Question au Gouvernement n° 2802 :
sécurité

14e Législature

Question de : M. Sergio Coronado
Français établis hors de France (2e circonscription) - Écologiste

Question posée en séance, et publiée le 15 avril 2015


PROJET DE LOI RELATIF AU RENSEIGNEMENT

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Monsieur le Premier ministre, l'Assemblée a commencé hier l'examen du projet de loi relatif au renseignement que vous avez présenté. La procédure accélérée que vous avez choisie réduit le temps de débat au Parlement de ce texte pourtant d'une très grande importance, puisqu'il touche au fragile équilibre entre sécurité et libertés fondamentales. Comme l'écrit très justement le président de la commission des lois, « les conditions d'examen de la procédure accélérée ne permettent pas aux parlementaires de travailler de manière satisfaisante. »

Monsieur le Premier ministre, ce texte, qui ne saurait être réduit à la seule lutte contre le terrorisme, suscite des inquiétudes et des critiques légitimes dans la société. Le président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, Jean-Marie Delarue, estime qu'il comporte des dérives portant atteinte aux libertés individuelles. Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l’Europe dénonce quant à lui un climat social dangereux au sein duquel chacun pourra être considéré comme un potentiel suspect.

Les critiques visent également l'élargissement des finalités assignées désormais aux services de renseignement, qui vont de la lutte contre le terrorisme à la « prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions », en passant par la protection des « intérêts majeurs de la politique étrangère de la France ». Ce projet de loi autorise aussi le recours à des outils de recueil technique de données de très grande ampleur, pour ne pas dire de masse – notamment des outils mobiles de proximité de captation directe de données, et des sondes et algorithmes opérant sur les flux électroniques – sans offrir toutes les garanties de protection pour nos libertés. Je regrette à cet égard que l'amendement des écologistes assurant la protection de certaines professions – avocats, journalistes, médecins et magistrats – ait été rejeté par la commission des lois. J'espère que le Gouvernement réparera cette erreur.

Monsieur le ministre, au-delà des conséquences de ce texte pour les libertés, nous nous préoccupons de son impact économique. Nombre d'hébergeurs français s'inquiètent sérieusement de voir leurs clients fuir leurs services pour des pays où l'espace numérique n'est pas soumis à de tels contrôles. Nous risquons de pénaliser l'emploi et l'industrie numérique dans notre pays. Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, si toutes les conséquences du texte ont été réellement évaluées par votre gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, après mon intervention, l'Assemblée a débuté, en présence de Bernard Cazeneuve, de Christiane Taubira et de Jean-Yves Le Drian, l'examen de ce texte important. Il répond, comme d'autres textes que nous avons fait adopter depuis 2012, aux différentes menaces qui visent notre pays. Comme hier, monsieur Coronado, je serai très clair : la première des menaces que nous avons à affronter est le terrorisme.

Je ne veux pas que l'on puisse croire un seul instant, dans le débat public comme dans cet hémicycle, que nos libertés et notre État de droit seraient menacés par ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je ne peux pas l'accepter. Je ne parle pas en particulier de votre question, monsieur le député, mais j'ai entendu des interventions surprenantes provenant de différents bancs, dans lesquelles il était question de « police politique ». (« Mais oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) En écoutant ces interventions, et en lisant certains éditoriaux, je me dis que leurs auteurs sont vraiment à côté de la plaque !

J'ai aussi lu que nous serions en train de légiférer sous la menace du terrorisme : dire cela est non seulement une erreur, mais aussi une faute politique, car le Parlement travaille déjà depuis plusieurs mois sur ce texte. Il est le fruit du travail des députés Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère, je l'ai rappelé hier encore. Il a été examiné par la commission des lois ; il est à présent en cours d'examen par l'Assemblée tout entière. C'est le Président de la République qui a décidé de légiférer sur ce sujet en juin 2014.

Je le disais il y a un instant : nous avons voté deux textes de loi contre le terrorisme. Nous avons aussi donné des moyens supplémentaires à nos services de renseignement, que j'ai annoncés avec M. le ministre de l'intérieur après les terribles attentats de janvier dernier.

Ce texte, quant à lui, vise à répondre à une menace très précise. Il vise à protéger nos services de renseignement, notamment, mais pas seulement, sur internet, et à encadrer le travail de nos services. C'est un texte équilibré, efficace et en même temps qui garantit nos libertés. Comme l'a dit M. le président de la commission des lois Jean-Jacques Urvoas, qui a pris une part très importante sinon essentielle à sa préparation, ce projet de loi protège nos libertés et renforce notre État de droit.

J'entends, bien entendu, toutes les inquiétudes. Nous devons y répondre. Beaucoup d'amendements ont d'ailleurs déjà été acceptés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est l'honneur de notre pays de se doter enfin des moyens d'un État de droit moderne pour lutter contre le terrorisme, tout en protégeant nos libertés fondamentales.

Pas de fantasmes ! Pas de faux débats ! J'invite la représentation nationale à s'unir sur ce texte essentiel. Lutter contre le terrorisme, c'est aussi savoir dépasser ses préventions et être capable de s'unir sur l'essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Données clés

Auteur : M. Sergio Coronado

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Défense

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 avril 2015

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