Question au Gouvernement n° 3703 :
réglementation

14e Législature

Question de : M. Christophe Castaner
Alpes-de-Haute-Provence (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Question posée en séance, et publiée le 9 mars 2016


FRAUDE AU DÉTACHEMENT

M. le président. La parole est à M. Christophe Castaner, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Castaner. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Un grand quotidien du soir évoquait hier un patron polonais en colère, en colère contre la France. Que nous reproche-t-il ? La volonté de la France de réviser la directive sur les travailleurs détachés.

En effet, au moment où je vous interroge, madame la ministre, la Commissaire européenne à l'emploi, Marianne Thyssen, présente à Strasbourg un projet attendu et réclamé par la France.

Ce projet de directive révisée s'inspire très largement des grands principes de la loi française de lutte contre la concurrence sociale déloyale, promulguée le 10 juillet 2014 et dont Gilles Savary, infatigable acteur du combat contre l'exploitation des travailleurs détachés, fut le rapporteur.

Ce projet reprend l'extension à tous les secteurs d'activité du principe du devoir de vigilance du maître d'ouvrage et du donneur d'ordre, avec les responsabilités et les sanctions qui en découlent, fortement renforcées par la loi Macron du 6 août 2015, ainsi que l'extension de l'obligation de vigilance à toute la chaîne de sous-traitance.

Si les propositions de la Commissaire Thyssen vont bien au-delà de cette transposition à l'envers, d'une loi française dans la législation européenne, et même au-delà de nos espérances quand elles reprennent notre proposition de supprimer le « détachement d'intérim », un premier bilan d'étape s'impose.

Le corps de l'inspection du travail a été réorganisé en fonction de cette nouvelle priorité, et il agit. La quasi-totalité des décrets d'application ont été publiés. Le 23 février dernier, vous avez signé, madame la ministre, une convention nationale de lutte contre le travail illégal et les fraudes au détachement avec la Fédération nationale du bâtiment et mis en œuvre la carte d'identification professionnelle obligatoire dans ce secteur.

Cet arsenal législatif national est sans équivalent en Europe. Je vous remercie donc, madame la ministre, de bien vouloir nous dresser un état des lieux de la situation sur le terrain. Enfin, pourquoi ne pas envisager, dans le cadre du projet de loi que vous présenterez le 23 mars prochain en conseil des ministres, de renforcer encore les moyens juridiques de la lutte contre le dumping social ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Alain Marty. Et du chômage !

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. En effet, monsieur le député, la lutte contre les abus du détachement est une priorité pour notre pays. Nous ne remettons pas en cause la libre circulation des travailleurs dans l'espace européen – la France serait du reste mal venue de le faire, dans la mesure où elle occupe la troisième place en matière d'envois de travailleurs détachés dans l'espace européen.

Ce phénomène est lié à l'érosion de notre modèle social, et c'est la dignité des travailleurs européens qui est remise en cause. C'est pourquoi, vous l'avez dit, nous sommes à la pointe en termes d'arsenal législatif, notamment avec la loi de Gilles Savary, dont je tiens à saluer la détermination et le travail efficace, ainsi qu'avec la loi d'Emmanuel Macron pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Vous me demandez, monsieur le député, de dresser un bilan. S'agissant des contrôles, on est passé de 600 contrôles par mois en juin dernier à, en moyenne, 1 500 contrôles depuis septembre. Nous procédons également à des contrôles le week-end, en soirée. C'est particulièrement important et correspond à la demande de la Fédération française du bâtiment et de la CAPEB, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment. Ces contrôles sont essentiels.

S'agissant des amendes – car il ne suffit pas de contrôler, il faut également sanctionner par des amendes –, au second semestre 2015, 139 amendes ont été notifiées pour un montant cumulé de 675 000 euros. Beaucoup d'enquêtes sont en cours. Le décret que j'ai pris récemment m'a permis de mettre en œuvre une suspension de prestation de service internationale pour non-respect du droit du travail français, notamment en Corse.

Le combat doit continuer. Au niveau européen, la Commissaire Thyssen va réviser la directive, et à cet égard la France maintient sa demande. De plus, dans le cadre de mon projet de loi, nous travaillons à la création d'une contribution de la part des employeurs, en donnant la possibilité à l'administration de suspendre en cas de non-déclaration de détachement…

M. le président. Merci, madame la ministre.

Données clés

Auteur : M. Christophe Castaner

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 mars 2016

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