Question au Gouvernement n° 3033 :
gestation pour autrui

14e Législature

Question de : M. Alain Tourret
Calvados (6e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste

Question posée en séance, et publiée le 24 juin 2015


ENFANTS NÉS À L'ÉTRANGER SOUS GPA

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Ma question s'adresse aussi à vous, madame la garde des sceaux, mais un peu différemment ! La Cour européenne des droits de l'Homme a condamné l'an dernier le refus de la France de transcrire à l'état-civil les actes de naissance d'enfants nés à l'étranger dans le cadre d'une gestation pour autrui. La Cour fonde sa condamnation sur la violation par la France de l'article 8 de la Convention internationale des droits de l'enfant, relatif au respect de leur vie privée.

L'assemblée plénière de la Cour de cassation a été saisie de ce dossier complexe car deux décisions lui ont été déférées, l'une positive, l'autre négative. À l'audience, M. le Procureur général a d'abord rejeté la transcription automatique, estimant qu'elle équivaut à une reconnaissance de la GPA alors même qu'elle est interdite en France.

Mais M. le Procureur général, principal représentant en France du parquet et par là-même des intérêts de la société, a également proposé une retranscription sous conditions, compte tenu de la condamnation de la CEDH, consistant à retenir uniquement le lien de filiation biologique au père à condition que celui-ci soit incontestablement établi.

On peut s'interroger sur cette position car elle pourrait amener à fonder l'inscription sur les liens du sang et non sur le droit du sol. Quelle est donc la position du gouvernement français ? Compte tenu des arrêts rendus par la CEDH, compte-t-il s'opposer à toute demande de retranscription ou compte-t-il attendre les décisions de la Cour de cassation qui seront rendues le 3 juillet prochain ? Ne serait-il pas opportun de prendre l'initiative d'une conférence internationale sur la GPA ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme Laurence Dumont. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Vous conviendrez, monsieur le député Tourret, qu'il est délicat de discuter maintenant du sujet que vous évoquez puisque la Cour de cassation, qui est la plus haute juridiction de notre ordre judiciaire, se prononcera en effet le 3 juillet. Elle s'est en effet réunie le 19 juin et M. le Procureur général a émis certaines réquisitions dont vous avez fait état. Elle doit en effet se prononcer sur deux pourvois issus d'une affaire antérieure aux arrêts de la CEDH. L'un d'entre eux rejette la transcription de l'acte de naissance d'un enfant et l'autre, postérieur aux arrêts, l'autorise. La Cour de cassation examine donc deux décisions contradictoires. Le Gouvernement a bien l'intention de s'inspirer de sa décision pour déterminer les modalités d'exécution des arrêts de la CEDH.

Le sujet est complexe en raison de la confrontation d'un principe, d'une norme et d'un droit, tous trois fondamentaux. Du principe d'ordre public, absolu, découle la norme de l'interdiction de la gestation pour autrui. En regard, les enfants ont droit à l'identité et à la vie privée au titre de l'article 8 de la Convention internationale des droits de l'enfant, comme l'a rappelé la CEDH. Nous tiendrons compte de la décision de la Cour de cassation.

Par ailleurs, en matière d'action internationale, la France est très active dans la conférence de droit privé qui se tient actuellement à La Haye. C'est en tenant compte de ces nécessaires conciliations que nous veillerons à faire au mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Données clés

Auteur : M. Alain Tourret

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Bioéthique

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 juin 2015

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