Question orale n° 1671 :
femmes enceintes

14e Législature

Question de : M. Florent Boudié
Gironde (10e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Florent Boudié attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le pictogramme de prévention relatif à la consommation d'alcool à destination des femmes enceintes. Cette mesure est encadrée par l'arrêté du 2 octobre 2006, relatif aux modalités d'inscription du message à caractère sanitaire préconisant l'absence de consommation d'alcool par les femmes enceintes sur les unités de conditionnement des boissons alcoolisées. À l'occasion du comité interministériel du handicap du 2 décembre 2016, le Premier ministre annonçait plusieurs mesures transversales destinées à renforcer l'action du gouvernement dans le domaine de la prévention et de la lutte contre toutes les formes de handicap, parmi lesquelles l'amélioration de la lisibilité et de la visibilité de ce pictogramme. La volonté de diminuer la consommation d'alcool chez les femmes enceintes afin de préserver le développement de leur enfant au travers d'une modification du pictogramme de prévention apparaît inefficace au regard du public susceptible de contracter de telles pathologies. Il paraît, en effet, qu'un accompagnement social, médical, et psychologique à même de traiter leur pathologie en amont d'une éventuelle grossesse semble plus adapté. Cette modification règlementaire inquiète la filière viti-vinicole puisque ses acteurs seraient impactés par des coûts supplémentaires d'étiquetage, sans qu'aucune étude d'impact économique ni aucune démarche de concertation n'ait été conduite. Dans ce contexte, il lui demande à la fois les procédures de concertation envisagées sur ce projet et les politiques de prévention de l'alcoolisme permettant de s'y substituer.

Réponse en séance, et publiée le 15 février 2017

PRÉVENTION DE LA CONSOMMATION D'ALCOOL PAR LES FEMMES ENCEINTES
M. le président. La parole est à M. Florent Boudié, pour exposer sa question, n°  1671, relative à la prévention de la consommation d'alcool par les femmes enceintes.

M. Florent Boudié. Je tiens à dire, avant toute chose, que je m'associe pleinement à la question posée précédemment par ma collègue Brigitte Allain au sujet de la ligne TER Bordeaux-Libourne-Bergerac-Sarlat, qui traverse ma circonscription.

Je souhaitais interroger Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le débat qui porte, depuis maintenant plusieurs semaines, sur les dimensions et la forme du pictogramme, bien connu des Français, destiné à la prévention de la consommation d'alcool par les femmes enceintes.

L'icône de prévention à destination des femmes enceintes figure obligatoirement, depuis 2007, sur les étiquettes des bouteilles de vin et les alcools en général. Cette mesure de prévention, adoptée à la suite d'un arrêté du 2 octobre 2006 de Xavier Bertrand, alors ministre de la santé, a été mise en œuvre un an plus tard par le gouvernement de François Fillon. L'objectif était de contribuer à la prévention du syndrome d'alcoolisation fœtale, dont on sait qu'il est, en France comme dans d'autres pays occidentaux, la première source non génétique de handicap mental chez l'enfant et qu'il concerne environ une naissance sur mille, selon les données de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé – INPES.

Le 2 décembre 2016, le Comité interministériel du handicap a proposé d' « améliorer la lisibilité et la visibilité du pictogramme », afin qu'il ne soit pas « noyé dans le packaging des unités de conditionnement ». Pourtant, dix ans après l'introduction de ce pictogramme, aucune évaluation n'a été engagée pour mesurer l'efficacité sanitaire de cette disposition. L'objectif visé par les pouvoirs publics est un enjeu sanitaire grave. Comment comprendre, dès lors, que les répercussions et l'impact de ce dispositif sur la population directement visée, à savoir les femmes enceintes, n'aient pas été analysés depuis son introduction en 2007 ?

Si je pose cette question, c'est parce que l'obligation d'apposer une icône d'alerte sur les produits viticoles et les alcools, en général, n'est évidemment pas neutre commercialement, et donc économiquement, notamment pour la filière viticole. C'est d'ailleurs pourquoi je me fais ici le relais des vignerons de ma circonscription, celle du Liboumais, en Gironde, qui m'ont sollicité au cours des dernières semaines.

J'ajoute que toutes les enquêtes conduites sur l'alcoolisation des femmes enceintes, y compris celles de l'INPES, démontrent que l'essentiel n'est évidemment pas d'apposer une icône, plus ou moins visible, sur les unités de conditionnement, mais de développer en amont une stratégie nationale globale de prévention, qui puisse se déployer sur tous les plans – social, éducatif, médical et même psychologique.

