14ème législature

Question N° 26435
de M. Lucien Degauchy (Union pour un Mouvement Populaire - Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > système pénitentiaire

Tête d'analyse > détenus

Analyse > suicides. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 14/05/2013 page : 5082
Réponse publiée au JO le : 14/01/2014 page : 515

Texte de la question

M. Lucien Degauchy interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'augmentation récurrente des suicides en prison. Selon un rapport du Conseil de l'Europe publié récemment, quinze détenus sur dix mille se suicident en prison en France ; ce taux de suicide dans les établissements pénitentiaires est deux fois supérieur à la moyenne constatée dans les 47 membres du Conseil de l'Europe. Ces suicides interviennent majoritairement en début de détention et touchent davantage les prévenus que les condamnés. Aussi il aimerait savoir quelles mesures concrètes pourraient être mises en place pour faciliter l'adaptation des détenus en milieu carcéral.

Texte de la réponse

La prévention du suicide des personnes détenues est une des préoccupations majeures de la Garde des Sceaux depuis sa nomination. Ces vingt dernières années, le nombre de suicides en prison a augmenté passant de 39 en 1980 à plus de 100 par an à partir de 1993. Depuis la fin des années 90, il s'est cependant stabilisé autour de 116, bien que la population carcérale ait doublé dans le même temps. Ainsi, le taux de suicide pour 10.000 détenus, est passé de 10 en 1980, à 20,4 en 2005 (122 suicides) avec un pic à 24.4 en 1996. Depuis 1996, on note une baisse du taux, puis une relative stabilisation. Le taux est de 17.3 pour 10.000 détenus en 2008, de 18.4 en 2009, de 17.8 en 2010, de 18.2 en 2011 et 16 en 2012. A ce jour pour l'année 2013, alors que la population carcérale a continué d'augmenter, une légère baisse du nombre de suicides est observée. Au niveau européen, il convient de préciser que si le taux de suicide apparaît en France comme l'un des plus importants, il n'en demeure pas moins que les chiffres avancés peuvent être nuancés pour plusieurs raisons. En effet, la définition d'un suicide en milieu carcéral (hors les murs ou dans les murs) n'est notamment pas la même pour l'ensemble des pays européens, la France ayant une acception large de ce phénomène. De même, certains pays peuvent connaître des nombres d'entrée en détention très différents. Enfin, la France étant l'un des pays d'Europe où le suicide dans la population générale est le plus élevé, les facteurs objectifs de risque de passage à l'acte suicidaire se retrouvent de façon très concentrée en milieu carcéral. En tout état de cause, une politique particulièrement volontariste de prévention s'est mise en oeuvre depuis les années 2000 (circulaire Santé/Justice du 26 avril 2002 relative à la prévention du suicide dans les établissements pénitentiaires et rapport du Professeur Terra de décembre 2003), et particulièrement en 2009 avec l'adoption d'un grand plan national d'actions de prévention et de lutte contre le suicide en milieu carcéral (note ministérielle du 15 juin 2009), toujours en vigueur. Ce plan comporte vingt mesures qui s'articulent autour de cinq axes : le renforcement de la formation des personnels pénitentiaires à l'évaluation du potentiel suicidaire, l'application de mesures particulières de protection pour les personnes détenues en crise suicidaire (tenues déchirables...), le développement de la pluridisciplinarité, la lutte contre le sentiment d'isolement au quartier disciplinaire et enfin la mobilisation de l'ensemble de la communauté carcérale (intervenants, associations, familles, codétenus, autorités judiciaires et partenaires du ministère de la justice). Une mission de prévention et de lutte contre le suicide en milieu carcéral a été créée en janvier 2010 au sein de la direction de l'administration pénitentiaire afin de renforcer le caractère prioritaire de l'action conduite et de l'inscrire dans le long terme. Par ailleurs, en raison de passages à l'acte plus élevés dans les premiers jours de l'incarcération, le ministère de la justice a engagé plusieurs actions afin de diminuer les risques à ce stade. En ce sens, la prise en charge des entrants a été améliorée par le processus de labellisation par un organisme indépendant des « quartiers arrivants » conformément aux règles pénitentiaires européennes de nature à garantir la prise en compte des besoins urgents de la personne détenue à son arrivée en détention (accès à un local de douche, accès gratuit au téléphone, remise de documents, etc.). De même, l'utilisation d'une grille d'évaluation du potentiel suicidaire lors de l'entretien d'accueil par le personnel pénitentiaire, actualisée au cours du parcours de détention, est opérationnelle dans tous les établissements pénitentiaires et permet de mieux repérer et prendre en charge les personnes à risque. De plus, depuis 2011 des protocoles locaux d'échanges d'information entre les services relevant du ministère de la justice ont été signés afin de favoriser la continuité et la traçabilité de l'information entre services, permettant d'améliorer la détection du risque suicidaire avant même l'incarcération et de prendre en compte plus efficacement l'état réel de la personne à son arrivée en détention. Enfin, plusieurs établissements expérimentent une des mesures les plus innovantes du plan d'action que sont « les codétenus de soutien » qui peuvent également aider les personnes détenues arrivantes à s'adapter au milieu carcéral. Au-delà des actions mises en oeuvre dans le cadre de la prévention du suicide en détention, la politique pénitentiaire que poursuit la Garde des sceaux depuis sa nomination vise, de façon générale, à améliorer les conditions de détention et assurer le respect de la dignité des personnes détenues. A ce titre, elle s'est engagée fortement dans la prise en compte des personnes détenues en situation de particulière fragilité dès lors qu'elles se trouvent en situation de handicap, de dépendance ou souffrent de troubles psychiatriques. Les services du ministère de la justice sont en conséquence mobilisés dans différentes actions parmi lesquelles le groupe de travail autour de la question de la suspension de peine médicale pour trouble mental, conjointement avec le ministère des affaires sociales et de la santé, mais aussi dans les actions mises en oeuvre au niveau interministériel dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale aux fins d'amélioration des prises en charge médicales en détention par exemple.