14ème législature

Question N° 3626
de M. Christian Kert (Les Républicains - Bouches-du-Rhône )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > justice

Tête d'analyse > témoins

Analyse > protection.

Question publiée au JO le : 11/02/2016
Réponse publiée au JO le : 11/02/2016 page : 1223

Texte de la question

Texte de la réponse

PROTECTION DES TÉMOINS


M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe Les Républicains.

M. Christian Kert. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Au lendemain des attentats du 13 novembre à Paris, les enquêteurs ne disposent d'aucune piste pour détecter le terroriste Abaaoud. Seul un témoignage essentiel permettra de le localiser et de le neutraliser.

Ce témoignage émane d'une femme courageuse, que nous appellerons Sonia, qui sait que cet acte transformera sa vie. En effet, elle témoigne sous sa propre identité, ce qui l'expose à la connaissance de tous. Dès lors, cette jeune femme n'a plus qu'une solution : se cacher et se protéger.

Si une surveillance policière lui a bien été accordée, elle apparaît vite comme insuffisante et, surtout, on ne lui apporte aucune aide matérielle ni psychologique. Pour elle, tout tient en deux mots : peur et solitude.

Il a fallu, semble-t-il, que Sonia décide de sortir de sa solitude et accorde à une grande chaîne d'information en continu une interview où on ne la reconnaît pas pour que vos services prennent la juste mesure du danger, renforce la surveillance et lui offre une aide psychologique.

Monsieur le ministre, pas d'esprit polémique ! D'autant que votre gouvernement vient de présenter un texte qui semble répondre aux problématiques du statut de témoin, notamment sur la protection de son identité, le rapprochant ainsi du statut de repenti.

Il n'en demeure pas moins que, d'ici à l'adoption de ces dispositions, il faut qu'un code de bonnes pratiques donne à vos services les moyens de protéger des témoins clés dans des affaires aussi dramatiques. Dans cette période, monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour aider des témoins comme Sonia ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, dans la responsabilité qui est la mienne, j'ai un devoir : ne pas évoquer publiquement l'action de mes services, y compris lorsqu'elle est injustement décriée, dès lors que cette action rendue publique est de nature à mettre gravement en danger la vie d'un témoin. C'est la raison pour laquelle je ne me suis jamais exprimé sur ce sujet.

Je sais parfaitement le décalage qui existe entre ce qui est dit et ce qui a été fait. Je mesure par conséquent la dimension d'injustice qui s'attache à certaines polémiques, pour ne pas évoquer certaines manipulations, mais la responsabilité qui est la mienne est, sur ce sujet, de garder le silence. Pourquoi ? Parce que cette personne a été auditionnée sous l'autorité du parquet antiterroriste dans le respect rigoureux des procédures de droit. Vous savez en effet que pour qu'un témoin soit auditionné sous X, il faut qu'au moment où on l'auditionne, on soit assuré qu'il n'existe aucun lien entre ce témoin et l'affaire concernée, ce que généralement l'on ne sait qu'après.

Pour toutes ces raisons, nous avons pris des dispositions – j'en ai le détail et, s'il faut en rendre compte un jour, je le ferai devant ceux dont c'est le rôle que de savoir –, qui nous ont conduits à protéger cette personne et au-delà.

Il n'existe pas en France, malgré les dispositions prises par la loi Perben, de mesures permettant de financer les repentis ; nous avons pris des dispositions pour ce faire dans la loi du 13 novembre 2014.

Pour ce qui concerne les témoins, il n'existe actuellement aucun statut assurant leur protection et leur financement. C'est la raison pour laquelle le garde des sceaux présentera des dispositions qui permettront de combler ce vide juridique ; pour le reste, je renvoie chacun à sa responsabilité ou à son irresponsabilité lorsqu'il s'agit d'exposer la vie des témoins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)