Question de : M. Jean-Jacques Guillet
Hauts-de-Seine (8e circonscription) - Les Républicains

M. Jean-Jacques Guillet interroge M. le ministre de l'éducation nationale sur le problème de l'illettrisme à l'école. Le programme international de recherche en lecture scolaire (Pirls) a récemment publié son classement sur les performances en lecture dans 45 pays à la fin de leur quatrième année d'étude, soit, pour nous, à la fin de la classe de CM1. Ainsi, la France se classe 29e, loin derrière les Anglais (11e) ou les Finlandais (3e). L'illettrisme touche plus de 100 000 enfants à la fin du primaire. Cette enquête révèle que les élèves français âgés de 10 ans maîtrisent moins bien la lecture que la moyenne des écoliers européens du même âge. Ainsi, près de 40 % des élèves sortent du primaire sans savoir ni lire ni écrire correctement. Plus préoccupant encore : ce ne sont plus seulement les élèves des zones d'éducation prioritaire, les moins favorisées, qui rencontrent des problèmes. Tous les établissements sont touchés, et même le groupe des très bons élèves enregistre des résultats médiocres et en recul par rapport à la moyenne européenne. En France, la question de la méthode d'apprentissage de la lecture n'est pas résolue et la méthode mixte qui s'est aujourd'hui généralisée est souvent remise en cause contrairement aux résultats obtenus en Angleterre qui ont maintenu la méthode syllabique au CP. Aussi, il lui demande quelle est la position du Gouvernement pour la remise en place de la méthode syllabique dans nos écoles.

Réponse publiée le 17 juin 2014

Le bon usage de la langue française, tout particulièrement la maîtrise des compétences en lecture et en écriture, est un facteur de réussite scolaire pour les enfants. Pour les adultes, c'est un enjeu déterminant en matière d'insertion professionnelle et sociale. La question de l'apprentissage de la lecture a fait l'objet d'une « conférence de consensus » en décembre 2003, réalisée conjointement par le Programme incitatif de recherche en éducation et formation (PIREF) et l'Observatoire national de la lecture (ONL), qui a rassemblé tous les spécialistes, linguistes, psychologues cognitivistes, chercheurs en neurosciences, et a permis d'infléchir significativement les enseignements. Depuis, les professeurs mettent en oeuvre, dans les classes de cours préparatoire (CP), les programmes en vigueur qui stipulent une entrée dans l'écrit par une méthode synthétique de type phonique (j'entends un son, j'apprends à l'écrire) ou syllabique (je vois une graphie, j'apprends à la prononcer). Les résultats des élèves en identification des mots à la fin du cycle 2 progressent, la méthode synthétique étant la plus recommandée par les spécialistes. Toutefois, les difficultés rencontrées en cours préparatoire, lors de la mise en oeuvre de la méthode synthétique existent encore pour environ 13 % des élèves, du fait de l'apprentissage lui-même, de l'hétérogénéité linguistique des enfants et des contraintes imposées par la méthode, notamment en ce qui concerne l'exploitation de la conscience phonémique, qui doit être travaillée dès la maternelle grande section, puis de la compréhension du principe alphabétique (principe de correspondance entre lettres et sons). Au Royaume-Uni, les résultats progressent lorsque la méthode synthétique est mise en oeuvre, la langue anglaise étant également alphabétique, même si elle est moins régulière que le français. C'est ce que révèlent les inspecteurs de l'Office for Standards in Education, Children's Services and Skills (OFSTED) à partir de certaines expérimentations récentes conduites notamment en Ecosse par Rhona Johnston, avec les « Programmes of study for reading and writing » proposant un travail formel poussé sur l'apprentissage de la langue orale chez les plus petits, puis sur l'écrit, en identification des mots et compréhension, chez les plus grands. Le rapport « Reading by six » présente ses résultats favorables, mais avec des réserves implicites : 58 % des élèves, anglophones et non anglophones, de six ans réussissent les tests phonémiques. Cela manifeste qu'une approche de ce type s'adresse à tous, y compris ceux dont la langue maternelle n'est pas la langue de scolarisation, mais également que 42 % ne réussissent pas le test complètement. Les chercheurs n'ont pas su expliquer les 6 % d'élèves en très grande difficulté. Rapprochés des élèves français en difficulté, on peut extrapoler qu'ils sont en échec pour les mêmes raisons : la langue anglaise comporte des irrégularités qui gênent certains dans leur apprentissage, selon leur origine linguistique. Il en va de même aux Etats-Unis où les débats sur la meilleure méthode de lecture reposent depuis de longues décennies autant sur les travaux des spécialistes que sur des approches plus idéologiques et culturelles. « The great debate », avec le travail de l'équipe de Jeanne Chall, en est un vivant exemple. Depuis la réintroduction d'une approche de type « Phonics », des progrès ont été constatés chez les jeunes les plus défavorisés linguistiquement, les mêmes causes produisant les mêmes effets qu'en France et au Royaume Uni. En France, de nombreux chercheurs continuent de travailler sur ces sujets, notamment pour aider les élèves allophones dans leur entrée dans l'écrit du français. De nouvelles pistes seront exploitées dans le domaine du numérique qui peut apporter des solutions alternatives à la réconciliation avec l'écrit pour ceux qui s'en sont éloignés. C'est également une piste de travail à développer pour tous dans le cadre des Espaces numériques de travail (ENT). La formation des enseignants qui est refondée dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), doit tenir également compte d'une meilleure connaissance du diagnostic des difficultés et des aides les plus appropriées pour améliorer la réussite des élèves, notamment en favorisant une différenciation pédagogique permettant de répondre aux besoins spécifiques de chaque élève. La qualité du niveau de langue des jeunes français est une préoccupation prioritaire et les évaluations internationales nous rappellent qu'il faut redoubler de volonté et d'innovation pour garantir à tous, notamment ceux dont les compétences linguistiques sont les plus fragiles, un accès réussi à la langue française de scolarisation.

Données clés

Auteur : M. Jean-Jacques Guillet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enseignement maternel et primaire

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Dates :
Question publiée le 2 avril 2013
Réponse publiée le 17 juin 2014

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