Question au Gouvernement n° 3480 :
terrorisme

14e Législature

Question de : M. Christian Jacob
Seine-et-Marne (4e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 13 janvier 2016


DÉCHÉANCE DE NATIONALITÉ

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe Les Républicains.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, les attentats qui ont frappé la France au cœur en 2015 sont restés une plaie béante. Ce que nous devons par-dessus tout aux victimes et à tous les Français, c'est une détermination totale dans notre lutte contre le terrorisme et contre l'islamisme radical.

Vous savez, monsieur le Premier ministre, que le groupe parlementaire Les Républicains a pris et prendra toutes ses responsabilités à chaque fois qu'il s'agit d'armer la France contre le terrorisme. Dans une grande démocratie, l'union nationale se construit entre la majorité et l'opposition. À deux reprises, nous vous avons proposé le vote de la déchéance de nationalité. Après l'avoir refusée, nous prenons acte que vous acceptez enfin qu'un individu qui porte les armes contre la France n'ait plus sa place dans notre communauté nationale. Toutefois, comme je vous l'ai dit au Congrès, nous pensons qu'une loi ordinaire suffirait pour mettre en place cette mesure.

Si vous recherchez l'unité nationale, commencez donc par l'unité gouvernementale ! En effet, les signes que donne votre garde des Sceaux ne sont pas bons pour la cohésion nationale.

Nous sommes prêts à soutenir le projet de loi constitutionnelle, car il signifierait que la France n'accepte plus l'inacceptable. Mais nous n'accepterons pas un marché de dupes qui tromperait les Français, qui consisterait à voter le principe de la déchéance de nationalité tout en repoussant son application aux calendes grecques.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. Christian Jacob. Ma question est donc très précise, monsieur le Premier ministre : présenterez-vous, simultanément à la révision constitutionnelle, un projet de loi d'application ? Sans cette loi d'application, l'engagement pris par le Président de la République devant le Congrès ne serait qu'une énième promesse non tenue ! Vous le comprenez, monsieur le Premier ministre : nous avons besoin d'un engagement très clair de votre part ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, je vous présente tous mes vœux pour cette année 2016, ainsi qu'à chacun d'entre vous.

Monsieur le président Jacob, comme vous l'avez dit, au cours de l'année 2015, notre pays a été touché en plein cœur. Ces derniers jours, nous avons tous eu l'occasion, à plusieurs reprises, souvent avec le Président de la République, de rendre hommage aux victimes des attentats terroristes. Les événements survenus la semaine dernière devant un commissariat parisien, l'agression antisémite qui s'est produite hier à Marseille, nous rappellent la réalité de cette menace.

Cette menace ne concerne pas uniquement la France, nous le savons bien ; et le terrible attentat qui s'est produit ce matin à Istanbul souligne encore combien cette menace nous concerne, concerne l'Europe, la Méditerranée, le monde.

Permettez-moi d'exprimer à nouveau, ici, ma solidarité envers les victimes et leurs proches, envers la Turquie, et envers nos amis allemands qui ont été très durement touchés. C'est ensemble, avec ces pays, que nous combattrons le terrorisme. Cette réalité – vous l'avez dit, monsieur le président Jacob – nous oblige à être à la hauteur de la situation.

Bien sûr, le débat existe, heureusement ! Il aura lieu ici même, argument contre argument, car plus que jamais, face à la menace terroriste, la démocratie doit vivre. Cette réalité nous oblige surtout à ne pas céder à la facilité des fausses polémiques, des petites phrases : nous devons rechercher – c'est votre souhait – l'union. C'est cet état d'esprit républicain qui anime le Président de la République et le Gouvernement ; c'est cet état d'esprit qui doit continuer à nous animer tous.

Le 16 novembre dernier, devant le Congrès, le Président de la République a annoncé une révision de la Constitution. Pour protéger les Français dans la durée, nous avons décidé d'inscrire dans la Constitution l'état d'urgence. Vous le savez, et vous l'avez rappelé, nous avons également proposé la déchéance de nationalité pour les personnes condamnées pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation, sans pour autant créer de situation d'apatridie.

Tuer des Français au nom de l'islamisme radical, du djihad, c'est se couper définitivement de la communauté nationale ; c'est rejeter, au fond, toute volonté de vivre ensemble. Dans ce cas, oui, l'État, la République, peuvent prendre de telles mesures.

Vous aurez à débattre de ce texte dans les prochaines semaines. Comme l'a annoncé le Président de la République devant le Congrès, je le présenterai devant le Parlement. Nous présenterons aussi deux projets de loi ordinaire pour l'accompagner, l'un en application de l'article premier, l'autre en application de l'article 2 de la révision constitutionnelle.

Nous présenterons ces textes en même temps – nous avons encore quelques jours devant nous – pour qu'ils entrent ensuite en application. Il est hors de question de perdre du temps alors que les Français attendent de notre part des engagements. C'est ce que nous faisons, et j'imagine que M. le ministre de l'intérieur y reviendra cet après-midi en répondant à vos questions. Nous aurons également l'occasion d'y revenir tout à l'heure quand nous nous rencontrerons à Matignon.

Nous devons prendre des décisions qui s'appliquent le plus rapidement possible. C'est ainsi que nous ferons vivre l'unité nationale ; c'est ainsi que nous répondrons à l'exigence des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Données clés

Auteur : M. Christian Jacob

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 janvier 2016

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