Question orale n° 338 :
rythmes scolaires

14e Législature

Question de : Mme Marie-Louise Fort
Yonne (3e circonscription) - Les Républicains

Mme Marie-Louise Fort interroge M. le ministre de l'éducation nationale sur la mise en place de nouveaux rythmes scolaires. Le retour à la semaine de 4 jours et demi d'école induira inévitablement des frais de fonctionnement et d'investissement supplémentaires pour les collectivités, des frais de transports, d'entretien et la mise en place de nouveaux équipements. Certains maires de communes rurales de sa circonscription ont souligné les difficultés à recruter des personnels éducatifs en nombre suffisant pour encadrer les trois heures d'activités périscolaires supplémentaires prévues par la réforme. Comment organiser l'encadrement des élèves et évaluer le bien-fondé et la pertinence des activités proposées aux enfants ? Car, au-delà de la difficulté à trouver un local pour mettre en place des activités de qualité, encore faut-il avoir des moyens humains compétents. Les enseignants très sollicités par les communes pour participer aux activités périscolaires seront-ils rémunérés en tant que tels ou en tant qu'animateurs ? Le salaire n'est pas le même ! Comment éviter les disparités qui ne manqueront pas d'apparaître entre les grandes villes dotées de moyens importants et les petites communes de nos campagnes ? La suppression des devoirs et des études surveillées nuira aux élèves en difficulté dont les parents n'auront pas la possibilité de leur offrir des cours supplémentaires. Enfin le financement de cette réforme va peser lourdement sur les comptes des communes. Aussi, elle souhaite savoir quelles mesures il envisage de prendre pour épauler les communes et éviter les disparités entre elles conduisant à une école à deux vitesses qui pénaliserait les enfants.

Réponse en séance, et publiée le 26 juin 2013

MISE EN PLACE DES NOUVEAUX RYTHMES SCOLAIRES


Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour exposer sa question, n° 338, relative à la mise en place des nouveaux rythmes scolaires.

Mme Marie-Louise Fort. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, je souhaite vous poser des questions excessivement concrètes sur la mise en place des nouveaux rythmes scolaires. Dans la précipitation et par décret en janvier dernier, vous avez changé les rythmes et les maires de ma circonscription m'ont fait part de leurs difficultés. Le retour à la semaine de quatre jours et demi d'école induit inévitablement pour les collectivités des frais de fonctionnement et d'investissement supplémentaires. Comment recruter les personnels éducatifs en nombre et compétences suffisants pour encadrer les trois heures d'activités périscolaires supplémentaires prévues par la réforme ? Vous prenez le risque de transformer le temps scolaire en garderie ou en centre aéré.

Certes, les heures de garderie coûtent moins cher que les heures d'étude surveillée. Les enseignants, très sollicités par les communes pour participer à ces activités, seront-ils rémunérés en tant que tels ou en tant qu'animateurs ? Le salaire, comme vous le savez, n'est pas le même ! En outre, leur formation les prépare à enseigner, pas forcément à animer. Comment trouver des locaux et organiser l'encadrement des élèves en évaluant le bien-fondé et la pertinence des activités proposées aux enfants ? Beaucoup d'écoles de musique ou de danse contactées pour animer le temps périscolaire sont peu enclines à y participer, car les créneaux horaires de trois quarts d'heure sont trop courts et les locaux souvent inadaptés. Vous ne pourrez, même avec la meilleure volonté du monde, éviter les disparités qui ne manqueront pas d'apparaître entre les grandes villes dotées de moyens importants et les petites communes de nos campagnes.

Enfin, pour les élèves, plus de devoirs, donc plus d'études surveillées. Comment feront les élèves en difficulté qui n'ont pas la chance d'avoir des parents à même de leur offrir des cours supplémentaires ? C'est ce que j'appelle l'école à deux vitesses. Vous avez rêvé, monsieur le ministre, d'un bel idéal qui se frotte aujourd'hui à la réalité. Le financement de la réforme pèsera lourdement sur les comptes des communes. Vous me répondrez que vous avez octroyé une aide financière à celles qui ont choisi d'appliquer les nouveaux rythmes scolaires dès la rentrée 2013. Elle est déjà insuffisante. Mais qu'en sera-t-il pour la rentrée 2014 ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Madame la députée, ce matin à onze heures, l'OCDE faisait part de ses observations sur l'évaluation de notre système scolaire et de ses recommandations. Il rappelait qu'en matière de rythmes scolaires nous sommes le seul pays au monde à quatre jours, que c'est extrêmement difficile pour nos enfants et que nous-mêmes d'ailleurs n'y étions pas, car il y a quatre ans encore nous étions à quatre jours et demi. L'OCDE insiste d'ailleurs, et le ministre que je suis prendra cela en considération, car c'est l'intérêt général et celui des élèves qui m'intéresse, en disant que quatre jours et demi, ce n'est pas beaucoup et que la moyenne des pays de l'OCDE est de cinq jours. Notre pays a un choix à faire. Veut-il la réussite de ses enfants et de ses élèves ? Veut-il donner la priorité à sa jeunesse ?

