14ème législature

Question N° 3619
de M. Yves Censi (Les Républicains - Aveyron )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > agriculture

Tête d'analyse > agriculteurs

Analyse > soutien. mesures.

Question publiée au JO le : 11/02/2016
Réponse publiée au JO le : 11/02/2016 page : 1218

Texte de la question

Texte de la réponse

CRISE AGRICOLE


M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour le groupe Les Républicains.

M. Yves Censi. Monsieur le Premier ministre, alors que le monde agricole s'enlise un peu plus chaque jour dans une crise sans précédent, le début de la semaine a été marqué par une double décharge de responsabilité du Gouvernement sur la grande distribution et sur Bruxelles. Existe-t-il encore, monsieur le Premier ministre, une politique agricole du gouvernement français ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Vous multipliez les déclarations d'intention et les mesures d'urgence, mais vous ne réglez rien sur le long terme pour sauver l'agriculture française d'un naufrage annoncé.

Pour inciter les Français à manger français, il faut deux piliers. La qualité d'abord : ce sont les agriculteurs qui s'en chargent, et ce sont les meilleurs du monde. Des charges faibles et des prix compétitifs ensuite : c'est votre responsabilité et là, vous êtes les plus mauvais du monde.

Mme Claude Greff. Exactement !

M. Yves Censi. Nos éleveurs sont pris en étau entre des charges exorbitantes et des centrales d'achat qui prennent jusqu'à 70 % des marges. Les filières font face à des abattoirs allemands qui recrutent à 500 euros par mois. Les éleveurs de porcs perdent 6 000 euros par semaine. Je rencontre des éleveurs aveyronnais, pourtant exemplaires, qui n'ont plus aucune perspective d'avenir. Face à l'effondrement des prix, nous souhaitons que vous répondiez précisément et très concrètement sur trois points.

Premièrement, en ce qui concerne l'embargo russe, qui pénalise les produits agricoles français, la France doit peser de tout son poids pour en demander la levée.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Yves Censi. Où en est-on ?

Deuxièmement, les agriculteurs qui ne peuvent pas bénéficier du CICE sont pris dans des barbelés de normes et de charges. Il faut les libérer. C'est ce que nous vous proposions de faire la semaine dernière dans une proposition de loi du groupe Les Républicains. Vous avez appelé à son rejet par votre majorité. Alors, que proposez-vous maintenant ?

Troisièmement, il faut cesser de naviguer à vue, des plans d'urgence aux auto-justifications narcissiques déplacées de M. Le Foll. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Christian Jacob et Mme Claude Greff. Très bien !

M. Yves Censi. Le couple franco-allemand doit impérativement demander un sommet agricole européen. Quand aura-t-il lieu, et quels seront vos objectifs ?

Souvenez-vous de cette phrase de Raymond Lacombe : « Pas de pays sans paysans ». Alors ne soyez pas le Gouvernement qui aura condamné les terroirs français, pourtant les plus attractifs de la planète, à devenir des jardins… (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. Merci, mon cher collègue. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, c'est donc avec beaucoup de narcissisme que je répondrai à votre question.

M. Christian Jacob. Comme d'habitude !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez évoqué plusieurs choses et rappelé la phrase de Raymond Lacombe. J'aurais aimé, monsieur le député, qu'au moment où vous aviez des responsabilités, vous ayez bien cette phrase en tête. En effet, lorsque, en 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, des réformes ont été engagées à l'échelle européenne, c'est la France qui présidait l'Europe.

Un député du groupe Les Républicains. Il y a huit ans !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Qu'est-ce qui a été décidé à l'époque ? De libéraliser, de supprimer les quotas laitiers et – je le rappelle – de remettre en cause les droits de plantation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Et, non contents de ces choix à l'échelle européenne, vous avez fait des choix, au niveau national, avec la loi de modernisation de l'économie, qui favorisent justement la grande distribution et les négociations entre celle-ci et les industriels.

Monsieur le député, il est toujours facile de se renvoyer de manière narcissique des arguments qui n'en sont pas. Que faut-il faire aujourd'hui,… (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Un député du groupe Les Républicains. Changer de ministre !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …alors que l'Europe, après la suppression des quotas laitiers, voit sa production laitière ne cesser d'augmenter et que les marchés ne sont pas au rendez-vous à l'exportation ? Il faudra en revenir - c'est l'objet du mémorandum - à des solutions qui permettent de mieux réguler la production. Nous allons devoir refaire ce que vous avez défait. C'est déjà arrivé ; nous allons continuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. - Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

S'agissant de la loi de modernisation de l'économie, là aussi, il faudra refaire ce que vous avez fait, parce que c'était mal fait. Vous avez donné trop de pouvoir aux négociations commerciales : cela pèse aujourd'hui sur les prix agricoles. Il faudra indiquer, dans les négociations tripartites, que les producteurs devront être, eux aussi, parties prenantes de ces négociations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Je tiens, enfin, à saluer le contrat qui vient d'être signé, dans l'Aveyron, entre le label rouge Le Veau d'Aveyron et du Ségala avec les établissements Picard. Contractualiser, organiser l'avenir : voilà ce qu'il faut faire pour défendre l'agriculture et garder des paysans dans toute la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste.)