Renault
Question de :
Mme Pascale Crozon
Rhône (6e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Mme Pascale Crozon alerte M. le ministre du redressement productif sur les conséquences, pour les filiales de Renault, de la négociation en cours d'un « accord de compétitivité ». Non représentés dans ces négociations, les salariés de ces filiales craignent que l'accord ne s'y applique sans prise en compte des accords spécifiques antérieurs, ni des particularités de chaque entreprise du groupe. Ainsi, Auto chassis international, située à Villeurbanne, a vu depuis 2004 ses effectifs diminuer de 650 à 300 salariés et la délocalisation d'une part de ses machines vers la Roumanie. Compte tenu des départs en retraite et préretraite, ACI emploiera moins de 250 salariés en 2016, terme de l'accord. Inquiets pour la viabilité du site, les représentants syndicaux estiment que les efforts demandés aux salariés - gel des salaires, suppression de RTT et de temps de pause - ne sauraient être acceptables sans contrepartie réelle de maintien de l'activité, qui nécessite a minima le remplacement de ces départs. Elle lui demande comment le Gouvernement agit pour obtenir des négociations spécifiques aux filiales de Renault, et pour préserver durablement leur activité industrielle dans nos régions.
Réponse en séance, et publiée le 22 mars 2013
CONSÉQUENCES DE L'ACCORD DE COMPÉTITIVITÉ
POUR LES FILIALES DE RENAULT
Mme Pascale Crozon. Ma question s'adresse au ministre du redressement productif et concerne les conséquences de l'accord de compétitivité signé récemment entre les partenaires sociaux de Renault sur ses filiales basées en France, notamment sur ACI, à Villeurbanne. Comme ils le craignaient, les salariés d'ACI ont en effet été informés que cet accord s'appliquera dans leur entreprise sans nécessité d'ouvrir de nouvelles négociations. Cela soulève deux questions.
La question du dialogue social tout d'abord, puisque les salariés d'ACI, non représentés au niveau central, verront l'accord de compétitivité se substituer aux accords spécifiques qu'ils avaient négociés, notamment en matière d'annualisation du temps de travail. Interrogée par les délégués syndicaux, l'inspection du travail ne s'est à ce jour pas prononcée sur la légalité du procédé.
Mais c'est surtout la question de l'emploi qui préoccupe les salariés. À l'inverse des huit sites français gérés par la maison mère, l'accord ne prévoit pour les filiales aucune contrepartie sur le maintien de l'activité ni précision sur les modèles qui leur seront confiés.
ACI, qui a connu depuis 2004 une baisse de ses effectifs, qui sont passés de 650 à 300 personnes, et la délocalisation d'une part de ses machines vers la Roumanie, comptera moins de 250 salariés en 2016, ce qui pose nécessairement la question de sa viabilité. En l'état, les salariés craignent de devoir accepter la suppression de 8 jours de RTT, la réduction de 46 à 20 minutes de leurs pauses quotidiennes, déjeuner compris, et le gel de leurs salaires pendant trois ans, sans autre perspective qu'une fermeture du site à l'issue de cette période. Vous comprendrez dans ces conditions que l'ensemble des syndicats, y compris ceux qui sont signataires de l'accord au niveau national, sont aujourd'hui engagés à Villeurbanne dans un mouvement de grève.
Ma question, monsieur le ministre, est donc simple : l'État actionnaire, qui a salué par votre voix un accord préservant l'ensemble des sites industriels de Renault, poursuit-il les mêmes exigences à l'égard des filiales du groupe, et si oui, entend-il obtenir l'ouverture de négociations sociales prenant en compte leurs spécificités ?
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Puis-je vous demander, monsieur le président, le temps dont je dispose pour répondre ?
M. le président. Pour chaque question, la règle encadre les interventions dans un temps global de six minutes, l'idéal étant que l'auteur de la question dispose, à la fin, d'un peu de temps pour répondre.
M. Arnaud Montebourg, ministre. Je vous remercie, monsieur le président.
Madame la députée Pascale Crozon, vous avez raison d'évoquer le sort des filiales de Renault dans cet accord que l'entreprise a passé avec les organisations syndicales. Elles sont trois sur quatre, CGC, CFDT et Force ouvrière, à avoir signé le 13 mars le " contrat pour une nouvelle dynamique de croissance et de développement social de Renault en France ". Il s'agit juridiquement d'un accord de groupe branche automobile, dont le champ d'application est Renault SAS et ses filiales industrielles. Celle que vous évoquez, ACI, est détenue à 100 % par Renault depuis 2006.
Cet accord a été marqué par l'intelligence collective des partenaires sociaux. Par l'échange de concessions réciproques, même s'il y avait au départ des négociations des points inconciliables, ils sont parvenus à un compromis qui au total sert la base industrielle de Renault en France.
En effet, dans l'ensemble des concessions qui ont été faites en contrepartie des efforts que les organisations syndicales ont acceptés et que les salariés vont faire, je note qu'il n'y a pas de baisse de salaires. Il s'agit d'un gel de salaire pendant un an - un an, pas trois - avec reprise des négociations dans la limite de l'inflation et partage du retour à meilleure fortune de l'entreprise avec les salariés sous forme de primes.
En revanche, un effort sur le temps de travail est demandé aux salariés, puisque dans certains sites il était inférieur à 35 heures - 32 heures parfois, 34 heures souvent. Ce retour aux 35 heures ne porte donc pas atteinte au cadre légal, je le rappelle pour les détracteurs de cet accord.
Quelles sont les contreparties ? Elles sont importantes : aucune fermeture de site, aucun licenciement, seulement des départs à la retraite, aucun plan de départs volontaires - vous savez que les départs volontaires sont, en fait, plutôt des départs forcés.
Mieux, le ministère dont j'ai la charge s'est employé à obtenir que la négociation se focalise sur la relocalisation en France d'activités de production industrielle, d'assemblage et de construction de véhicules. Renault ne fabrique plus en France qu'à peine plus de 500 000 véhicules par an - c'est très peu -, sur cinq sites qui ne fonctionnent qu'à moins de 50 % de leurs capacités.
L'objectif est de parvenir à la fabrication de 820 000 véhicules en 2020. L'engagement d'en fabriquer 710 000 en 2016 est déjà pris. Cela représente 420 millions d'euros d'investissements à Douai, 230 millions à Sandouville, 190 millions à Dieppe, 300 millions à Cléon. Villeurbanne sera donc concernée par cette augmentation globale d'activité sur l'ensemble des sites, puisque c'est un sous-traitant important dans la galaxie Renault.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon.
Mme Pascale Crozon. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse qui est plutôt de nature à nous rassurer.
J'ai lu dans un article du Monde du 19 mars que, selon M. Ghosn, le groupe est confronté non pas à une difficulté conjoncturelle mais à un impératif d'ajustement structurel. La négociation a été extrêmement dure ; j'en ai eu des échos et vous venez de nous le confirmer. Cependant, le PDG de Renault s'est engagé à ne pas fermer d'usines en France et à augmenter significativement le plan de charge des sites français.
Nous espérons simplement que, dans cette affaire, les filiales ne seront pas oubliées. Cette question dans nos circonscriptions est extrêmement importante.
Auteur : Mme Pascale Crozon
Type de question : Question orale
Rubrique : Automobiles et cycles
Ministère interrogé : Redressement productif
Ministère répondant : Redressement productif
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 mars 2013