commémorations
Question de :
M. Daniel Boisserie
Haute-Vienne (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Question posée en séance, et publiée le 12 juin 2014
COMMÉMORATION D'ORADOUR-SUR-GLANE
M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Daniel Boisserie. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, la France et ses amis célébraient le débarquement du 6 juin 1944. Quelques jours après cet événement, une tragédie survenait dans ma circonscription. À Oradour-sur-Glane, 642 civils – hommes, femmes et enfants – étaient atrocement massacrés par les nazis.
Le destin a voulu que quelques personnes survivent. Il a permis à ces miraculés de raconter et de témoigner. C'est grâce à eux, à toutes ces familles meurtries, que nous nous souvenons.
La guerre n'est que l'étape ultime de la haine qui chemine souvent longuement, très longuement. Elle commence insidieusement par des boutades lâchées négligemment, avec l'espoir qu'elles fermentent et qu'elles trouvent des échos dans les âmes les plus noires mais, aussi, les plus fragiles.
Oradour laisse une trace indélébile dans notre histoire. Oradour laisse une trace qui, pour toujours, marque la République dans sa chair et dans son sang. Personne ne doit jamais l'oublier. À côté des ruines se trouve le Centre de la mémoire, qui explique à tous ce long cheminement de la haine.
Merci, monsieur le Premier ministre, vous qui, en présence de Kader Arif, avez rappelé avec force hier, devant le tombeau des martyrs, que les idéologies de haine et de mort n'étaient jamais totalement vaincues.
« Le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde. » C'est un Allemand, Bertolt Brecht, qui l'a écrit.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, soixante-dix ans après, la France et, désormais, l'Europe pleurent sur Oradour. (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. le président. La parole est à M. le Secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire.
M. Kader Arif, secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Daniel Boisserie, depuis maintenant deux ans, je découvre et redécouvre l'histoire de notre pays,…
M. Philippe Meunier. Mieux vaut tard que jamais !
M. Kader Arif, secrétaire d'État . …mais, parfois, le temps s'arrête, il s'arrête devant l'horreur que vous venez d'évoquer. C'est ce que je ressens chaque fois que je me rends à Oradour-sur-Glane.
J'ai accompagné hier le Premier ministre, qui s'est exprimé avec force. Vendredi, nous étions en Normandie pour rendre hommage à ces hommes et à ces femmes qui ont sacrifié leur jeunesse pour nous libérer du joug nazi. Mais quel contraste !
Alors que les soldats alliés marchaient vers l'est, libérant nos villes une par une, sentant au plus profond d'eux-mêmes que les nuages pesant sur la France depuis 1940 pourraient bientôt se dissiper, d'autres remontaient vers le nord, animés par une macabre soif de vengeance qui les conduira aux pires atrocités. Oradour-sur-Glane était sur le chemin de la vengeance et de la mort.
Ce 10 juin 1944, Oradour-sur-Glane s'enfonce dans les ténèbres, emportant avec elle une partie de l'âme de la France. C'est l'incompréhension face à la barbarie portée au-delà de l'imaginable, au-delà de l'humain. C'est le désarroi, car aucune réponse rationnelle ne peut faire front face à la folie. C'est la perte à jamais de l'insouciance : on ne revient pas indemne d'un passage sur ces terres, dont le sol encore brûlant consume nos cœurs et nos esprits.
Notre présence, hier, montre que rien n'est oublié. Réunis dans la préservation de cette mémoire commune, nous rendons hommage aux morts, nous les pleurons comme s'ils étaient tous nos fils, nos filles, nos frères, nos pères. Ensemble, nous luttons aussi pour qu'un tel drame ne se reproduise jamais.
Écraser les graines, si insignifiantes soient-elles, d'où germerait une telle barbarie, demande une extraordinaire énergie. Menons tous ce combat pour l'humanité et pour la vie ! (Applaudissements sur tous les bancs).
Auteur : M. Daniel Boisserie
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Cérémonies publiques et fêtes légales
Ministère interrogé : Anciens combattants et mémoire
Ministère répondant : Anciens combattants et mémoire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 juin 2014