Question au Gouvernement n° 3698 :
énergie nucléaire

14e Législature

Question de : Mme Sophie Rohfritsch (Grand Est - Les Républicains), posée en séance, et publiée le 9 mars 2016


PROJET D'EPR À HINKLEY POINT

M. le président. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour le groupe Les Républicains.

Mme Sophie Rohfritsch. Monsieur le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, la démission du directeur financier d'EDF, largement relayée par la presse économique, sur fond de désaccord stratégique concernant les risques financiers associés au projet britannique de construction de deux EPR à Hinkley Point, ne manque pas d'interpeller.

EDF est à la fois un fleuron de l'industrie française et un producteur d'électricité qui, depuis soixante-dix ans, assure la compétitivité de la France et la sécurité d'approvisionnement de nos concitoyens. Le comité central d'entreprise a lancé en décembre un droit d'alerte sur sa situation économique, pour la première fois de son histoire. Si j'en crois les résultats boursiers, les analystes financiers partagent la même inquiétude que les salariés.

Il n'est pas pensable qu'un investissement annoncé de 23 milliards d'euros, supérieur à la capitalisation boursière de l'entreprise, risque purement et simplement de conduire EDF à la faillite. Pourquoi précipiter l'effondrement d'EDF en lui imposant le rachat d'Areva, la privatisation de l'hydraulique, la fermeture de Fessenheim et, si j'en crois la Cour des comptes, de dix-sept à vingt autres réacteurs d'ici à 2025 ?

Ce projet britannique profitera-t-il au moins aux salariés français ? Non, si l'on en croit la presse française, qui annonce que les cuves seront coulées au Japon. Non, si l'on en croit aussi la presse britannique, qui compte fort sur la création de 60 000 emplois – au Royaume-Uni, bien évidemment, et non en France. Les Français, en revanche, porteront seuls les risques énormes de ce projet !

Ne pensez-vous pas que, pour la filière nucléaire, comme pour EDF, ce projet insensé devrait attendre le démarrage de l'EPR de Flamanville, et surtout la participation financière d'autres investisseurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Madame la députée, tout d'abord, les difficultés financières du groupe EDF sont-elles liées à Hinkley Point ? Non. Elles sont liées – j'ai eu l'occasion de le rappeler ici à plusieurs reprises – à l'historique du groupe, et surtout à la profonde transformation du marché de l'électricité ces dernières années.

Il y a deux ans, seuls 20 % du chiffre d'affaires du groupe EDF étaient à des prix non régulés, c'est-à-dire aux prix du marché. Aujourd'hui, du fait de décisions successives, largement prises, d'ailleurs, à la demande du marché européen, c'est 66 % du chiffre d'affaires. Et dans le même temps, le marché du prix de l'électricité s'est effondré, avec un prix du mégawattheure qui est passé de plus de 50 euros à 25 ou 30 euros aujourd'hui.

La difficulté tient à l'état du marché, marqué par une surproduction mondiale et une sous-consommation due à une croissance trop atone dans nombre de nos économies : c'est de là que vient, avant tout, la difficulté du groupe EDF. Face à cela, il y a l'entretien du parc nucléaire, les nouveaux investissements dans l'énergie renouvelable, la cohérence de la filière nucléaire, qui est essentielle, le rachat d'Areva NP et le projet d'Hinkley Point.

Dans ce contexte, il convient de faire des efforts collectifs. L'État, en tant qu'actionnaire, en a fait, en renonçant à son dividende en numéraire pour le demander en actions. L'entreprise doit en faire également. Très longtemps, le compromis social sur EDF a été fait aux dépens de tout le monde, dans l'intérêt des seuls salariés – je vous le dis en toute franchise. Ce n'est plus durable. Il faut, enfin, céder des actifs non stratégiques, ce que le nouveau dirigeant a justement décidé de faire, depuis le début de son mandat.

Faut-il, dans ce contexte, renoncer à Hinkley Point ? Non, parce qu'Hinkley Point est le grand projet d'Europe occidentale et du monde développé en matière nucléaire. Si l'on croit au nucléaire, il faut faire Hinkley Point. C'est, pendant trente-cinq ans, une garantie de prix – sans volatilité des prix à l'achat – par le Gouvernement britannique et une rentabilité de plus de 9 % pour EDF. C'est donc bon pour EDF, mais il faut, à court terme, donner toutes les garanties financières à tous égards. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Furst. Très bonne réponse !

Données clés

Auteur : Mme Sophie Rohfritsch (Grand Est - Les Républicains)

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Économie, industrie et numérique

Ministère répondant : Économie, industrie et numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 mars 2016

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