Question de : M. Gilles Lurton
Ille-et-Vilaine (7e circonscription) - Les Républicains

M. Gilles Lurton alerte M. le ministre de l'éducation nationale sur le problème de l'illettrisme à l'école. Le programme international de recherche en lecture scolaire (Pirls) a récemment publié son classement sur les performances en lecture dans 45 pays à la fin de leur quatrième année d'étude, soit, pour nous, à la fin de la classe de CM1. La France se place au 29ème rang. Cette enquête révèle que les élèves français âgés de 10 ans maîtrisent moins bien la lecture que la moyenne des écoliers européens du même âge. Ainsi, près de 40 % des élèves sortent du primaire sans savoir ni lire ni écrire correctement. Plus préoccupant encore : ce ne sont plus seulement les élèves des zones d'éducation prioritaire, les moins favorisées, qui rencontrent des problèmes. Tous les établissements sont touchés, et même le groupe des très bons élèves enregistre des résultats médiocres et en recul par rapport à la moyenne européenne. En France, la question de la méthode d'apprentissage de la lecture n'est pas résolue et la méthode mixte qui s'est aujourd'hui généralisée est souvent remise en cause contrairement aux résultats obtenus en Angleterre qui ont maintenu la méthode syllabique au CP. Aussi, il lui demande quelle est la position du Gouvernement pour la remise en place de la méthode syllabique dans nos écoles.

Réponse publiée le 4 mars 2014

La maîtrise de la langue, plus précisément la qualité de l'apprentissage de la lecture, influence significativement la réussite scolaire et l'insertion professionnelle. Les évaluations CEDRE et PISA de 2009 montrent un affaissement des compétences liées à la compréhension des écrits : la proportion des élèves peu performants passe de 15,2 % en 2000 à 19,7 % en 2009. Les évaluations PIRLS 2011 confirment ce tassement depuis 2001, en particulier en ce qui concerne la lecture de textes informatifs, l'interprétation des textes après leur lecture, et la production d'écrits. La moyenne française passe de 534 points à 520 points. Le nombre d'élèves en difficulté a augmenté et la proportion des meilleurs a baissé. Les élèves français montrent néanmoins des points de réussite comme le travail sur les inférences à partir de diverses données au fil du texte (+ 5 points par rapport à la moyenne internationale). Les statistiques réalisées par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance, publiées le 22 octobre 2012, font état d'une proportion de 88,4 % des élèves qui maîtrisent les compétences de base en français en CM2. Ils ne sont plus que 72 % et 80 %, respectivement en RRS et Eclair (programme Ecoles, collèges, lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite). L'évolution des résultats indique que le décodage, l'identification de mots et la compréhension des textes sont aujourd'hui enseignés dans des conditions favorables en école élémentaire et que les élèves les plus fragiles restent plus nombreux en secteur d'éducation prioritaire. En France, la question des méthodes de lecture a été largement tranchée depuis la conférence de consensus PIREF / ONL des 4 et 5 décembre 2003. Les conclusions des chercheurs, tant linguistes que des sciences cognitives (psychologues et neurobiologistes), des formateurs et des praticiens ont clairement indiqué qu'il est souhaitable d'appliquer une méthode de type « synthétique », syllabique ou phonique. Cette méthode est mise en oeuvre aujourd'hui par les professeurs des écoles dans les classes de cours préparatoire, suivant en cela les programmes en vigueur. Les difficultés rencontrées lors de la mise en oeuvre de cette méthode existent encore néanmoins pour certains élèves, du fait de l'apprentissage lui-même, de l'hétérogénéité linguistique des enfants et des contraintes associées à l'exploitation de la conscience phonémique et l'acquisition abstraite du principe alphabétique (système de correspondance entre lettres et sons). Au Royaume-Uni, les résultats progressent lorsque la méthode synthétique est mise en oeuvre, la langue anglaise étant également alphabétique, même si elle est moins régulière que le français. C'est ce que révèlent les inspecteurs de l'OFSTED à partir de certaines expérimentations récentes conduites notamment en Ecosse avec les « Programmes of study for reading and writing » proposant un travail formel poussé sur l'apprentissage de la langue orale chez les plus petits, puis sur l'écrit, en identification des mots et compréhension, chez les plus grands. Le rapport « Reading by six » présente des résultats favorables, mais avec des réserves implicites : 58 % des élèves, anglophones et non anglophones, de six ans réussissent les tests phonémiques. Ainsi, une approche de ce type s'adresse à tous, y compris ceux dont la langue maternelle n'est pas la langue de scolarisation, mais 42 % ne réussissent pas le test complètement. De plus, 6 % d'élèves restent en très grande difficulté. Rapprochés des élèves français, on peut extrapoler qu'ils sont en échec pour les mêmes raisons. Il apparait que l'essentiel des efforts doit porter sur l'enseignement de la compréhension, qui a moins fait l'objet des recherches récemment, car avoir appris à déchiffrer - même dans de bonnes conditions - et savoir reconnaître correctement les mots ne suffit pas pour comprendre phrases et textes. C'est dans ce sens que les enseignants doivent être mieux formés et informés. C'est tout le rôle dévolu aux Écoles supérieures du professorat et de l'éducation qui ont vu le jour à la rentrée scolaire 2013. La maîtrise de la langue est une priorité absolue de l'Ecole : le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, qui sera élaboré par le Conseil supérieur des programmes, place la connaissance de la langue française, langue de scolarisation, comme compétence majeure de l'apprentissage. A l'école primaire, les dispositifs d'aide en classe et hors la classe dont bénéficient en priorité les élèves les plus fragiles, par exemple dès la rentrée 2013 le dispositif « plus de maîtres que de classes », sont autant d'outils pertinents pour remédier aux difficultés et développer chez tous la maîtrise de la langue. Par ailleurs, l'école s'adresse désormais aux parents avec le développement des « Actions éducatives familiales » et la mise à disposition dans les écoles de la « Mallette des parents », pour les familles des élèves de CP. De nouvelles pistes seront exploitées dans le domaine du numérique, qui peut apporter des solutions alternatives à la réconciliation avec l'écrit pour ceux qui s'en sont éloignés. C'est également une piste de travail à développer pour tous dans le cadre des Espaces Numériques de Travail. La formation des enseignants refondée doit tenir également compte d'une meilleure connaissance du diagnostic des difficultés et des aides les plus appropriées pour améliorer la réussite des élèves.

Données clés

Auteur : M. Gilles Lurton

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enseignement maternel et primaire

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale

Dates :
Question publiée le 26 mars 2013
Réponse publiée le 4 mars 2014

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