14ème législature

Question N° 23917
de Mme Valérie Lacroute (Union pour un Mouvement Populaire - Seine-et-Marne )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > collectivités territoriales

Tête d'analyse > domaine privé

Analyse > cessions. procédures. réglementation.

Question publiée au JO le : 16/04/2013 page : 4071
Réponse publiée au JO le : 26/11/2013 page : 12419
Date de signalement: 12/11/2013
Date de renouvellement: 10/09/2013

Texte de la question

Mme Valérie Lacroute appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la question de l'exécution des cessions par les collectivités territoriales. Plusieurs collectivités sont confrontées à la complexité du droit domanial portant sur leur domaine privé, notamment de la dualité des juridictions compétentes. C'est notamment le cas où l'organe délibérant de la collectivité, après avoir attribué une vente, envisage, compte tenu de la réalisation tardive de celle-ci devant le notaire, de revenir sur ces conditions de passation où même sur la désignation de l'attributaire initial. En premier lieu, elle lui demande si une délibération attribuant une vente à un particulier en vue de la réalisation d'un projet déterminé est de nature, sans condition suspensive, à conférer à ce dernier un droit acquis. Si la délibération est définitive, faute de recours dans le délai contentieux, elle l'interroge pour savoir si un tel droit acquis peut tout de même faire l'objet d'un retrait par l'organe délibérant. En second lieu elle le questionne sur le devenir d'une délibération légale accordant une telle vente mais qui n'aurait pas fait au bout d'un délai supérieur à un an de mesure d'exécution par l'organe exécutif. Il lui est demandé de préciser si cet organe peut d'office renoncer à cette mise en œuvre ou s'il commet alors un excès de pouvoir. En troisième lieu, elle l'interroge sur le recours que l'acheteur pourrait exercer au cas où l'organe délibérant déciderait de l'évincer au profit d'un autre acheteur. Ainsi, la question du juge compétent et de l'exercice d'un référé est-elle posée, tant à l'encontre de la délibération abrogeant la délibération conférant la vente au premier acquéreur, que la délibération accordant la vente au second acquéreur en passant par la délibération organisant les conditions d'une nouvelle cession. Elle lui demande enfin de bien vouloir préciser si le Gouvernement envisage une simplification de ce régime complexe ou tout du moins une précision par un texte législatif.

Texte de la réponse

Comme le prévoit l'article L. 3211-14 du code général de la propriété des personnes publiques applicable aux biens relevant du domaine privé, « Les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics cèdent leurs immeubles ou leurs droits réels immobiliers, dans les conditions fixées par le code général des collectivités territoriales. ». En l'occurrence, les articles L. 2241-1, L. 3213-2, L. 4221-4, L. 5211-37 et L. 5722-3 du code général des collectivités territoriales prévoient que toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par les collectivités territoriales ou leurs groupements donne lieu à une délibération motivée de leur organe délibérant portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Cette délibération est prise au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'Etat qui est le directeur départemental des finances publiques. Sur le point de savoir si la délibération attribuant la vente à un particulier est de nature à conférer à ce dernier un droit acquis, la jurisprudence a reconnu que les délibérations par lesquelles les assemblées locales autorisent la cession d'immeubles du domaine privé sont des actes administratifs créateurs de droits, dès lors que la chose, le prix ainsi que l'identité de l'acquéreur sont déterminés et que leur exécution ne se trouve subordonnée à aucune condition suspensive ou résolutoire (CE, 8 janvier 1982, n° 21510 ; CAA Nancy, 5 août 2010, n° 09NC01137 ; CAA Bordeaux, 10 mai 2012, n° 11BX01264). En second lieu, si une délibération définitive, faute de recours dans le délai contentieux, peut faire l'objet d'un retrait, il convient de rappeler, en application des principes dégagés par la jurisprudence Ternon (CE, 26 oct. 2001, n° 197018), qu'une collectivité ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits si elle est légale, et ne peut la retirer, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Par ailleurs, s'agissant du devenir d'une délibération légale qui n'aurait pas été suivie au bout d'un délai de plus d'un an de mesure d'exécution par l'organe exécutif, il convient de relever qu'il a été jugé qu'une délibération autorisant, sans fixer le délai pour la passation de l'acte de vente, la cession d'un terrain à un particulier, n'était créatrice de droit au profit de l'intéressé que sous la condition que la vente soit réalisée dans un délai raisonnable (CAA Marseille, 24 janv. 2012, n° 10MA01232) ; dans le cas d'espèce, la Cour administrative d'appel a admis la légalité d'une délibération par laquelle le conseil municipal a annulé une précédente délibération, antérieure de 9 années, autorisant la vente d'une parcelle du domaine privé à un particulier, au comportement au demeurant fautif. A contrario, si un maire refusait d'exécuter de sa propre initiative une décision du conseil municipal, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2122-21 du CGCT, ce refus d'exécution serait susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, en particulier par le bénéficiaire de la vente qui aurait été ainsi lésé. Enfin, s'agissant du juge compétent pour se prononcer sur la légalité des délibérations relatives aux cessions immobilières, le Tribunal des Conflits avait posé le principe (TC, 24 octobre 1994, n° 02922) selon lequel « les litiges concernant la gestion du domaine privé des collectivités locales relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires ». Dans une décision plus récente (TC, 22 novembre 2010, C3764), il a considéré que « la contestation par une personne privée de l'acte, délibération ou décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu'en soit la forme, dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire ; qu'il en va de même de la contestation concernant des actes s'inscrivant dans un rapport de voisinage. ». Il convient d'ajouter que le juge administratif peut être compétent, outre le cas où l'acte affecte le périmètre ou la consistance du domaine privé, lorsque la convention litigieuse comporte une ou plusieurs clauses exorbitantes du droit commun, le Tribunal des Conflits ayant précisé, dans le même jugement, que « le renouvellement d'un titre d'occupation consenti par une convention ne comportant aucune clause exorbitante, n'est pas détachable de la gestion du domaine privé et relève de la compétence du juge judiciaire ». Au regard de ces éléments, la Cour administrative de Marseille, dans la décision précitée du 24 janvier 2012, a rappelé les principes posés par le Tribunal des Conflits et considéré en l'espèce, que « la délibération en cause qui décide d'annuler une délibération autorisant la vente du domaine privé de la commune doit être regardée comme affectant le périmètre du domaine privé de la commune et ressortit en conséquence de la compétence de la juridiction administrative ». La jurisprudence, abondante sur ces sujets, a su dégager des principes qui suffisent à clarifier les règles de droit applicables, sans qu'il soit nécessaire de les fixer dans la loi.