CONSTRUCTIBILITÉ DES « DENTS CREUSES »
M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour exposer sa question, n° 1654, relative à la constructibilité des « dents creuses ».
M. Philippe Le Ray. Samedi dernier, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, j'ai participé une nouvelle fois à l'assemblée générale de l'association des PLUmés de Bretagne durant laquelle ont été évoquées les situations catastrophiques dans lesquelles se trouvent des familles dont les terrains sont devenus inconstructibles. À cette occasion, de nombreux maires ruraux se sont dit dépités pour l'avenir de leurs communes. C'est pourquoi je me permets d'appeler une nouvelle fois l’attention de Mme le ministre du logement et de l'habitat durable sur les difficultés rencontrées par les élus et les citoyens qui habitent en zone rurale.
La France est coupée en deux : il y a, d'un côté, une France qui avance, une France dynamique, celle des métropoles et des grandes agglomérations et de l'autre la France rurale, qui vit quotidiennement avec son lot de perte de population et de services publics ou encore de diminution de l'accès aux soins.
La loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, est le dernier coup porté à la ruralité. Jusque-là les communes rurales arrivaient à s'en sortir grâce à l'esprit de village qui a façonné notre pays. Les communes, comme bien souvent en Bretagne, sont organisées autour de hameaux. Malheureusement ce mode de vie est mis en péril. L'impossibilité de construire dans les hameaux provoque la décroissance d'une partie de notre territoire national. C’est une réalité. Cette situation est catastrophique tant pour les propriétaires que pour le tissu économique local car ce sont des millions d’euros qui se sont évaporés.
Il ne faut pas se cacher derrière la protection des terres agricoles pour justifier cette disposition. Dans la quasi-totalité des cas, les « dents creuses » en question sont des bouts de jardin, totalement inadaptés à l'agriculture. J'ai moi-même déposé une proposition de loi, cosignée par trente députés, afin de rectifier cette situation.
Après trois ans d'application de la loi ALUR, le constat est terrible. Les petits propriétaires ont vu s'évaporer la valeur de leur terrain. D'autres se retrouvent à rembourser des prêts liés aux droits de donation et de mutation sur des terrains devenus inconstructibles. Les nouveaux plans locaux d’urbanisme des communes sortent avec des constructions uniquement dans les bourgs. Nous le savons pertinemment : à choisir, les futurs habitants préféreront vivre en centre-ville avec ses avantages plutôt que dans de petits bourgs ruraux dépourvus d'équipements.
Les équipes municipales comprennent leur malheur : moins d'habitants, ce sont moins d'enfants, moins de recettes fiscales et moins de services.
Aujourd'hui, je voudrais savoir si vous comptez stopper enfin cette spirale infernale en permettant d'assouplir les dispositions de la loi ALUR. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de nous indiquer la volonté réelle du Gouvernement en la matière.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, retenue ce matin par la signature de conventions d'adaptation de logements au handicap et au vieillissement, m'a chargé de vous répondre de la manière la plus circonstanciée possible.
Vous lui demandez de clarifier sa position sur la constructibilité de ce qu'il est coutume d'appeler les « dents creuses ». C'est chose faite depuis la seconde lecture de la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, qui a eu lieu dans cet hémicycle et en votre présence, le 31 janvier dernier. L'article 9 A de cette proposition de loi prévoit que « dans les hameaux existants, identifiés par un plan local d'urbanisme – PLU – et comprenant un nombre et une densité de constructions significatifs », un comblement des « dents creuses » est autorisé, tant qu'il ne renforce pas de manière significative ni ne modifie les caractéristiques du périmètre bâti. Le Gouvernement a renforcé juridiquement cette disposition, en prévoyant par amendement qu'un décret en Conseil d’État précise les critères de définition des agglomérations, villages, hameaux et hameaux nouveaux intégrés à l'environnement.
Concernant la préservation des activités économiques dans les territoires littoraux, le Gouvernement a introduit, par amendement à ce même article 9 A, une possibilité de relocalisation des activités et des biens touchés par le recul du trait de côte. Ces deux amendements sont le fruit d'un travail collégial de plus d'un an au sein du « réseau littoral », regroupant élus et services de l'État.
La ministre a été très claire lors de l'examen de cette proposition de loi : elle ne souhaite en aucune manière revenir sur la portée de la loi littoral ni y créer une brèche. C'est pourquoi elle s'est opposée à la relocalisation d'activités dans les espaces proches du rivage. Il s'agit uniquement de mesures techniques, susceptibles d'apporter une réelle clarification de la mise en œuvre de la loi Littoral, qui est un texte fondateur pour la préservation du patrimoine côtier français.
Lors de l'examen de cette proposition de loi, le Gouvernement a donc clarifié sa position et montré son engagement constant auprès des communes littorales. Son action a d'ailleurs été reconnue par les députés de votre majorité qui ont voté le texte.
M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray.
M. Philippe Le Ray. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai effectivement voté ce texte parce que c'était une avancée. Autoriser la construction dans les « dents creuses » est un premier pas. Mais cette autorisation étant limitée aux secteurs de taille et de capacité d'accueil limité – les STECAL –, elle ne pourrait intervenir que de façon exceptionnelle, dans deux ou trois hameaux seulement, alors qu'en général, notamment en Bretagne et en Normandie, les communes en comptent beaucoup plus, jusqu'à cent ou cent cinquante. La porte qu'elle ouvre, elle la referme donc aussitôt puisque limiter l'urbanisation des « dents creuses » aux seuls STECAL revient à ne l'autoriser qu'à titre exceptionnel.
La question n'est absolument pas là. Il faut faire en sorte que l'on puisse construire dans les « dents creuses », quitte à définir peut-être plus précisément la notion de hameau. La ministre nous a d'ailleurs proposé, dans le cadre du projet de décret en Conseil d’État, une définition fondée sur l'idée de densité de constructions significative. Les hameaux satisfont à ce critère puisqu'ils comptent quinze, vingt ou trente maisons. En revanche, le texte de la proposition de loi ne va pas suffisamment loin, malgré l'amendement du Gouvernement, puisqu'il maintient le caractère exceptionnel et impose une modification des PLU.
Je peux comprendre cependant l'exclusion des espaces proches du rivage. J'ai d'ailleurs voté ce texte parce que c'est un premier signe mais ce n'est pas suffisant. C'était le sens de ma question.<