Nous avons le problème, comme vous le savez, des décrocheurs, soit 150 000 élèves, nous avons un taux de chômage des jeunes à 25 % qui est inacceptable pour une démocratie comme la nôtre et nous avons des résultats scolaires, vous le verrez encore aux résultats PISA dans quelques mois, en profonde dégradation. Nous savons tous, y compris les membres de votre groupe parlementaire, madame la députée, que changer cela supposera un effort de la nation. Un effort des adultes, pas des enfants : nous nous sommes déjà beaucoup appuyés sur eux et nombre d'arbitrages n'étaient pas en leur faveur. D'où la remise en place de la formation des enseignants, la priorité au primaire, le changement de nos méthodes pédagogiques et la réforme des temps scolaires.

La réforme des temps scolaires est difficile, dites-vous. Je le constate aussi. Mais nous avons suivi les recommandations des élus, que nous avons eux aussi très longuement consultés. Ils voulaient, et je le comprends, une meilleure collaboration entre les collectivités locales et l'État. Cela se retrouve dans la loi de refondation, que vous connaissez bien, dans laquelle les collectivités sont davantage reconnues. Elles ont souhaité des projets éducatifs de territoire dans lesquels elles jouent pleinement leur part, conscientes qu'on ne peut pas faire la même chose à tel ou tel endroit selon qu'on est une petite commune rurale, une grande cité, etc. D'où la méthode de la concertation, qui a lieu sur le terrain et que nous avons adoptée.

Le Président de la République a compris que les uns et les autres ne pouvaient pas accomplir une si grande réforme en un an ; une année de plus a donc été laissée aux collectivités locales et aux projets éducatifs de la communauté éducative pour faire en sorte que notre pays offre quatre jours et demi de classe aux élèves à la rentrée 2014. C'est bien un minimum ! Cela doit être à la fois un meilleur temps scolaire, ce qui est de la responsabilité du ministre de l'éducation nationale, par le biais du changement de la pédagogie et de la formation des maîtres, et un meilleur temps périscolaire. Les inégalités ne sont pas créées par la réforme ; elles préexistaient, mais elles se voient davantage. En réalité, 30 % seulement des enfants étaient accueillis le mercredi matin ; désormais, ils seront 100 % grâce à l'État qui prend ses responsabilités. Mais on voit mieux dans la semaine que cela suppose une prise en charge… C'est la première fois et je vous demande d'y être attentive, madame la députée, que des moyens d’État sont affectés au périscolaire, ciblés sur les zones les plus en difficulté c'est-à-dire les communes éligibles à la DSU et la DSR.

Nous avons enfin eu, comme vous l'avez vu hier dans une dépêche de l'AEF, la réponse de la caisse d'allocations familiales. Cela représente plus de 150 euros par élève dans les zones en difficulté. Beaucoup de collègues maires ou élus locaux dans les zones en difficulté voient qu'ils ont là des moyens pour organiser un périscolaire de qualité qu'ils n'avaient pas jusque-là. Nous avançons. Il y aura des situations disparates, mais enfin, quand on veut la liberté, c'est ce que l'on obtient, car tout cela repose sur la qualité, l'esprit d'initiative et la volonté des hommes et des femmes. J'espère que vous serez, madame la députée, volontaire pour agir dans l'intérêt des élèves.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Louise Fort.

Mme Marie-Louise Fort. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse, qui vous a permis de manifester toute la bonne volonté qui vous anime. Je constate néanmoins avec mon collègue Guillaume Larrivé qui m'a rejoint que, dans notre département comme ailleurs, c'est tout de même la pagaille et je le regrette profondément.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Louise Fort

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement maternel et primaire

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 juin 2013

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