14ème législature

Question N° 23485
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > entreprises

Tête d'analyse > représentants du personnel

Analyse > salaires. disparités.

Question publiée au JO le : 09/04/2013 page : 3761
Réponse publiée au JO le : 03/09/2013 page : 9332

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la différence de salaires entre les représentants du personnel et les autres salariés. Une grande campagne publicitaire dénonce à juste titre les inégalités salariales entre les hommes et les femmes et nous ne pouvons que nous en réjouir. Parmi les multiples inégalités, une autre vient d'être démontrée par une étude conduite sur les institutions représentatives du personnel auprès de 2 929 établissements de plus de 20 salariés. Cette étude montre un écart de salaire de plus de 10 % pour les délégués syndicaux. Des blocages de carrière pénalisent également les syndicalistes, entraînant une autre perte de revenus. La différence de salaire est plus forte pour les représentants des syndicats réputés les plus combatifs : ils sont de 20,6 % pour les représentants CGT et de 12,3 % pour les représentants CFDT. Les données portant sur les salaires des représentants d'autres syndicats n'ont pas été retenues car non significatives. Ces chiffres doivent être mis en corrélation avec ceux qui indiquent le nombre de signatures d'accords collectifs : la CGT est le syndicat qui en signe le moins (34 % en 2008), alors que la CFDT est celui qui en signe le plus (78 %). Il lui demande si des mesures concrètes seront mises en œuvre afin de faire cesser dans les entreprises cette discrimination à l'encontre des salariés engagés dans l'action syndicale.

Texte de la réponse

Le Gouvernement est attentif à ces observations, à l'heure où le dialogue social occupe une place centrale dans l'élaboration de la norme applicable dans les entreprises et les branches professionnelles. Il note que l'étude à laquelle il est fait mention, repose sur l'exploitation d'une enquête issue de la statistique publique (l'enquête REPONSE de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), mise à disposition des chercheurs, qui permet la mise en évidence de ces résultats. L'estimation avancée d'une différence de rémunération moyenne d'environ 10 % au détriment des délégués syndicaux relativement aux autres salariés est un phénomène déjà connu dont certaines dispositions existantes ont vocation à se résorber. Il convient de rappeler le cadre juridique existant. De manière générale, les articles L.1132-1 et 2141-5 à 2141-7 du code du travail prohibent toutes discriminations, notamment à raison des activités syndicales. La loi du 20 août 2008 (loi n° 2008-789 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail) est venue renforcer le dispositif législatif relatif à l'exercice du droit syndical. L'article L.2141-5 du code du travail, qui prévoyait déjà l'interdiction pour l'employeur de prendre en considération l'appartenance ou l'activité syndicale d'un salarié dans les décisions prises à son égard, dispose désormais qu'un accord détermine les mesures retenues pour concilier vie professionnelle et carrière syndicale, et pour tenir compte de l'expérience spécifique acquise par les représentants du personnel dans leur évolution professionnelle. L'article L.6111-1 du code du travail garantit lui aussi la reconnaissance de compétences propres à l'activité syndicale, en énonçant que toute personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle « ou liée à l'exercice de responsabilités syndicales ». Par ailleurs, l'article L.2242-20 du même code prévoit depuis 2008 que des négociations seront menées dans les entreprises de plus de 300 salariés sur le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales. Afin d'assurer l'effectivité de ces dispositions protectrices, les salariés victimes de discrimination ou un syndicat agissant en leur nom peuvent former un recours pénal et/ou un recours civil devant le conseil des prud'hommes. La discrimination, pour être prouvée, doit être appréciée entre salariés aux profils comparables au sein d'une même entreprise (sur ce point, cf. Cass. soc. , 30 novembre 2011, n° 10-20.463). Seul le juge est à même d'apprécier au cas par cas les discriminations éventuelles entre salariés au niveau de cette entité que représente l'entreprise. Ainsi, la cour de cassation, dans un arrêt rendu par la Chambre sociale le 19 janvier 2011 (n° 09-68.722), a pu considérer qu'il y a discrimination syndicale dès lors que, à compter du moment où le salarié obtient son mandat syndical, il ne bénéficie plus de promotion, d'augmentation de salaire ou lorsque celles-ci sont moindres que celles des autres salariés placés dans une situation identique. En outre, en renforçant la légitimité des organisations syndicales et en donnant un poids supplémentaire à la négociation collective via les conditions de représentativité, la loi du 20 août 2008 devrait permettre de rééquilibrer les rapports entre les institutions représentatives du personnel et les représentants du patronat. Par la voie de la négociation collective d'accords de droit syndical, les partenaires sociaux établissent ensemble les règles de fonctionnement du paritarisme. Incidemment, cela devrait contribuer à mieux faire respecter le principe de non-discrimination à l'égard des délégués syndicaux. Le Gouvernement reste attentif à l'amélioration de la situation des délégués syndicaux dans l'entreprise, et conserve un oeil vigilant sur toute nouvelle étude menée à ce sujet. Au delà, comme l'indique la feuille de route de la grande conférence sociale pour l'emploi de juin 2013, le ministre chargé du dialogue social conduira au second semestre 2013, avec les partenaires sociaux, un processus pour le renforcement de la démocratie sociale en examinant les leviers de consolidation et de clarification des moyens humains, financiers et matériels des organisations syndicales et des organisations professionnelles avec, notamment, l'objectif de la promotion de l'engagement syndical et professionnel et la valorisation des parcours et des expériences militants.