux femmes et la marchandisation du corps. Une pénalisation des clients a été instituée à hauteur de 1 500 euros et 3 750 euros en cas de récidive, sanctionnant ainsi l'achat d'acte sexuel. En parallèle, un certain nombre de mesures - délivrance d'un visa de 6 mois pour les personnes d'origine étrangère et la mise en place d'un parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle - permettent dorénavant de mieux prendre en considération la condition des personnes prostituées. La lutte contre les réseaux de prostitution et la traite à des fins d'exploitation sexuelle a, en outre, été renforcée en offrant une protection supplémentaire aux personnes choisissant de témoigner. Alors que la loi est entrée en vigueur depuis près de six mois, il souhaiterait connaître la nature des moyens mis en œuvre pour assurer l'application des mesures précédemment citées, notamment pour garantir l'effectivité de la sanction des clients. Il souhaite également savoir comment les parquets ont été mobilisés pour appliquer cette loi.
Réponse en séance, et publiée le 18 janvier 2017
APPLICATION DE LA LOI CONTRE LE SYSTÈME PROSTITUTIONNEL
Mme la présidente. La parole est à M. Romain Colas, pour exposer sa question, n° 1604, relative à l'application de la loi contre le système prostitutionnel.
M. Romain Colas. Madame la secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l’autonomie, ma question s'adressait, comme la précédente, à M. le garde des sceaux, mais je sais que vous pourrez utilement y répondre.
Le 6 avril dernier était définitivement adoptée la proposition de loi devenue la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
Cette loi fait aujourd'hui de la France l'un des cinq pays européens à s'être doté d'une législation visant à abolir la prostitution en luttant contre un système aux multiples facettes.
Aussi, un certain nombre de mesures – délivrance d'un visa de six mois pour les personnes d'origine étrangère, mise en place d'un parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle – permettent, dorénavant, de mieux prendre en considération la condition des personnes prostituées.
La lutte contre les réseaux de prostitution et la traite à des fins d'exploitation sexuelle a, en outre, été renforcée en offrant une protection supplémentaire aux personnes faisant le choix de témoigner.
En parallèle, une pénalisation des clients a été instituée, à hauteur de 1 500 euros et 3 750 euros en cas de récidive : elle sanctionne ainsi l'achat d'actes sexuels. Malheureusement, en dépit de ce nouveau cadre législatif, il apparaît que l'effet dissuasif de telles sanctions est très relatif.
J'en veux pour preuve la présence récurrente et l'augmentation du nombre de personnes prostituées dans un territoire que je connais bien, la forêt de Sénart, notamment dans les communes de Tigery, Étiolles et Quincy-sous-Sénart, qui sont toutes trois situées le long de la route nationale n° 6.
Cette présence continue s'accompagne d'une recrudescence du nombre de clients, engendre un sentiment d'insécurité et d'insalubrité, et provoque l'inquiétude comme la colère des habitants qui voient leur lieu de vie dégradé. Des jardins appartenant à des particuliers servent même de lieu de rencontre !
Depuis le mois d'avril dernier et le vote de la loi, deux opérations d'envergure ont été menées à l'initiative de Mme la préfète de l'Essonne, que je veux remercier pour son engagement sur ce sujet.
Ces opérations, qui ont mobilisé énormément de policiers et de gendarmes, n'ont cependant permis de constater que onze infractions qui ont donné lieu à quatre ordonnances pénales et à sept rappels à la loi.
Si je me félicite que des actions soient engagées pour lutter contre ce fléau, force est de constater que cet état de fait n'en est pas moins insupportable pour celles et ceux – personnes prostituées, habitants, élus locaux – qui sont victimes d'une situation qui ne semble pas évoluer, en tous cas dans ma circonscription, dans le sens de la loi.
Voilà pourquoi je souhaiterais connaître la nature des moyens mis en œuvre pour assurer l'application de la loi, notamment pour garantir l'effectivité de la sanction des clients.
Je souhaite également savoir, madame la secrétaire d'État, de quelle manière les parquets ont été mobilisés – parce que leur mobilisation est essentielle – pour la faire appliquer.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l'autonomie.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le député, à l'occasion du vote de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, la France a fait le choix de pénaliser le recours à la prostitution.
Cette loi se veut, par sa dimension pédagogique, l'instrument efficace d'une disparition progressive de la prostitution. Dès le 18 avril 2016, tous les procureurs et procureurs généraux ont reçu une circulaire présentant ces nouvelles dispositions de droit et de procédure pénaux.
La nouvelle loi a nécessité la mise en place de pratiques adaptées intégrant la répression des clients mais, également, la protection des personnes prostituées, considérées avant tout comme des victimes.
Dès son adoption, au sein des parquets les plus concernés par le phénomène prostitutionnel, des magistrats référents ont été désignés et des mesures d'évaluation ordonnées.
Des instructions de politique pénale ont été adressées par les procureurs de la République aux services de gendarmerie et de sécurité publique afin, d'une part, d'apporter une réponse pénale en temps réel à la nouvelle infraction d'achat d'actes sexuels et d'assurer, d'autre part, en coopération avec les associations mobilisées autour de la prise en charge des personnes prostituées, la mise en place de moyens effectifs d'accompagnement.
Ainsi, par la mise en place de contrôles plus fréquents sur les lieux de prostitution identifiés, les contrevenants sont, selon leur profil, orientés vers une alternative aux poursuites ou poursuivis selon la procédure d'ordonnance pénale contraventionnelle, qui, constituant un premier terme de récidive, permet de nouvelles poursuites correctionnelles.
Une dimension pédagogique, destinée à prévenir la récidive, accompagne cette procédure. Ainsi, certains parquets font remettre par les services d'enquête, dès le stade de la verbalisation, un document explicitant les sanctions encourues et les enjeux de la lutte contre le recours à la prostitution.
La mise en place des stages de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels constitue une des dispositions-phares de la loi nouvelle. En outre, le taux de recouvrement des amendes prononcées est actuellement aux alentours de 100 % et un ralentissement du phénomène est d'ores et déjà constaté sur certains ressorts.
Nous ne pouvons qu'espérer, monsieur le député, que votre territoire connaisse, dans les prochaines semaines, une évolution semblable.
Mme la présidente. La parole est à M. Romain Colas.
M. Romain Colas. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie pour votre réponse. Vous conviendrez que nous nous heurtons, dans l'application de cette loi, dont je souhaite comme nous tous qu'elle soit efficace, à des difficultés liées aux moyens – j'ai rappelé que, dans ma circonscription, une opération en forêt de Sénart avait mobilisé trente-cinq policiers et gendarmes pendant toute une journée pour ne constater que onze infractions – qui méritent une réflexion.
Puis, s'agissant des suites pénales, je me réjouis de ce que vous venez d'annoncer, madame la secrétaire d'État, mais je pense qu'il faut que tous les parquets jouent effectivement pleinement le jeu. J'appelle donc l'attention de la Chancellerie sur ce sujet.
Enfin, nous devrons sans doute compléter notre arsenal législatif au fur et à mesure de l'application de cette loi s'agissant, notamment, des mesures d'ordre public qui peuvent être prises pour limiter les phénomènes de concentration de personnes prostituées, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, à proximité immédiate des lieux d'habitation ou des écoles.
Auteur : M. Romain Colas
Type de question : Question orale
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 janvier 2017