heures supplémentaires
Question de :
Mme Sophie Dion
Haute-Savoie (6e circonscription) - Les Républicains
Mme Sophie Dion appelle l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur les conséquences de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires pour l'industrie du décolletage.
Réponse en séance, et publiée le 28 novembre 2012
CONSÉQUENCES DE LA SUPPRESSION DE LA DÉFISCALISATION DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES POUR L'INDUSTRIE DU DÉCOLLETAGE
M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion, pour exposer sa question, n° 31, relative aux conséquences de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires pour l'industrie du décolletage.Mme Sophie Dion. Madame la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, ma question s'adresse au ministre du redressement productif et concerne les difficultés rencontrées par le secteur du décolletage, intimement lié à la vie économique de la Haute-Savoie - particulièrement dans la vallée de l'Arve, dont je suis l'élue - et qui représente plus de 600 entreprises.
La France est leader dans ce secteur. Ce tissu industriel, que beaucoup de pays nous envient, est composé principalement de petites et moyennes entreprises, qui exportent des composants destinés à tous les secteurs économiques, allant de l'horlogerie à l'armement, en passant par l'automobile ou le médical.
Ces PME misent sur un savoir-faire reconnu internationalement, sur la volonté de tous les acteurs locaux de rester leaders dans ce domaine, sur une main-d'oeuvre hautement qualifiée, alimentée par des filières de formation spécialisées.
Alors que le ministre du redressement productif veut " réconcilier les Français avec leur patrimoine industriel et les mobiliser autour de la reconquête industrielle " et du " made in France ", le décolletage devrait être l'une de ses priorités.
D'une part, les coûts de production et les charges sociales empêchent de conserver des marges de manoeuvre suffisantes pour investir dans ce secteur porteur d'avenir. D'autre part, les heures supplémentaires permettaient de s'adapter aux cycles économiques, de plus en plus courts.
Les mesures prises par le Gouvernement ont eu malheureusement pour conséquence de creuser l'écart salarial entre la France et les pays concurrents, comme l'Allemagne et la Suisse - beaucoup d'entreprises de décolletage sont implantées sur le territoire frontalier. Cette amplification de l'écart salarial avec nos concurrents risque, à plus ou moins long terme, d'intensifier la fuite de nos compétences, phénomène déjà prégnant dans nos vallées.
À l'heure ou la production industrielle pour le décolletage chute et se rapproche du niveau d'activité rencontré en 2009, lors de la crise économique mondiale qui frappa la vallée de l'Arve, quelles sont les mesures que compte prendre le ministre du redressement productif pour restaurer la compétitivité de ce fleuron de notre industrie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Madame la députée, en effet, le ministre du redressement productif a pu échanger avec des représentants de l'industrie du décolletage lors de sa visite au salon MIDEST, le salon de la sous-traitance industrielle, le 6 novembre dernier.
Le décolletage est une industrie de PME, qui représente en France environ 600 entreprises et 14 000 salariés. L'industrie automobile est son premier débouché. Ce secteur se concentre essentiellement, pour 70 %, dans la vallée de l'Arve, en Haute-Savoie.
Le décolletage est une filière de l'automobile qui peut s'appuyer sur un pôle de compétitivité - Arve Industries - et qui bénéficie d'un centre technique industriel basé à Cluses, le centre technique du décolletage. Celui-ci joue un rôle de vecteur d'innovation et de transfert technologique au sein des PME, qui, prises individuellement, sont dans l'incapacité de mener un effort significatif de recherche et développement.
Cette filière s'est prise en main et, sous l'égide de son syndicat, a lancé son grand projet " Expansion 2020 ", qui vise à dynamiser le tissu industriel du décolletage français pour les dix prochaines années. L'État accompagne financièrement ce projet dans le cadre du programme d'investissements d'avenir.
Par ailleurs, dans le cadre du comité stratégique de filière automobile, les acteurs se sont engagés dans un contrat de filière qui vise à renforcer la solidarité, l'innovation partagée, l'internationalisation et la consolidation des filières-métiers, dont celle du décolletage. Ces efforts doivent permettre de renforcer l'ensemble de la filière du décolletage.
Il est incontestable que la proximité de la Suisse peut attirer les salariés de la vallée : quelque 70 000 travailleurs résidant en Haute-Savoie et notamment dans la vallée de l'Arve, traversent quotidiennement la frontière pour aller exercer leur talent en Suisse, dans l'industrie de l'horlogerie ou dans la mécanique de précision.
En revanche, les représentants du décolletage rencontrés au salon MIDEST ont davantage insisté sur leur besoin de retrouver des marges que sur une quelconque critique de la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires. Existe-t-il d'ailleurs un seul autre pays européen qui, face à la crise économique et financière et à la montée du chômage, ait maintenu, et même amplifié, un système d'encouragement aux heures supplémentaires ?
L'Allemagne, un concurrent important de l'industrie savoyarde du décolletage d'après ce que confiaient les représentants de celle-ci au MIDEST, possède-t-elle un dispositif d'encouragement aux heures supplémentaires ? La réponse est non. Elle a mis en place des dispositifs qui permettent de mobiliser le chômage partiel. Dépenser de l'argent public pour permettre à des salariés de maintenir un lien avec leur entreprise et de conserver leur emploi est compréhensible. Par contre, dépenser autant d'argent public, non pas au profit des salariés, mais au profit des entreprises, pour créer du chômage, cela ne nous paraît pas admissible.
Nous avons cependant entendu le message de l'industrie du décolletage, qui n'est pas isolée. Nous comprenons que ces industriels aient besoin de marges plus élevées pour pouvoir investir et innover. Ce constat de la nécessité de dégager davantage de marges pour permettre aux entreprises de monter en gamme est d'ailleurs l'une des idées fortes du rapport commandé par le Gouvernement à Louis Gallois.
Ce rapport a été remis au Premier ministre le 5 novembre et le Gouvernement en a tiré toutes les conclusions qui s'imposaient en présentant son pacte pour la compétitivité, la croissance et l'emploi. Ce pacte propose de mobiliser, en trois ans, 20 milliards d'euros autour des entreprises. Destinée à l'appareil productif, cette somme doit contribuer, sous la forme de crédits d'impôt, à faire baisser les coûts de production pour permettre à la France de faire face à la mondialisation et à la compétition mondiale, dans une économie de plus en plus déloyale.
Cet effort, c'est l'effort de tous. C'est l'effort des entreprises, parmi lesquelles celles issues du décolletage. C'est l'effort des citoyens. C'est l'effort de chacun des consommateurs, qui, à travers leur pouvoir économique, peuvent privilégier le made in France. C'est l'effort des collectivités locales, qui devront elles aussi travailler à la remise en marche de l'appareil productif. C'est un effort d'union nationale. Tous les pays qui, dans la crise, ont réussi à tirer leur épingle du jeu sont des pays qui ont réussi à s'unir autour de leur appareil industriel.
Auteur : Mme Sophie Dion
Type de question : Question orale
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Redressement productif
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 novembre 2012