transport de marchandises
Question de :
M. Rémi Delatte
Côte-d'Or (2e circonscription) - Les Républicains
M. Rémi Delatte attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur l'harmonisation des charges dans l'Union européenne dans le domaine du transport de marchandises. En raison de disparités législatives et fiscales, les entreprises françaises de transport de marchandises font face à une vive concurrence de la part de sociétés européennes bénéficiant d'un coût du travail considérablement moindre. Si l'harmonisation des salaires au sein de l'Union est utopique, une harmonisation des charges pesant sur les entreprises est plus envisageable et peut apparaître comme un début de réponse à la délocalisation et à la sous-traitance étrangère. En conséquence, Il lui demande si une évolution normative tendant à une harmonisation des charges sociales pesant sur les entreprises de transport routier à l'échelle européenne est envisagée dans les projets gouvernementaux.
Réponse publiée le 27 août 2013
La question de la concurrence déloyale dont sont victimes les entreprises du transport routier de marchandises est l'objet de toutes les attentions du Gouvernement. La concurrence déloyale est un effet du « dumping social » à l'oeuvre dans le transport routier, notamment de marchandises, en Europe. Dans une économie au niveau de développement social comparable à celui de la France, le coût du salaire -cotisations sociales incluses- du conducteur est le premier poste de coût du transport routier de marchandises. C'est la pression à la baisse de ce poste de coût qui permet les plus gros gains de marge bénéficiaire et de baisse du prix du transport. L'un des moyens de pression à la baisse sur ce coût consiste à substituer un conducteur soumis au droit social de l'un des États membres de l'UE à faible niveau de salaires et de cotisations sociales à un conducteur relevant d'un droit social plus protecteur tel que celui applicable en France. L'activité même du transport permet d'organiser à l'échelle de l'Europe des montages plus ou moins complexes permettant de disposer de conducteurs exclus des systèmes de droit social les plus coûteux. Mis en oeuvre lors de l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans la Communauté économique européenne, ces montages frauduleux n'ont cessé de croître au fur et à mesure de l'entrée de nouveaux États membres dans l'Union européenne qui accroissaient ces différences de coût salarial. Qu'ils soient établis en France ou dans un autre État membre à haut niveau de protection sociale, des grands groupes de transport routier ont ainsi massivement créé des filiales dans des pays de la péninsule ibérique, puis ensuite d'Europe centrale, non pas tant pour organiser des flux de transport international à partir de ces pays que pour recruter des conducteurs routiers aux conditions du droit social local pour ensuite les acheminer en France où ils travaillent par cycles de plusieurs semaines continues, leur travail étant alors organisé depuis la France. Ces conducteurs n'ont alors comme lieu de vie, pendant leur cycle d'activité hors de leur pays de résidence, que la cabine de leur camion. Ce mode de vie n'est pas compatible avec les niveaux de qualification et de sécurité qui doivent être ceux des conducteurs routiers. Si l'arsenal législatif et jurisprudentiel en place en France permet de saisir la justice pénale de tels montages frauduleux sur le fondement du travail illégal, c'est au prix de très longues enquêtes qui nécessitent la coordination de tous les services compétents sur l'ensemble du territoire avec parfois la collaboration de services d'autres États membres. Contrairement à ce que prétendent leurs organisateurs, et ceux qui font profession de les justifier, ces fraudes se traduisent par la perte de l'emploi des conducteurs français, par une évasion massive de cotisations sociales au détriment des organismes français de protection sociale et par l'éviction du marché du transport des entreprises respectueuses du droit social qui ne peuvent proposer à leurs clients des prix de transport aussi bas. Par les effectifs qu'il concerne, l'emploi de conducteur routier est l'un des principaux emplois ouvriers en France. La responsabilité de l'État régulateur est d'assurer la protection contre la concurrence déloyale de plus de 36 000 entreprises de transport routier de marchandises qui contribuent à la formation de près de 4 % du PIB national. Depuis un an, le Gouvernement est intervenu sur les questions sociales dans le transport routier de marchandises d'une part, au niveau du Conseil des ministres des transports de l'Union européenne et de la Commission européenne et d'autre part, au niveau national, de manière coordonnée et interministérielle. Face aux projets de libéralisation du cabotage dans le transport routier de marchandises de la Commission européenne, le Gouvernement français a mis en garde contre les phénomènes inacceptables de régression sociale constatés aujourd'hui qui ne pourraient alors que s'aggraver. Toute nouvelle étape d'ouverture du cabotage ne sera pas acceptable à défaut d'une harmonisation préalable des conditions sociales d'exercice de la profession. Cette position ferme du Gouvernement français a été transmise officiellement le 5 novembre 2012. Le Gouvernement se réjouit que la position française ait été entendue : la Commission européenne vient d'annoncer qu'elle renonçait à proposer une nouvelle étape de libéralisation du cabotage routier. A droit constant, il faut que la pratique du cabotage garantisse un meilleur niveau de conditions de travail et de conditions de vie aux conducteurs routiers européens. Le règlement 1072/2009 du 21 octobre 2009 sur les conditions d'exercice de l'activité du transport routier de marchandises prévoit que la directive sur le détachement des travailleurs s'applique aux conducteurs routiers qui font du transport de cabotage. Il en résulte que ces conducteurs doivent se voir appliquer les mêmes conditions de rémunération que les conducteurs de l'État membre dans lequel ils cabotent, dès lors bien entendu, que ces conditions sont plus favorables que celles de leur pays d'origine. La France veut que soient appliquées les directives européennes qui prévoient concrètement que deux travailleurs qui font le même travail dans le même État membre soient traités également, sans discrimination fondée sur la nationalité. Or, aujourd'hui des centaines de milliers de conducteurs routiers sont victimes de discrimination à raison de leur nationalité. Pour lutter contre ces pratiques frauduleuses qui ont cours depuis de nombreuses années, le Gouvernement a, pour la première fois, inscrit le transport routier de marchandises parmi les secteurs d'activités prioritaires du Plan national de lutte contre le travail illégal 2013-2015. Comme l'a demandé le Premier ministre, et sous la responsabilité de tous les ministres compétents, tous les corps de contrôle vont rassembler leurs expertises, leurs informations et leurs moyens pour lutter ensemble contre les fraudeurs. Les services compétents et notamment ceux du contrôle des transports terrestres relevant des directions régionales de l'environnement de l'agriculture et du logement (DREAL) enquêtent sur les systèmes organisés de fraude mis en place en France pour recourir aux services de transporteurs utilisant des véhicules de moins de 3,5 tonnes de poids total autorisé en charge (PTAC) installés hors de nos frontières. Le travail ainsi initié est un travail de longue haleine pour lequel il faut mobiliser toute la chaîne pénale pour que soient rendues des décisions de justice à la hauteur du préjudice subi par la collectivité par ces pratiques de fraude sociale et de concurrence déloyale.
Auteur : M. Rémi Delatte
Type de question : Question écrite
Rubrique : Transports
Ministère interrogé : Transports, mer et pêche
Ministère répondant : Transports, mer et pêche
Dates :
Question publiée le 31 juillet 2012
Réponse publiée le 27 août 2013