CSG et CRDS
Question de :
M. Martial Saddier
Haute-Savoie (3e circonscription) - Les Républicains
M. Martial Saddier attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les suites de l'arrêt de Ruyter rendu par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) le 26 février 2015 et de l'arrêt du Conseil d'État du 27 juillet 2015. Depuis ces jurisprudences, la France n'a plus le droit de prélever les contributions CSG et CRDS sur le revenu du patrimoine des frontaliers relevant du système de sécurité sociale de leur pays d'emploi. Or l'administration fiscale estime, notamment, que le prélèvement de solidarité de 2 % n'est pas affecté à la sécurité sociale mais à l'aide sociale. Ce pourcentage, échappant ainsi à la jurisprudence européenne, est donc réclamé aux frontaliers. De plus, l'administration soutient que les frontaliers qui ont opté pour une assurance en France (privée ou régime CMU frontalier) ne peuvent prétendre à la totalité du dégrèvement dans la mesure où ils ne présentent pas une affiliation unique en Suisse pour couvrir l'ensemble des branches de la sécurité sociale. De ce fait, elle ne restitue pas la partie des prélèvements sociaux affectée au financement de l'assurance maladie en France et à la dépendance. Ces deux interprétations de l'administration française sont en totale contradiction avec la jurisprudence européenne. C'est pourquoi il souhaite donc savoir si le Gouvernement entend tirer les conséquences de l'arrêt de Ruyter à l'égard des travailleurs frontaliers.
Réponse en séance, et publiée le 1er février 2017
CONTRIBUTIONS SOCIALES DES TRAVAILLEURS FRONTALIERS
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour exposer sa question, n° 1620, relative aux contributions sociales des travailleurs frontaliers.
M. Martial Saddier. Madame la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur l'application de la CSG et de la CRDS – la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale – aux revenus du patrimoine des travailleurs frontaliers relevant du système de Sécurité sociale de leur pays d'origine. Je voudrais associer à ma question mes collègues Virginie Duby-Muller, Stéphanie Pernod Beaudon et Lionel Tardy, députés de l'Ain et de la Haute-Savoie.
Depuis l'arrêt de Ruyter, rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 26 février 2015, et l'arrêt du Conseil d’État du 27 juillet 2015, la France n'a plus le droit de prélever la CSG et la CRDS sur les revenus du patrimoine des frontaliers relevant du système de Sécurité sociale de leur pays d'emploi. Le motif retenu est que le produit de ces prélèvements était destiné à financer les prestations bénéficiant aux seules personnes assurées au régime français de Sécurité sociale, ce qui est désormais contraire au droit européen.
Or l'administration fiscale estime que le prélèvement de solidarité de 2 % n'est pas affecté à la Sécurité sociale mais à l'aide sociale. Ce pourcentage, échappant ainsi à la jurisprudence européenne, est donc réclamé aux frontaliers. De plus, l'administration soutient que les frontaliers qui ont opté pour une assurance en France – assurance privée ou régime de la couverture maladie universelle pour les frontaliers – ne peuvent prétendre à la totalité du dégrèvement, dans la mesure où ils ne présentent pas une affiliation unique en Suisse pour couvrir l'ensemble des branches de la Sécurité sociale ; de ce fait, elle ne restitue pas la partie des prélèvements sociaux affectée au financement de l'assurance maladie et de la dépendance en France. Enfin, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 a, dans son article 24, prévu d'affecter entièrement la part de la CSG et de la CRDS prélevée sur les revenus du patrimoine des travailleurs frontaliers vers le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et vers la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA.
Ces différentes interprétations sont en totale contradiction avec la jurisprudence et le droit européen, et pourraient entraîner de nouveaux contentieux ; le Groupement transfrontalier européen, le GTE, a d'ailleurs saisi le Gouvernement à plusieurs reprises sur ce sujet.
Afin d'éviter un nouveau contentieux, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures vous envisagez de prendre pour mettre la législation française en conformité avec la jurisprudence et la réglementation européenne ?
Pouvez-vous également nous indiquer ce qu'il en est du remboursement des prélèvements sociaux – CSG et CRDS – indûment payés par les frontaliers ou anciens frontaliers ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur Saddier, vous m'interrogez à propos de l'assujettissement des travailleurs frontaliers aux prélèvements sociaux sur les revenus du capital au taux de 15,5 % à la suite de la jurisprudence De Ruyter de février 2015. Dans sa réponse à une question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré qu'il n'était pas possible de faire payer ses impôts à une personne affiliée à un autre régime de Sécurité sociale de l’Union européenne, de l'espace économique européen ou de la Suisse, parce qu'ils étaient destinés à financer la Sécurité sociale en France.
Par conséquent, sitôt rendue la décision du Conseil d’État, en juillet 2015, le Gouvernement a mis en place l'ensemble des dispositions nécessaires pour rembourser les prélèvements réalisés à tort sur les personnes justifiant d'une affiliation auprès d'un autre État.
Toutefois, comme vous le signalez, une partie de ces prélèvements n'a pas été remboursée, notamment une fraction de 2 points qui n'est pas affectée à la Sécurité sociale mais à des prestations de solidarité, accessibles sur simple critère de résidence, y compris à des personnes qui ne sont pas affiliées à la Sécurité sociale française. Cette décision est logique et conforme à l'interprétation à retenir. Le Conseil d’État a d'ailleurs validé cette interprétation, en juillet dernier, en reconnaissant que c'était à bon droit que cette partie des sommes prélevées n'était pas remboursée. Il n'est donc pas exact de prétendre que cette décision serait en contradiction avec le droit européen ; en tout cas, la plus haute juridiction française a un avis opposé.
S'agissant des frontaliers suisses affiliés à l'assurance maladie en France, sur lesquels porte, je crois, la seconde partie de votre question, il faut également adopter une règle différente : en effet, il ne serait pas justifié de rembourser à ces personnes, qui résident en France et y sont affiliées à l'assurance maladie, les sommes destinées à financer ce risque ; ce serait totalement inéquitable à l'égard de nos concitoyens. Il est là aussi nécessaire de tenir compte d'une situation particulière pour rembourser uniquement les prélèvements sociaux qui doivent l'être.
Le Gouvernement a donc tiré toutes les conséquences de ces décisions de justice pour les travailleurs frontaliers. Je rappelle que plus de 150 millions d'euros ont été remboursés à plus de 50 000 personnes depuis un an.
Auteur : M. Martial Saddier
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité sociale
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie et finances
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 janvier 2017