14ème législature

Question N° 3763
de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet (Les Républicains - Essonne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > ordre public

Tête d'analyse > terrorisme

Analyse > lutte contre le terrorisme. peines applicables.

Question publiée au JO le : 23/03/2016
Réponse publiée au JO le : 23/03/2016 page : 2281

Texte de la question

Texte de la réponse

PERPÉTUITÉ EFFECTIVE POUR LES AUTEURS D'ACTES TERRORISTES


M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe Les Républicains.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le Premier ministre, Salah Abdeslam a été arrêté. Il sera jugé et sans doute condamné. Mais combien de temps restera-t-il vraiment en prison ? Cette question, beaucoup de Français se la posent depuis vendredi et elle prend une tournure particulièrement cruelle depuis les attentats de Bruxelles, qui font douloureusement écho à ceux de Paris.

Aujourd'hui, la perpétuité effective n'existe pas en France. Certains crimes sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité, mais cette peine peut être aménagée après la période de sûreté. Ce que l'on appelle la perpétuité réelle est réservée aux assassinats de mineurs ou de représentants des forces de l'ordre, et même cette peine peut être remise en question après une période de trente ans.

Monsieur le Premier ministre, Abdeslam est mis en cause dans un attentat terroriste. Il sera sans doute condamné à la perpétuité avec une peine de sûreté de dix-huit à vingt-deux ans. Il pourra donc, alors qu'il n'aura pas encore cinquante ans, demander un aménagement de peine.

Pour compenser ces failles, on parle de rétention de sûreté, mais nous sommes nombreux à croire que ce dispositif n'est pas adapté aux terroristes. D'abord, parce qu'il repose sur une évaluation du risque à la date de la demande et aussi parce que la personne reste alors dans un centre socio-médico-judiciaire et non dans un établissement pénitentiaire.

Monsieur le Premier ministre, vous avez mobilisé beaucoup d'énergie sur la déchéance de nationalité, une peine dont chacun reconnaît qu'elle est sans efficacité.

M. Jean Glavany. C'est affligeant !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Les Français ont besoin non pas de symbole, mais de protection.

Ma question est la suivante, et j'y associe tous mes collègues du groupe Les Républicains qui sont mobilisés sur ce sujet : accepterez-vous de considérer une perpétuité effective et irrévocable, c'est-à-dire sans possibilité de mettre fin à la période de sûreté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, depuis 2012, en tant que ministre de l'intérieur, et aujourd'hui en tant que Premier ministre, avec Bernard Cazeneuve, nous sommes mobilisés avec un seul objectif : la lutte contre le terrorisme.

Dès l'été 2012, je me suis exprimé devant le Sénat et l'Assemblée nationale à l'occasion de la présentation du premier projet de loi antiterroriste. Nous avions tous, déjà, détecté le phénomène de filières syriennes et irakiennes qui nous ont progressivement démontré le mal profond dont nous sommes atteints : des jeunes, Français ou résidant en France, des individus qui partent en Syrie ou en Irak et reviennent en France pour tuer leurs compatriotes.

Pour faire face à cette menace, nous avons, ce qui est sans précédent, mobilisé l'État, nos forces de sécurité et nos forces armées, et nous devons continuer.

Pour protéger les Français, nous avons ensemble voté deux lois antiterroristes, deux lois relatives au renseignement, mis en marche la loi relative à la procédure pénale, qui renforce encore les moyens des forces de sécurité et de la justice, et décrété l'État d'urgence.

Dans ces moments-là, et alors que nous ne connaissons pas encore le nombre de victimes et de blessés, que nous ne savons pas si des compatriotes sont concernés par ces attentats, je souhaite que nous avancions, ensemble, aujourd'hui comme demain, y compris s'agissant de mesures comme celle que vous proposez. Nous sommes prêts à examiner toutes les mesures qui seraient efficaces, dans le cadre de notre État de droit et dans le respect de nos valeurs.

Nous avons d'ailleurs montré que nous avancions ensemble sur les lois antiterroristes ou sur celle réformant le code de procédure pénale alors même qu'il n'y avait au fond pas de raison constitutionnelle – il n'était pas nécessaire d'obtenir une majorité qualifiée ou un vote identique.

Nous avons considéré, avec le garde des sceaux, que la proposition de loi des sénateurs Mercier et Bas correspondait en grande partie à ce que le Gouvernement proposait et qui a été enrichi par l'Assemblée nationale. Nous pouvons dès lors avancer et étudier de près cette proposition de loi.

Cet après-midi, comme nous le faisons tous les quinze jours, plusieurs membres du Gouvernement et moi-même recevrons les présidents des assemblées, les présidents des commissions concernées et les présidents des groupes parlementaires pour faire un point très précis sur l'état de la menace, et encore plus précis après les terribles attentats de Bruxelles.

Le Gouvernement est ouvert à toutes les propositions pour avancer ensemble, et nous l'avons démontré. Mais dans ces moments-là, au-delà de l'efficacité de nos forces de sécurité, de nos armées, de la justice et de la lutte contre la radicalisation, les symboles ont leur importance. Face à la menace que représentent plus de 2 000 individus concernés par les filières irako-syriennes, des milliers d'individus et de jeunes pouvant succomber à la radicalisation qui, d'une certaine manière, déchire le pacte républicain, face à cette menace, dont nous avons débattu hier avec les représentants de l'islam, dans le monde, en Europe et dans notre pays, dans nos quartiers, quelle est la réponse ?

C'est une réponse de longue haleine, qui passe par cette belle question : qu'est-ce qu'être français ? Comment pouvons-nous accepter un seul instant que certains de nos compatriotes se retournent contre nous et, au nom d'une idéologie, tuent nos compatriotes et nos valeurs ?

Cette question se pose à chacun d'entre nous. Avançons ensemble sur toutes ces questions et pas uniquement sur une ou deux d'entre elles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)