14ème législature

Question N° 3361
de M. Christian Jacob (Les Républicains - Seine-et-Marne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > ordre public

Tête d'analyse > terrorisme

Analyse > lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 25/11/2015
Réponse publiée au JO le : 25/11/2015 page : 9733

Texte de la question

Texte de la réponse

LUTTE CONTRE LE TERRORISME


Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe Les Républicains.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, jeudi, nous avons voté la prorogation de l'état d'urgence. Nous avons également voté un renforcement de la loi de 1905 qui va dans la bonne direction. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Claude Goasguen. La loi de 1955 !

M. Christian Jacob. Pardon, la loi de 1955 : vous aviez corrigé ! Nous attendons désormais la loi qui permettra, dans les plus brefs délais, de mettre en application les propositions que nous avons faites.

Monsieur le Premier ministre, à l'heure où le peuple français enterre ses enfants, il oscille toujours entre recueillement, émotion, colère et interrogations – interrogation notamment sur le parcours de ces djihadistes dont certains étaient fichés et qui ont pourtant commis l'irréparable à Paris. Nous devons collectivement la vérité aux Français.

M. Yves Censi. Très bien !

M. Christian Jacob. Les Français attendent également des réponses de l’Union européenne. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire quelle position précise défend la France quant à la refonte totale des accords de Schengen ? Quel est le calendrier de l'adoption du PNR – Passenger name record –, ce fichier aérien dont les Français ne comprennent pas pourquoi il n'est toujours pas en application ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

La guerre que nous livrons, nous la gagnerons ici, en France ; nous la gagnerons dans une Europe qui accepte de se protéger, qui accepte de contrôler et de surveiller ses frontières, mais aussi en frappant durement l'État islamique là où il prospère.

Monsieur le Premier ministre, nous souhaitons vous entendre sur un second sujet : le Président de la République rencontrera Vladimir Poutine jeudi ; demain, notre Assemblée votera la prolongation de l'intervention militaire en Syrie. Avec l'arrivée sur zone du porte-avions Charles-de-Gaulle, la France est en situation d'intégrer la grande coalition que notre groupe parlementaire appelle de ses vœux depuis deux ans. Ma question est donc simple : où en est notre nouvelle stratégie d'alliance diplomatique et militaire en Syrie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, au fond, à travers votre question, vous avez rappelé que nous nous battons sur plusieurs fronts, même si l'ennemi est partout le même, Daech…

M. Claude Goasguen. Et Al-Qaïda !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …que nous voulons détruire parce que nous sommes dans une guerre, ainsi que nous l'avons rappelé les uns et les autres.

Tout d'abord, sur le front intérieur, la mobilisation de nos forces de l'ordre et les moyens que vous nous avez donnés en prorogeant l'état d'urgence prévu par la loi de 1955, que nous avons complétée, permettent des perquisitions nombreuses – avec des résultats sur lesquels, je n'en doute pas, le ministre de l'intérieur reviendra –, des assignations à résidence – plusieurs dizaines d'individus ont été assignés à résidence – , la dissolution si c'est nécessaire, et ce le sera, de groupements ou groupements de fait liés à l'islamisme radical et au salafisme.

Et puis, il y a la mobilisation du peuple français dans un moment de recueillement : comme vous le savez, un hommage national sera rendu vendredi aux victimes et à leurs proches, auquel le Parlement sera associé. Ce sera un moment fort pour les Français, car c'est aussi la réponse que nous devons aux Français.

Il y a ensuite la mobilisation sur le plan européen : Bernard Cazeneuve reviendra dans un instant sur les positions concernant le PNR, qui est indispensable. J'ai déjà eu l'occasion de dire ici même qu'il appartient au Parlement européen et à tous les groupes de prendre pleinement leurs responsabilités : chacun doit le faire, et je parle de ma propre famille politique car c'est là un combat que nous menons depuis trois ans. Chacun doit prendre ses responsabilités. Ce PNR doit être effectif et fonctionner vraiment : c'est ce que nous avons obtenu avec Bernard Cazeneuve lors du Conseil « Justice et affaires intérieures ». Il y a également les contrôles aux frontières, comme ceux que nous effectuons, des deux côtés, et évidemment la lutte contre le trafic d'armes, qui est pour nous une priorité.

