Question au Gouvernement n° 3394 :
attentats

14e Législature

Question de : M. Jean-Yves Le Bouillonnec
Val-de-Marne (11e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Question posée en séance, et publiée le 2 décembre 2015


ÉTAT D'URGENCE

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre de l'intérieur, quand un État de droit est confronté à des menaces mettant en cause directement la vie de ses populations et les activités du pays, que ces menaces visent le modèle de société que les citoyens se sont librement donné, cet État ne peut pas ne pas se défendre, et il doit se défendre !

Nous nous félicitons tous de la capacité des services de l'État à assumer, en pleine responsabilité, cette exigence, tout en ayant, à l'occasion de l'ouverture de la COP21, organisé et sécurisé remarquablement l'accueil de 150 chefs d'État : ils doivent en être chaleureusement félicités.

Monsieur le ministre de l'intérieur, pour un État de droit, faire face aux menaces qui veulent le détruire est un défi extrêmement complexe. Les Français approuvent massivement les mesures que rend possible l'état d'urgence. Ils savent que le Président de la République, le Gouvernement comme toutes les institutions de notre République – dont notre Parlement ! – sont garants et protecteurs de cet État de droit.

Mais nous savons que ces mesures sont, par nature, exorbitantes du droit commun. Comment prenez-vous en compte cette difficulté, monsieur le ministre ? De quelle manière le Gouvernement entend-il disposer des moyens que lui donne, exceptionnellement et pour un temps déterminé, la loi prolongeant l'état d'urgence, sans compromettre les fondements mêmes de notre démocratie ?

Pourriez-vous nous éclairer sur les objectifs que vous fixez à l'utilisation des procédures administratives, notamment l'assignation à résidence et les perquisitions, sur les circonstances et les éléments susceptibles de les justifier, ainsi que sur leurs conséquences ?

Nous partageons avec le Gouvernement la volonté – et nous affirmons cette volonté ! – que, pour défendre notre pays et notre peuple, les armes de la République n'entament ni l'État de droit ni la démocratie. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, vous avez tout à fait raison d'indiquer que c'est pour défendre l'État de droit que l'état d'urgence, prévu par le dispositif juridique français, a été mobilisé. Cet état d'urgence permet ainsi de prendre des mesures de police administrative, lesquelles permettent de démanteler des réseaux et de mettre hors d'état de nuire des individus.

Il s'agit essentiellement de deux types de mesures : les perquisitions administratives et les assignations à résidence. Ces mesures ont été prises sous le contrôle du juge administratif, lequel est, dans le temps long de l'histoire de la République, le juge des libertés publiques, comme en témoignent de grands arrêts de la jurisprudence administrative tel l'arrêt Benjamin ou l'arrêt Canal, qui ont montré la capacité du juge administratif à contrôler le respect des libertés publiques dans des contextes où celles-ci pouvaient être remises en cause.

C'est ainsi que l'ensemble des citoyens peut saisir en référé le juge administratif pour contrôler les conditions dans lesquelles les mesures de police administrative sont mises en œuvre. Le juge administratif a été saisi à plusieurs reprises en référé et, à chaque fois qu'il l'a été, il a considéré que les conditions dans lesquelles les mesures avaient été mobilisées par le Gouvernement étaient tout à fait conformes au droit.

Par ailleurs, j'ai indiqué aux préfets que je n'accepterai pas que les conditions dans lesquelles les perquisitions et les assignations à résidence sont mobilisées contreviennent à l'esprit de l'état d'urgence, au respect des règles de droit – j'y veille personnellement.

Enfin, il y a un contrôle parlementaire puissant, souhaité comme tel par le président de la commission des lois et accepté par le Gouvernement qui s'est engagé et s'est organisé pour fournir en continu au président Urvoas et aux parlementaires qui exercent ce contrôle l'ensemble des éléments témoignant de la motivation des décisions prises. Ainsi, nous serons garantis que nous protégeons les Français dans le respect rigoureux des grands principes généraux du droit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Yves Le Bouillonnec

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 décembre 2015

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