Question orale n° 287 :
domaine public

14e Législature

Question de : M. Paul Giacobbi
Haute-Corse (2e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste

M. Paul Giacobbi attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur le transfert à titre expérimental de compétences en matière forestière à la collectivité territoriale de Corse (CTC). L'article 21 de la loi du 22 janvier 2002 sur la Corse a transféré la propriété des 50 000 ha de forêts domaniales de Corse à la collectivité territoriale de Corse. Le code forestier a été complété par un article L. 181-1 qui maintient le régime forestier. Celui-ci a pour objectif de garantir la protection du patrimoine forestier et sa gestion durable ; son application est confiée à l'Office national des forêts (ONF). Cet établissement apporte toute satisfaction dans son action en Corse : au-delà de ses missions régaliennes, il lui a d'ailleurs été dévolu une délégation de service public pour la gestion des forêts appartenant à la collectivité, fait unique en France. En outre, la qualité de son travail a permis d'obtenir récemment la certification de gestion durable sur l'ensemble de nos massifs forestiers. Aujourd'hui, la collectivité territoriale, dotée de compétence en aménagement et développement économique au titre de l'élaboration du plan d'aménagement de la Corse, souhaite jouer pleinement son rôle notamment pour l'avenir de la filière bois. Elle souhaite mieux maîtriser ses possibilités d'intervention et assumer les prérogatives que la loi lui a confiées. C'est pourquoi il apparaît opportun d'envisager une évolution à titre expérimental des compétences en matière forestière en Corse. Une première adaptation pourrait concerner le processus d'approbation des aménagements forestiers : en effet, la loi prévoit que l'assemblée de Corse donne un avis sur ces plans de gestion, qui sont finalement approuvés par le préfet de Corse. Il semble à la fois plus efficient et plus respectueux de la spécialité de la collectivité territoriale d'inverser le processus : le préfet doit donner l'avis de l'État sur le document d'aménagement rédigé par l'ONF mais la décision devrait revenir à l'assemblée de Corse. Par ailleurs, l'ONF assure au titre du régime forestier à la fois la police et la commercialisation des forêts. La séparation de ces missions, qui peuvent paraître incompatibles, pourrait être expérimentée sur les forêts de Corse. L'article L 214-6 du code forestier exclut pour le moment toute implication de la collectivité territoriale. Ses dispositions sont exorbitantes du droit commun et ignorent les principes des prérogatives de la propriété. Or la Collectivité territoriale de Corse est le deuxième propriétaire de forêts publiques en France après l'État. Elle pourrait veiller à la mise en valeur et à la commercialisation de son patrimoine, afin d'en maîtriser l'aspect commercial avec le concours de l'ONF. Cette compétence ne viendrait pas se substituer aux missions de l'ONF qui doit conserver ses prérogatives de police de la forêt c'est-à-dire la surveillance et la protection, la collectivité se chargeant de la responsabilité de la vente de ses bois, des aspects commerciaux et de l'aménagement forestier. En effet les ventes de bois ont fortement chuté ces dernières années et dans un contexte de contraintes budgétaires sévère, la collectivité territoriale de Corse doit pouvoir administrer son patrimoine et en tirer des revenus pour à la fois trouver les ressources indispensables au financement de ses investissements en forêt et développer sa politique d'approvisionnement, afin de soutenir, dynamiser et structurer la filière bois insulaire. Cette répartition des tâches serait mise en oeuvre une ou deux années à titre expérimental uniquement sur les forêts territoriales. Aussi souhaiterait-il connaître la position du Gouvernement sur cette proposition d'expérimentation.

Réponse en séance, et publiée le 15 mai 2013

COMPÉTENCES DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE EN MATIÈRE FORESTIÈRE

