Question de : M. Jean-Luc Warsmann
Ardennes (3e circonscription) - Les Républicains

M. Jean-Luc Warsmann interroge Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la liste des médicaments à éviter, publiée par la revue médicale indépendante « Prescrire ». Il semble, en effet, que certains produits à balance bénéfices-risques défavorable restent commercialisés alors que d'autres options plus favorables existent. Ainsi il lui demande quelles mesures elle compte prendre suite aux résultats révélés par cette étude de pharmacovigilance, pour le milnacipran, dont l'utilisation exposerait à un surcroit des troubles cardiaques et urinaires.

Réponse publiée le 24 septembre 2013

Tout médicament doit faire l'objet, conformément aux dispositions de l'article L.5121-8 du code de la santé publique, avant sa commercialisation, d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) octroyée au terme d'une procédure européenne ou nationale selon des exigences d'efficacité, de qualité et de sécurité posées par la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Cette procédure implique notamment l'obligation, pour le laboratoire pharmaceutique, de réaliser des expertises analytiques, pharmacologiques, toxicologiques et cliniques destinées à vérifier entre autres l'innocuité du produit, ses effets thérapeutiques, ses éventuelles contre-indications, et les effets secondaires liés à la prise du médicament dans ses conditions normales d'utilisation. Dans ce contexte, l'évaluation d'une spécialité pharmaceutique se base sur l'appréciation d'un rapport bénéfices/risques établi à un moment donné (moment de l'évaluation) compte tenu des connaissances scientifiques disponibles tant sur le produit concerné que sur sa substance active ou encore sur la pathologie pour laquelle son indication est revendiquée. Aussi, dans la mesure où cette balance entre les bénéfices et les risques est jugée favorable, l'AMM du produit peut-elle être délivrée. Ce rapport bénéfices/risques n'est pas figé et est réévalué lorsque de nouvelles données tant sur les bénéfices que sur de nouveaux risques sont disponibles. En effet, les essais cliniques conduits et fournis à l'appui du dossier de demande d'AMM ne permettent pas toujours d'identifier et a fortiori de mesurer parfaitement les risques d'une spécialité en conditions réelles d'emploi. En effet, les essais cliniques sont limités dans le temps. Ils ne concernent qu'un nombre limité de personnes et par mesure de sécurité excluent des populations spécifiques. C'est pourquoi un processus de suivi des effets indésirables des médicaments est mis en oeuvre au niveau européen ainsi qu'au niveau national, dans le cadre du système national de pharmacovigilance, destiné à surveiller, évaluer, prévenir et gérer le risque d'effet indésirable résultant de l'utilisation des médicaments. Le fonctionnement de la pharmacovigilance française et européenne est encadré par des directives européennes (2001/83/CE et 2010/84/UE), constamment précisées, et basé sur une organisation récemment renforcée. Ainsi, la pharmacovigilance européenne repose sur un réseau de systèmes nationaux, - dont les Etats membres sont responsables - coordonné par le Comité des médicaments à usage humain (CHMP), le groupe de coordination pour les procédures de reconnaissance mutuelle et décentralisées (CMDh) et par le comité pour l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC), tous placés auprès de l'Agence Européenne du Médicament. Les signaux, émis par ce système de pharmacovigilance, sont analysés en continu. Ce dispositif permet d'évaluer de façon continue, dans les conditions réelles d'utilisation du médicament, le rapport bénéfices/risques de ce dernier. Dès lors que l'évaluation des effets thérapeutiques positifs du médicament au regard des risques pour la santé du patient ou de la santé publique n'est plus considérée comme favorable, l'AMM du produit peut être modifiée, suspendue ou retirée et ce à tout moment, au niveau national pour les AMM purement nationales et au niveau européen pour les autres. En outre, certains médicaments sont soumis à une surveillance plus spécifique, soit parce qu'il s'agit d'une nouvelle substance active ou d'une nouvelle classe pharmacologique, soit, pour un médicament déjà commercialisé, en raison de la détection de nouveaux signaux nécessitant une exploration approfondie. Cette surveillance supplémentaire implique notamment la mise en place d'un plan de gestion des risques (PGR) européen et/ ou national, ainsi que la mise en oeuvre d'enquêtes de pharmacovigilance. La liste des médicaments faisant l'objet d'une surveillance est publiée sur le site de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) De surcroit, l'ANSM a engagé un programme de réévaluation de la balance bénéfices/risques des médicaments les plus anciens, dont les AMM ont été octroyées selon une procédure nationale avant 2005, en tenant compte de l'évolution des connaissances sur le médicament et des progrès de la thérapeutique. Cette révision s'inscrit dans un programme de priorisation basée sur le risque et a démarré par les médicaments soumis à prescription médicale obligatoire, dont l'action est systémique (par opposition à ceux qui ont une action principalement locale), et non réservés à l'usage ou à la prescription hospitalière, ainsi qu'en fonction du niveau de service médical rendu (SMR) et du niveau de risque inhérent à son utilisation. Ces réévaluations peuvent conduire notamment à des retraits du marché, des restrictions de prescription ou des programmes de surveillance renforcée. Dans tous les cas, la décision française est soumise à un arbitrage européen traité selon une procédure plus ou moins urgente, au terme de laquelle la Commission européenne statue. En deux ans, 110 réévaluations - correspondant à 110 médicaments - ont été réalisées : 58 entrent dans le programme de révision des anciennes autorisations de mise sur le marché (AMM) et 52 sont la conséquence d'alertes de sécurité. A ce stade, ces procédures ont débouché sur 13 restrictions majeures d'indications, 6 restrictions majeures des conditions de prescription et délivrance, 4 programmes de surveillance renforcée et 24 évaluations défavorables au niveau national et actuellement en cours d'arbitrage au niveau européen. L'ensemble de ces informations est disponible sur le site internet de l'Agence. Plus précisément, s'agissant de la liste des médicaments publiée par la revue médicale Prescrire, il y a lieu de préciser que sur les 60 molécules, 42 ont fait ou font l'objet d'une telle réévaluation du rapport bénéfice/risque au niveau national ou européen ayant abouti à la modification des Résumés des caractéristiques du produit (RCP) notamment en termes de restriction d'indications thérapeutiques ou de mise à jour des informations relatives à l'efficacité, à la sécurité d'emploi et aux risques (flunarizine, trimétazidine, tianeptine, orlistat, quinine, aliskiren, etc), à la mise en place de mesures de minimisation du risque (tacrolimus, tianeptine, etc), voire au retrait ou à la suspension des AMM (méprobamate, indoramine). D'autres médicaments, qui ne sont pas sur la liste, ont également été réévalués voire retirés du marché.

Données clés

Auteur : M. Jean-Luc Warsmann

Type de question : Question écrite

Rubrique : Pharmacie et médicaments

Ministère interrogé : Affaires sociales et santé

Ministère répondant : Affaires sociales et santé

Dates :
Question publiée le 2 avril 2013
Réponse publiée le 24 septembre 2013

partager