Derrière cela, monsieur Jacob, parce que nous devons aux Français vérité et transparence sur ce point aussi, l'Europe est face à son destin. Confrontée à la crise des réfugiés et à la menace terroriste, l’Union européenne doit pleinement prendre ses responsabilités. Nous, en tout cas, nous avons déjà pris nos responsabilités, et nous n'hésiterons pas à prendre nos responsabilités.

M. Claude Goasguen. Lesquelles ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Tous les pays, et nous le voyons bien aujourd'hui avec la Belgique, doivent faire en sorte de protéger les frontières de l’Union européenne, sinon il n'y aura pas d'autre choix que de protéger pleinement nos propres frontières, comme nous sommes en train de le faire. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Il faudra poursuivre ce travail parce que nous devons la sécurité aux Français.

Et puis, évidemment, il y a un troisième front. Jean-Yves Le Drian qui, avec Laurent Fabius, accompagne aujourd'hui le Président de la République à Washington pour cet entretien avec le président Obama, l'a dit avec d'autres mots, très justes : nous combattons une hydre à deux têtes. En France, il est nécessaire de renforcer la lutte contre la radicalisation, contre l'islamisme né dans notre sein, et il faut le faire également à l'extérieur.

C'est le sens tant des initiatives diplomatiques que, bien sûr, des frappes menées depuis plusieurs semaines – nous y reviendrons demain – et visant des cibles bien particulières, bien précises, de cette organisation, Daech – l'État islamique : des QG, des centres d'entraînement, des raffineries, des camions qui acheminent le pétrole, bref, ce qui fait la force financière de cette organisation.

C'est la volonté de créer une coordination, sinon une coalition, pour lutter contre Daech. Pour conclure, car je ne veux pas être trop long, le débat de demain sera l'occasion de rappeler que les attentats du 13 novembre à Paris ont profondément modifié la donne. Nous n'avons pas changé de position : notre ennemi, c'est Daech.

M. Claude Goasguen. Et Al-Qaïda !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous constatons qu'au lendemain de ces attentats, la Russie, touchée par un attentat particulièrement grave – l'explosion, la destruction d'un avion de l'une de ses compagnies – a reconnu que c'était un attentat. Nous constatons, depuis le vendredi 13, que les informations entre les États-Unis d'Amérique et la France sont d'une autre nature.

Nous allons poursuivre : tel est le sens des initiatives du Président de la République, qui se trouve aujourd'hui à Washington, qui rencontre demain la Chancelière Merkel et jeudi le président du conseil italien Matteo Renzi, avant de se rendre jeudi soir à Moscou pour une rencontre importante avec le président Poutine. Il aura également l'occasion d'aller au sommet du Commonwealth vendredi, après avoir rencontré le Premier ministre Cameron hier. Enfin, la COP21, le rendez-vous sur le climat, sera également l'occasion de nombreuses rencontres.

C'est toute la communauté internationale qui doit se rassembler, en levant toutes les ambiguïtés car nous, nous ne sommes pas ambigus. Nous avons un adversaire : c'est Daech, et tous les pays, notamment ceux de la région, doivent dire, ainsi que tous ceux qui sont concernés par ce conflit, que leur adversaire, c'est Daech. Ne doutez pas un seul instant que le Président de la République a la volonté de faire en sorte que demain, grâce à cette coalition, grâce à cette action, grâce à la clarification des positions de chacun, cet ennemi – l'organisation terroriste Daech – sera annihilé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, sur de nombreux bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)