14ème législature

Question N° 3656
de M. Alain Marsaud (Les Républicains - Français établis hors de France )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > étrangers

Tête d'analyse > immigration

Analyse > politique européenne de l'immigration. perspectives.

Question publiée au JO le : 18/02/2016
Réponse publiée au JO le : 18/02/2016 page : 1356

Texte de la question

Texte de la réponse

CRISE DES RÉFUGIÉS


M. le président. La parole est à M. Alain Marsaud, pour le groupe Les Républicains.

M. Alain Marsaud. Demain et après-demain, monsieur le Premier ministre, un sommet européen abordera notamment la question de l'accueil des réfugiés. La politique allemande était, je vous cite, « temporairement justifiée », mais elle « n'est pas tenable dans la durée. »

M. Jean-Claude Perez. Ne gardez pas votre main dans votre poche !

M. Alain Marsaud. Vous avez ainsi poursuivi, monsieur le Premier ministre : « Nos capacités d'accueil limitées, les tensions de ces dernières semaines – en Allemagne mais aussi ailleurs en Europe – nous obligent à dire les choses clairement : l'Europe ne peut pas accueillir tous les migrants en provenance de Syrie, d'Irak ou d'Afrique. » De même, vous avez dit : « Leur dire : "Venez tous" peut finir par détruire les fondements de l'Europe. »

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Alain Marsaud. C'est ce que vous avez déclaré, monsieur le Premier ministre, à Munich, lors d'une conférence sur la sécurité. Permettez-moi, en qualité de député de l'opposition, de vous féliciter pour ces propos réalistes, qui correspondent aux intérêts de la France, et au sentiment général de nos compatriotes.

En qualité de député des Français établis hors de France, et qui vivent au Proche-Orient, je peux vous assurer qu'ils sont très inquiets. MM. Georges Clooney et John Kerry soutiennent Mme Merkel ; j'ai envie de leur répondre : « What else ? » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Paul Bacquet. C'est nul !

M. Alain Marsaud. C'est aussi ce que j'ai envie de répondre à certains d'entre vous !

Vous n'ignorez pas, monsieur le Premier ministre, que selon nos services de renseignement, confirmés par les autorités européennes, mais aussi par des ministres de votre gouvernement, l'État islamique s'apprête à lancer vers l'Europe une déferlante migratoire en provenance des côtes libyennes, dès les premiers jours du printemps, accompagnée – bien évidemment – d'un cortège de djihadistes.

Monsieur le Premier ministre, quelles mesures proposerez-vous afin de parer à une telle offensive, notamment lors du sommet de demain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, du fait de la déstabilisation du Moyen-Orient, l'Europe est soumise à une pression migratoire sans précédent. Face à cela, il faut tenir un langage de vérité et de clarté vis-à-vis des gouvernements européens, et vis-à-vis de nos concitoyens qui s'inquiètent légitimement. C'est dans l'intérêt même de ceux qui fuient les persécutions et qui ont droit à notre protection, car il est nécessaire de faire la différence, à chaque fois, entre ceux qui ont droit à l'asile et ceux qui sont des migrants économiques. C'est cette confusion qui peut mettre en cause le régime même du droit d'asile.

Tenir ce langage de vérité oblige à reconnaître que l'Europe n'a pas la capacité d'accueillir tous les migrants, tous les réfugiés : elle ne le peut pas. Il suffit de regarder la situation en Allemagne – j'y reviendrai –, mais aussi en Suède : ce pays avait décidé d'accueillir des réfugiés sans limites, et a été amené à rétablir le contrôle aux frontières.

L'urgence est donc de trouver une réponse à ces flux migratoires : telle est la position que défend la France depuis plusieurs mois. Le ministre de l'intérieur a eu l'occasion de s'en expliquer ici même. C'est ce message que j'ai voulu faire passer à Munich, tout en indiquant le respect que nous inspire la décision des autorités allemandes. J'ai aussi fait part, une nouvelle fois, de mon admiration pour l'effort exceptionnel accompli par le peuple allemand, par les Länder, pour l'accueil des réfugiés et des migrants.

M. Bernard Accoyer. Les Allemands ne l'ont pas compris ainsi !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faut être cohérent. Compte tenu de qui se passe en Syrie – les bombardements russes sur des populations civiles du côté d'Alep, et les initiatives d'un certain nombre de pays de la région –, la situation ne s'arrangera pas, et des réfugiés continueront à fuir les zones de combats. Nous savons que la solution est d'abord politique, diplomatique et militaire, en Syrie comme en Irak.

Dès à présent, il faut appliquer le plan d'action conclu le 22 novembre par l'Union européenne et la Turquie. Une enveloppe de 3 milliards d'euros est prévue pour aider les réfugiés syriens qui se trouvent sur le territoire turc. La Turquie doit désormais tenir pleinement ses engagements. Il faut également assurer un contrôle effectif aux frontières extérieures de l'Union européenne, comme le prévoient les accords de Schengen. Pour cela, il faut adopter dans les plus brefs délais les deux propositions faites par la Commission : d'abord, créer un véritable système de gardes-frontières européens, ensuite, mettre en place des contrôles systématiques à l'entrée de l'espace Schengen.

Enfin, sur le territoire européen, les décisions concernant les centres d'accueil et les relocalisations doivent être appliquées.

M. Pierre Lequiller. Qu'est-ce qu'on attend ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ne posez pas cette question au gouvernement français, monsieur Lequiller : avec le gouvernement allemand, par la voix de Bernard Cazeneuve et de Thomas de Maizière, nous ne cessons de demander la mise en œuvre de ces décisions, car elles n'ont que trop tardé. Le Conseil européen des 18 et 19 février sera l'occasion de faire un point précis sur la mise en œuvre de toutes les décisions qui ont été prises ou annoncées. Je rappelle que la responsabilité, dans cette affaire, est d'abord collective.

Comme elle le fait depuis le début de la crise, la France continuera évidemment à travailler de manière très étroite avec l'Allemagne. Nous devons le faire avec une exigence de réalisme et de vérité : c'est essentiel pour identifier ensemble les solutions efficaces et sortir de cette crise qui frappe l'Europe tout entière, et qui risque de lier le terrorisme et la crise des migrants. Cette crise oblige l'Europe, et donc la France, à défendre un véritable projet concernant les relations entre l'Europe et l'Afrique – vous y serez sensible, monsieur Marsaud.

À l'avenir, l'immigration viendra essentiellement d'Afrique – c'est déjà le cas aujourd'hui –, notamment d'Afrique de l'Ouest et du Sahel. Les pays du Sahel comptent 80 millions d'habitants aujourd'hui ; ils seront 150 millions demain.

M. Bernard Accoyer. Et que faites-vous, en Libye, pour les bloquer ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces populations francophones se dirigeront logiquement vers la France. C'est ce grand projet avec l'Afrique que l'Europe et la France doivent défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)