pédagogie
Question de :
M. Philippe Cochet
Rhône (5e circonscription) - Les Républicains
M. Philippe Cochet appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la progression de l'illettrisme à l'école et l'affaiblissement des résultats de l'enseignement des fondamentaux. En effet, selon le programme international de recherche en lecture scolaire qui a publié récemment son classement sur les performances en lecture dans 54 pays du monde, la France ne se place qu'au 29e rang, avec une performance au-dessous de la moyenne européenne. Son dernier score a reculé de 2 points par rapport à celui réalisé en 2006 et de 5 points par rapport à celui de 2001. Il apparaît ainsi qu'à l'heure actuelle 40 % des élèves français sortent du primaire sans savoir ni lire ni écrire correctement et la France recule dans tous les classements internationaux dans le domaine de la lecture. De nombreuses études ont été réalisées dans ce domaine, certaines préconisant la méthode globale, d'autres la méthode syllabique. Il s'avère que les méthodes syllabiques donnent des résultats excellents avec tous les élèves, notamment les plus fragiles. En Angleterre, cette méthode est appliquée et au dernier classement PIRLS (qui compare le niveau de lecture des enfants de dix ans dans le monde entier), le pays est passé de la 19e à la 11e place. Il lui demande donc quelle est la position du Gouvernement quant à la méthode à adopter pour enseigner la lecture à nos enfants.
Réponse publiée le 17 juin 2014
Le bon usage de la langue française, tout particulièrement la maîtrise des compétences en lecture et en écriture, est un facteur de réussite scolaire pour les enfants. Pour les adultes, c'est un enjeu déterminant en matière d'insertion professionnelle et sociale. La question de l'apprentissage de la lecture a fait l'objet d'une « conférence de consensus » en décembre 2003, réalisée conjointement par le Programme incitatif de recherche en éducation et formation (PIREF) et l'Observatoire national de la lecture (ONL), qui a rassemblé tous les spécialistes, linguistes, psychologues cognitivistes, chercheurs en neurosciences, et a permis d'infléchir significativement les enseignements. Depuis, les professeurs mettent en oeuvre, dans les classes de cours préparatoire (CP), les programmes en vigueur qui stipulent une entrée dans l'écrit par une méthode synthétique de type phonique (j'entends un son, j'apprends à l'écrire) ou syllabique (je vois une graphie, j'apprends à la prononcer). Les résultats des élèves en identification des mots à la fin du cycle 2 progressent, la méthode synthétique étant la plus recommandée par les spécialistes. Toutefois, les difficultés rencontrées en cours préparatoire, lors de la mise en oeuvre de la méthode synthétique existent encore pour environ 13 % des élèves, du fait de l'apprentissage lui-même, de l'hétérogénéité linguistique des enfants et des contraintes imposées par la méthode, notamment en ce qui concerne l'exploitation de la conscience phonémique, qui doit être travaillée dès la maternelle grande section, puis de la compréhension du principe alphabétique (principe de correspondance entre lettres et sons). Au Royaume-Uni, les résultats progressent lorsque la méthode synthétique est mise en oeuvre, la langue anglaise étant également alphabétique, même si elle est moins régulière que le français. C'est ce que révèlent les inspecteurs de l'Office for Standards in Education, Children's Services and Skills (OFSTED) à partir de certaines expérimentations récentes conduites notamment en Ecosse par Rhona Johnston, avec les « Programmes of study for reading and writing » proposant un travail formel poussé sur l'apprentissage de la langue orale chez les plus petits, puis sur l'écrit, en identification des mots et compréhension, chez les plus grands. Le rapport « Reading by six » présente ses résultats favorables, mais avec des réserves implicites : 58 % des élèves, anglophones et non anglophones, de six ans réussissent les tests phonémiques. Cela manifeste qu'une approche de ce type s'adresse à tous, y compris ceux dont la langue maternelle n'est pas la langue de scolarisation, mais également que 42 % ne réussissent pas le test complètement. Les chercheurs n'ont pas su expliquer les 6 % d'élèves en très grande difficulté. Rapprochés des élèves français en difficulté, on peut extrapoler qu'ils sont en échec pour les mêmes raisons : la langue anglaise comporte des irrégularités qui gênent certains dans leur apprentissage, selon leur origine linguistique. Il en va de même aux Etats-Unis où les débats sur la meilleure méthode de lecture reposent depuis de longues décennies autant sur les travaux des spécialistes que sur des approches plus idéologiques et culturelles. « The great debate », avec le travail de l'équipe de Jeanne Chall, en est un vivant exemple. Depuis la réintroduction d'une approche de type « Phonics », des progrès ont été constatés chez les jeunes les plus défavorisés linguistiquement, les mêmes causes produisant les mêmes effets qu'en France et au Royaume Uni. En France, de nombreux chercheurs continuent de travailler sur ces sujets, notamment pour aider les élèves allophones dans leur entrée dans l'écrit du français. De nouvelles pistes seront exploitées dans le domaine du numérique qui peut apporter des solutions alternatives à la réconciliation avec l'écrit pour ceux qui s'en sont éloignés. C'est également une piste de travail à développer pour tous dans le cadre des Espaces numériques de travail (ENT). La formation des enseignants qui est refondée dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), doit tenir également compte d'une meilleure connaissance du diagnostic des difficultés et des aides les plus appropriées pour améliorer la réussite des élèves, notamment en favorisant une différenciation pédagogique permettant de répondre aux besoins spécifiques de chaque élève. La qualité du niveau de langue des jeunes français est une préoccupation prioritaire et les évaluations internationales nous rappellent qu'il faut redoubler de volonté et d'innovation pour garantir à tous, notamment ceux dont les compétences linguistiques sont les plus fragiles, un accès réussi à la langue française de scolarisation.
Auteur : M. Philippe Cochet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement maternel et primaire
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Dates :
Question publiée le 2 avril 2013
Réponse publiée le 17 juin 2014