Question au Gouvernement n° 2071 :
aide juridictionnelle

14e Législature

Question de : M. Michel Heinrich
Vosges (1re circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 16 juillet 2014


FINANCEMENT DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Heinrich. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, et concerne le financement de l'aide juridictionnelle. A plusieurs reprises, ces derniers mois, les avocats ont manifesté leur inquiétude sans être entendus, alors que leurs préoccupations sont fondées, puisqu'il s'agit bien de l'avenir de cette prestation accordée aux plus démunis pour leur permettre de se défendre en justice. En effet, la profession demande vainement, depuis plusieurs années, une revalorisation des indemnités versées par l'État, alors que, même sans cette revalorisation, la pérennité du financement de l'aide juridictionnelle n'est plus assurée. Bien loin de répondre à cette demande, le Gouvernement propose de prélever une taxe sur le chiffre d’affaires des avocats. Ainsi, les avocats, qui en financent déjà une partie, compte tenu du montant des indemnités, qui est inférieur au coût réel de la prestation, y contribueraient une seconde fois, sous une autre forme. A-t-on un jour envisagé de faire participer les médecins au financement de la CMU ?

Bien entendu, je n'ignore rien des contraintes budgétaires, mais la profession a proposé une solution de financement neutre pour le budget de l'État, sur laquelle le Gouvernement ne s'est pas prononcé. Il s'agirait, d'une part, de créer un fonds dédié à l'accès au droit et à la justice qui serait alimenté par une taxe créée sur les contrats d'assurance juridique, mais également par une taxe perçue sur les mutations et les actes soumis aux droits d'enregistrement, ainsi que sur les actes juridiques soumis à une formalité de dépôt ou de publicité. Il est proposé, d'autre part, de généraliser la garantie protection juridique, en la rendant obligatoire dans les contrats d'assurance multirisques habitation, afin de limiter les procédures de recours à l'aide juridictionnelle. Ainsi, la charge de la prestation serait plus équitablement répartie. Sans évolution de la situation, ce sont les justiciables les plus démunis qui seront sanctionnés. Madame la garde des sceaux, qu'envisagez-vous pour pérenniser ce financement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, concernant l'aide juridictionnelle, je vous rassure, si vous avez le souci de l'être : pour 2015, elle augmentera à nouveau de 10 %. Depuis que nous sommes aux responsabilités, nous l'avons chaque année augmentée. Cependant, elle pose un certain nombre de problèmes. Son sens, c'est de permettre l'accès au droit à des justiciables dont les revenus sont extrêmement modestes, puisque le plafond de ressources est fixé à 936 euros, soit sous le seuil de pauvreté. Vous l'avez dit, monsieur le député, l'indemnisation due aux avocats n'a pas été revalorisée depuis 2007. Depuis 2007 ! Il est effectivement temps de leur faire justice.

Par ailleurs, un certain nombre de contentieux de masse sont exclus de l'aide juridictionnelle, alors que leur inclusion permettrait aux justiciables modestes d'y accéder. Toutefois, au cours des dix années pendant lesquelles vous avez été aux responsabilités – et c'est juste une concomitance –, une demi-douzaine de rapports ont établi que le système de l'aide juridictionnelle était essoufflé. Aussi ce gouvernement a-t-il décidé d'augmenter l'aide juridictionnelle. Non seulement nous ne la mettons donc pas en péril, mais nous avons le courage politique et moral de travailler en profondeur à sa réforme…

M. Claude Goasguen. Laquelle ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux . …et d'en faire une politique nationale de solidarité. Quelques chiffres vous donneront la mesure de l'effort à fournir : 7 % des avocats assurent 57 % de l'aide juridictionnelle. Cela veut dire qu'il y a une forte concentration et, partant, une dépendance d'un certain nombre de cabinets vis-à-vis de cette aide juridictionnelle ; or la loi de 1991 a prévu la mutualisation. Le Gouvernement, qui a déjà travaillé avec les professions, a décidé de passer à une autre étape. Le Premier ministre a autorisé l'étude d'une taxe et le député Jean-Yves Le Bouillonnec a été chargé d'une mission de médiation sur laquelle il travaillera tout le mois de juillet. Il remettra son rapport fin août. Je suis certaine qu'en plus de notre augmentation, nous allons réformer… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Merci, madame la garde des sceaux.

Données clés

Auteur : M. Michel Heinrich

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 juillet 2014

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