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Question de :
M. Stéphane Demilly
Somme (5e circonscription) - Union des démocrates et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 1er octobre 2015
BLOCAGE DE L'AUTOROUTE À ROYE
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
M. Stéphane Demilly. Monsieur le Premier ministre, le 25 août dernier, à Roye, dans la Somme, une terrible fusillade faisait quatre morts, dont un nourrisson et un gendarme, ainsi que plusieurs blessés.
Le vendredi suivant, le juge d'application des peines, suivant les réquisitions du procureur d'Amiens et en application stricte de la loi, refusait au fils et au neveu de l'une des victimes membres de la communauté des gens du voyage une autorisation de sortie provisoire pour se rendre aux obsèques.
Dès lors, ce terrible événement basculait dans une autre dimension.
Dans la nuit du vendredi au samedi, une soixantaine de personnes installait un barrage à hauteur du péage de Roye sur l'A1, une des autoroutes les plus fréquentées d'Europe, brûlant des pneus et des palettes sur la chaussée.
M. Jacques Myard. Inadmissible !
M. Stéphane Demilly. Plusieurs milliers d'automobilistes étaient ainsi bloqués pendant des heures en plein week-end des retours des congés d'été et à la veille de la rentrée scolaire. L'objectif ? Faire changer une décision de justice qui ne convenait pas.
Le samedi matin, la cour d'appel d'Amiens autorisait alors en urgence les deux détenus à assister, sous escorte, aux funérailles de leur père et oncle. Le barrage fut levé progressivement et la circulation rétablie le samedi soir.
Monsieur le Premier ministre, ce revirement, sous la pression, la violence et les menaces est catastrophique pour l'opinion publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.) Il envoie à nos concitoyens le message qu'il faut casser, détruire, menacer pour obtenir gain de cause, ce qui est inacceptable dans un État de droit.
Ce n'est pas la décision en elle-même de permettre aux deux détenus d'assister à ces obsèques qui est choquante – décision que je n'ai pas d'ailleurs pas à commenter –, mais la méthode : le refus, puis l'acceptation en cédant sous la pression de la violence. On aurait dû accepter tout de suite ou pas du tout, me semble-t-il !
L'amertume, l'incompréhension, la consternation et la colère des forces de l'ordre et des habitants du territoire sont grandes – et encore plus grandes quand on sait que le coût des dégâts est estimé à plus de 500 000 euros !
M. Alain Chrétien et M. Yves Foulon. Qui va payer ?
M. Stéphane Demilly. Monsieur le Premier ministre, que répondre aux Françaises et aux Français qui n'ont pas compris que l'on puisse inverser une décision de justice en répandant la peur et la violence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, personne, ni dans la majorité ni dans l'opposition, et certainement pas au Gouvernement, n'a eu une seconde l'idée de considérer que cette obstruction à la libre circulation pouvait être tolérée.
M. Jacques Myard. Ah bon ?
M. Philippe Cochet. Où est la République ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous faites référence à une décision prise par un juge d'application des peines à la suite d'une demande faite par deux détenus d'assister aux obsèques après une fusillade qui, vous l'avez rappelé, a fait plusieurs morts dans une même famille et a également provoqué la mort d'un des gendarmes qui intervenaient sur place.
M. Yves Fromion. Un détail !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Toutes les dispositions ont été prises pour nous assurer que ces obsèques se dérouleraient dans des conditions correctes. Il se trouve que cette décision du juge d'application des peines a fait l'objet, comme ce peut être le cas de toute décision de cette nature, d'un appel. La décision en appel n'a pas été prise sous la pression de cet acte,…
M. Stéphane Demilly. Oh !
M. Philippe Cochet. Incroyable !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …qui est incontestablement condamnable et qui donne lieu à des poursuites. L'instance d'appel a examiné la situation et a simplement indiqué que, dans une circonstance pareille, une autorisation de sortie pouvait être accordée aux deux détenus sous escorte.
M. Patrice Verchère. Et le blocage de l'autoroute ? Répondez à la question ! Pourquoi les CRS ne sont-ils pas intervenus ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le juge d'application des peines avait omis de préciser que ces sorties pouvaient s'effectuer sous escorte.
Il ne s'agit donc ni d'une décision de circonstance ni d'une décision de subordination (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) : c'est une décision de justice libre. Cela n'occulte pas le fait que ce blocage de la circulation est absolument inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Pierre Lellouche. Où sont les sanctions ?
Auteur : M. Stéphane Demilly
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Voirie
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er octobre 2015