M. le président. La parole est à M. Giacobbi, pour exposer sa question, n° 287, relative aux compétences de la collectivité territoriale de Corse en matière forestière.
M. Paul Giacobbi. Monsieur le ministre, après la Manche, nous allons évoquer la cognée, puisque ma question porte sur la forêt. (Sourires)
L'article 21 de la loi du 22 janvier 2002 sur la Corse a transféré, comme vous le savez, la propriété des 50 000 hectares de forêts domaniales de Corse à la Collectivité territoriale de Corse. Le code forestier a été complété pour maintenir le régime forestier. Celui-ci a pour objectif de garantir la protection du patrimoine forestier et sa gestion durable ; son application est confiée à l'Office national des forêts.
L'action de l'ONF en Corse nous apporte satisfaction. Au-delà de ses missions régaliennes, cet établissement a bénéficié d'une délégation de service public pour la gestion des forêts appartenant à la Collectivité, fait unique en France. En outre, la qualité de son travail a permis d'obtenir récemment la certification de gestion durable sur l'ensemble de nos massifs forestiers.
Aujourd'hui, la Collectivité territoriale de Corse, dotée de compétences en matière d'aménagement et de développement économique, notamment au titre de l'élaboration du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse, souhaite jouer pleinement son rôle dans l'avenir de la filière bois. Elle souhaite mieux maîtriser ses possibilités d'intervention et assumer les prérogatives que la loi lui a confiées. C'est pourquoi il apparaît opportun d'envisager une évolution à titre expérimental des compétences en matière forestière en Corse.
Une première adaptation pourrait concerner le processus d'approbation des aménagements forestiers. En effet, la loi prévoit que l'Assemblée de Corse donne un avis sur ces plans de gestion, qui sont finalement approuvés par le préfet de Corse. Il serait à la fois plus efficient et plus cohérent par rapport à notre spécialité et à notre compétence d'inverser le processus, et que le préfet donne l'avis de l'État sur le document d'aménagement rédigé par l'ONF, la décision revenant à l'Assemblée de Corse.
Par ailleurs, l'ONF assure au titre du régime forestier à la fois la police et la commercialisation des forêts. La séparation de ces missions, qui peuvent paraître incompatibles, pourrait être expérimentée sur les forêts de Corse.
L'article L 214-6 du code forestier exclut pour le moment toute implication des collectivités territoriales. Cela est pour le moins surprenant au regard de notre cas, puisque la Collectivité territoriale de Corse est le deuxième propriétaire de forêts publiques en France, très loin derrière l'État bien entendu.
Nous pourrions veiller à la mise en valeur et à la commercialisation de notre patrimoine, afin d'en maîtriser l'aspect commercial, avec bien entendu le concours de l'ONF, notre délégataire. Cette compétence ne viendrait pas se substituer aux missions de l'ONF, qui doit conserver ses prérogatives de police de la forêt, c'est-à-dire la surveillance et la protection. En revanche, la Collectivité se chargerait de la responsabilité de la vente de ses bois, des aspects commerciaux et de l'aménagement forestier, dans le cadre des lois et règlements en vigueur.
En effet, les ventes de bois ont fortement chuté ces dernières années et dans un contexte de contraintes budgétaires sévères, la Collectivité territoriale de Corse doit pouvoir administrer son patrimoine et en tirer des revenus pour trouver les ressources indispensables au financement de ses investissements en forêt.
Monsieur le ministre, cette répartition des tâches serait mise en oeuvre une ou deux années à titre expérimental. Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur cette proposition.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, et, devrais-je dire, monsieur le président de la Collectivité territoriale de Corse...
M. Paul Giacobbi. J'ai le plaisir de l'être encore !
M. Stéphane Le Foll, ministre. ...- je le signale, et je le souligne -, votre question fait suite au transfert historique à la Collectivité territoriale de Corse du patrimoine forestier, qui fait d'elle, comme vous l'avez souligné, le deuxième propriétaire, certes assez loin après l'État, de forêts publiques.
Dans le cadre du code forestier qui s'applique à l'ensemble du territoire national, vous évoquez la possibilité de faire évoluer à titre expérimental la gestion de la forêt. L'ONF en resterait l'outil, le propriétaire ayant une part plus importante dans les choix d'aménagement et de commercialisation.
Inverser le processus et faire en sorte que la collectivité décide au final est un sujet qui peut être évoqué. Toutefois, je pense que les choix qui peuvent être faits le sont de manière suffisamment consensuelle entre la Collectivité territoriale de Corse et le préfet pour que la collectivité, dans les objectifs qu'elle se fixe, soit respectée. Il en est très bien ainsi.
S'agissant de la commercialisation, une évolution des relations entre la Collectivité territoriale de Corse et l'ONF, notamment de la convention de délégation de service public, pourrait intervenir. Elle permettrait à votre collectivité de piloter davantage la gestion des forêts. Nous pourrons greffer cette question sur le débat sur la forêt, qui sera l'objet d'un grand volet dans la loi d'avenir pour l'agriculture.
M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.
M. Paul Giacobbi. Je remercie M. le ministre de l'accueil positif qu'il fait à notre suggestion. En effet, la logique veut qu'un propriétaire puisse tirer le meilleur revenu de son bien, sachant, bien entendu, que notre souci de l'environnement et d'une gestion durable et respectueuse de la nature reste fondamental. Mais je m'arrête aussitôt, parce que le président me fait signe que c'est mon intervention qui ne saurait être durable ! (Sourires.)

Données clés

Auteur : M. Paul Giacobbi

Type de question : Question orale

Rubrique : Bois et forêts

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 mai 2013

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