commerce
Question de :
M. Julien Aubert
Vaucluse (5e circonscription) - Les Républicains
M. Julien Aubert appelle l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger sur l'absence de dispositions réglementaires permettant de sanctionner les exploitations illicites des enseignes de la grande distribution. Si l'article L. 752-23 du code de commerce prévoit bien la possibilité pour le préfet d'ordonner des sanctions administratives en cas d'exploitation illicite d'une surface de vente, les fondements juridiques des sanctions par les autorités ont été grandement affaiblis. En effet, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 a prévu que les modalités d'application de l'article L. 752-23 du code de commerce soient déterminées par décret en Conseil d'État. Un décret d'application n° 2015-165 a bien été pris le 12 février 2015, mais il ne traite pas des sanctions, privant toujours celles-ci de tout cadre, donc d'existence. En outre, une ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 a abrogé la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 sur laquelle reposait l'habilitation des agents à constater les infractions et à les transmettre au préfet, rendant ainsi la prise de sanctions encore plus délicate. Dès lors, de nombreuses grandes surfaces sont ouvertes ou agrandies dans l'illégalité la plus complète. Cette situation anormale demeure impunie alors qu'elle représente une distorsion de concurrence et un manque à gagner considérable pour l'État. Dans un tel contexte, les pouvoirs publics ne peuvent plus sanctionner les infractions, laissant libre cours à la folie des grandeurs illicite de la grande distribution, et accélérant la mort des commerces de proximité. En conséquence, il lui demande s'il va remédier à cette situation en prenant un décret précisant les modalités de sanction de l'article L. 752-23 du code de commerce, afin de mettre un terme à l'impunité et de rendre la concurrence plus juste vis-à-vis des petits commerces.
Réponse en séance, et publiée le 1er février 2017
RÉGLEMENTATION DES ENSEIGNES DE LA GRANDE DISTRIBUTION
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour exposer sa question, n° 1622, relative à la réglementation des enseignes de la grande distribution.
M. Julien Aubert. Madame la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, je voudrais appeler votre attention sur le problème des exploitations illicites par les enseignes de la grande distribution, un sujet que, je suis sûr, vous connaissez amplement.
Si l'article L. 752-23 du code de commerce prévoit bien la possibilité pour le préfet d'ordonner des sanctions administratives en cas d'exploitation illicite d'une surface de vente, les fondements juridiques des sanctions par les autorités ont été grandement affaiblis. En effet, la loi Pinel du 18 juin 2014 a prévu que les modalités d'application dudit article seraient déterminées par décret en Conseil d’État. Un décret d'application a bien été pris en 2015 mais il ne traite pas des sanctions, privant toujours celles-ci de tout cadre, donc d'existence. En outre, une ordonnance de mars 2016 a abrogé les dispositions de la loi no 89-1008 du 31 décembre 1989, sur lesquelles reposait l'habilitation des agents à constater les infractions et à les transmettre au préfet, rendant ainsi la prise de sanctions encore plus délicate.
De nombreuses grandes surfaces se sont par conséquent ouvertes ou agrandies dans l'illégalité la plus complète. Cette situation anormale demeure impunie alors qu'elle représente une distorsion de concurrence et, de surcroît, un manque à gagner considérable pour le budget de l'État. Dans un tel contexte, les pouvoirs publics ne peuvent plus sanctionner les infractions, laissant libre cours à la folie des grandeurs illicite de la grande distribution et accélérant la mort des commerces de proximité.
En conséquence, je souhaiterais savoir si vous comptez remédier à cette situation en prenant un décret précisant les modalités des sanctions prévues à l'article L. 752-23 du code de commerce, afin de mettre un terme à l'impunité et de rendre la concurrence plus juste vis-à-vis des petits commerces.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur Aubert, il n'existe pas de remontées statistiques recensant les mesures prises en cas de violation des décisions et avis en matière d'exploitation commerciale, mais tout laisse à penser qu'elles ont été plutôt rares, tout comme les cas de violation.
Depuis la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, le régime de l'urbanisme commercial est fondé non plus sur un principe de régulation économique mais sur le respect d'objectifs relatifs à l'aménagement du territoire, au développement durable et à la protection des consommateurs, comme en dispose l'article L. 752-6 du code de commerce.
Depuis la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « loi ACTPE », et la création du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, pour les projets nécessitant un permis de construire et une autorisation d'exploitation commerciale, la procédure devant les commissions d'aménagement commercial est intégrée dans celle du permis de construire : l'avis défavorable de la commission départementale ou de la commission nationale empêche la délivrance du permis de construire ; un avis favorable laisse à l'autorité compétente en matière de permis de construire la possibilité d'accorder ou de refuser ce permis, au vu du seul droit de l'urbanisme.
Au-delà de la simplification et de l'accélération des procédures, la fusion entre permis de construire et autorisation d'exploitation commerciale assure davantage de cohérence, donc de contrôle entre le volet commercial et le volet urbanisme des projets. Par ailleurs, tant la surveillance croisée et nourrie des concurrents, dont les recours assurent à la commission nationale d'aménagement commerciale – la CNAC – une activité soutenue, que la nécessité de repasser devant la commission, notamment en cas d'extension ou de modification substantielle du projet initial, ce qui suppose de répondre du respect des avis et décisions précédents, semblent dissuader les pétitionnaires de frauder ; cela vaut notamment pour les enseignes nationales, particulièrement soucieuses de leur réputation.
En tant que de besoin, une circulaire, en préparation, incitera les préfets à la plus grande vigilance, en particulier sur les contrôles de légalité des permis de construire et autorisations d'exploitation commerciale.
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.
M. Julien Aubert. Je vous remercie pour votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Je rappelle que, le préfet, même en l'absence de décret d'application, peut prendre des mesures afin de régulariser administrativement la situation, et que le non-respect de ces mesures est un délit. Il serait donc tout à fait possible de sanctionner les grandes surfaces qui ne respectent pas la loi.
Le sujet n'est pas anodin : vous avez laissé entendre que le nombre de cas n'était pas massif, mais, en réalité, il est beaucoup plus important que ce qu'on pense. On ne peut pas, d'un côté, déplorer la disparition du petit commerce dans un certain nombre de communes et, de l'autre, laisser faire ainsi les grandes surfaces, qui ont manifestement atteint un niveau de déploiement suffisant. À titre personnel, je pense qu'il faudrait désormais geler les extensions, de manière à conserver l'équilibre actuel et à ne pas basculer dans un monde à l'américaine, où il y aurait une grande surface à l'entrée de chaque bourg, de chaque commune, et plus du tout de petits commerces.
Auteur : M. Julien Aubert
Type de question : Question orale
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : Commerce extérieur, promotion du tourisme et Français de l'étranger
Ministère répondant : Commerce, artisanat, consommation et économie sociale et solidaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 janvier 2017