J'ai donc plusieurs questions à vous poser, madame la secrétaire d'État. Quel sort le Gouvernement réservera-t-il, et selon quel calendrier, à la préconisation du Comité interministériel du handicap, qui inquiète d'autant plus qu'elle n'a fait l'objet d'aucune concertation avec la filière viticole ? Par ailleurs, quelles mesures de fond le Gouvernement a-t-il pris, ou entend-il prendre, pour aller à l'essentiel, c'est-à-dire pour déployer une politique d'ensemble de prévention des comportements à haut risque chez les femmes enceintes, en particulier pour lutter contre le syndrome l'alcoolisation fœtale ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la ville.

Mme Hélène Geoffroy, secrétaire d'État chargée de la ville . Monsieur Boudié, Mme Marisol Touraine, dont je vous prie d'excuser l'absence, m'a chargée de vous répondre.

Vous avez raison, et il ne faut pas cesser de le répéter : la consommation d'alcool pendant la grossesse, même en faible quantité, peut avoir des conséquences graves pour la santé de l'enfant. C'est un enjeu majeur de santé publique, puisque la consommation d'alcool pendant la grossesse constitue, en France, la première cause non génétique de handicap mental chez l'enfant. Très concrètement, ce sont sept cents à mille enfants par an qui seraient concernés par le syndrome d'alcoolisation fœtale – et ces chiffres sont peut-être sous-estimés.

Les enquêtes périnatales l'ont montré : en 2010, 17 % des femmes déclaraient avoir consommé des boissons alcoolisées une fois par mois pendant leur grossesse et plus de 2 % des femmes en ont consommé deux fois par mois, ou plus, mettant ainsi en danger la vie de leur enfant. Depuis 2007, vous l'avez rappelé, toutes les unités de conditionnement des boissons alcoolisées doivent comporter soit un message sanitaire, soit un pictogramme. Mais la lisibilité de ce dernier est clairement insuffisante, pour des raisons de taille, de couleur et de contraste.

Or nous savons que les fabricants favorisent l'harmonie du packaging, au détriment de la visibilité, de la taille et de la lisibilité. Ainsi, d'après une enquête de la direction générale de la santé publiée en 2012, un quart des buveuses déclarent ne même pas l'avoir remarqué. Huit ans après son introduction, l'étiquetage d'informations sanitaires sur les bouteilles d'alcool bénéficie toujours d'une forte approbation mais il voit en revanche sa notoriété baisser : 54 % des personnes concernées sont au courant de son existence, contre 62 % en 2007. Face à ce phénomène inquiétant, le Comité interministériel du handicap qui s'est réuni le 2 décembre 2016 a décidé l'introduction d'une mesure visant à améliorer la lisibilité et la visibilité du pictogramme, afin qu'il cesse d'être noyé dans le packaging, au détriment de la santé publique.

Comme vous le savez, des travaux vont s'engager dans les prochaines semaines, sous l'égide du ministère chargé de la santé, et de tous les ministères concernés – y compris celui dont relève la profession que vous avez évoquée – afin d'élaborer une nouvelle charte graphique, permettant la bonne diffusion de ce message de prévention indispensable.

J'ajoute que la loi Santé, adoptée il y a quelques mois, préconise un travail de prévention auprès des femmes enceintes : ce dispositif, qui est essentiel, viendra s'ajouter au pictogramme. Vous le voyez, il existe une approche globale pour prévenir le syndrome d'alcoolisation fœtale.

M. le président. La parole est à M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié. Nous sommes en désaccord sur cette question. Je ne crois pas à l'efficacité de la disposition qui consiste à améliorer la lisibilité du pictogramme sur les étiquettes. Ce qui me paraît essentiel, c'est l'éducation et la prévention en amont. Vous le dites vous-mêmes en creux : si un quart des femmes enceintes n'ont pas vu le pictogramme, cela signifie que 75 % d'entre elles l'ont vu. Ce type de mesure n'a pas prouvé son efficacité, au-delà même de la question de son impact économique pour les producteurs de vin. À mon sens, ce serait une erreur d'aller dans le sens des préconisations du Comité interministériel du handicap.

Données clés

Auteur : M. Florent Boudié

Type de question : Question orale

Rubrique : Femmes

Ministère interrogé : Affaires sociales et santé

Ministère répondant : Affaires sociales et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 février 2017

partager