14ème législature

Question N° 3772
de M. Jean-François Copé (Les Républicains - Seine-et-Marne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > travail

Tête d'analyse > réglementation

Analyse > fait religieux au travail. orientations.

Question publiée au JO le : 24/03/2016
Réponse publiée au JO le : 24/03/2016 page : 2365

Texte de la question

Texte de la réponse

LAÏCITÉ DANS L'ENTREPRISE


M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-François Copé. Madame la ministre du travail, je ne parviens pas à comprendre pourquoi, dans le texte de que vous présentez et qui a vocation à aider à la vie économique et à faciliter la vie de l’entreprise, vous avez décidé d’introduire dans le code du travail, pour la première fois, le fait religieux. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean Glavany. C'est faux !

M. Jean-François Copé. Vous l’introduisez de la manière la plus délicate et la plus dangereuse, en indiquant que vous permettez au salarié de manifester ses convictions religieuses sur son lieu de travail, ce qui créera évidemment de l’insécurité dans le climat même de l’entreprise – d’abord, vis-à-vis des autres salariés de celle-ci, mais aussi vis-à-vis de l’employeur, mis en situation délicate, car il lui incombera de justifier un refus pour nécessité de service. Concrètement, madame la ministre, vous allez créer un rapport de force très difficile à vivre, au détriment de l’employeur et des autres salariés. (Approbations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Ce n’est pas l’idée que nous nous faisons de la laïcité et de la neutralité dans l’entreprise. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Compte tenu de ce qui s’est produit dans la crèche Baby Loup et des travaux mis en œuvre aujourd'hui, je rappelle que nous avons formulé voilà deux ans une proposition de loi, refusée par le Gouvernement, visant à ce que ce soient les employeurs qui fixent un règlement intérieur permettant à chacun, dans la concorde, de manifester sa pratique s’il le souhaitait, en veillant toutefois à ce que cela soit organisé. Au lieu de cela, vous introduisez, par le biais des salariés, un risque de rapport de forces.

Tout cela n’est pas raisonnable : vous proposez une demande d’accommodement raisonnable face à des revendications déraisonnables ! Je vous demande donc, madame la ministre, de voir s’il n’est pas possible de retirer cette disposition avant qu’il soit trop tard. Vous évoquez en effet une mesure à droit constant mais, aujourd'hui, le droit constant n’est pas clair. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union des démocrates.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, le Premier ministre a demandé à Robert Badinter, dans le cadre d’une mission, d’ériger les grands principes du droit du travail à droit constant. (« Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Dans la version qui sera présentée demain en Conseil des ministres, ces principes n’intégreront pas le code du travail – ni aujourd'hui, ni demain. C’est donc là une première contrevérité.

Ces principes doivent guider la commission de réécriture du code du travail jusqu’à l’horizon 2019. Vous faites ici référence au sixième principe porté par la commission Badinter (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.), selon lequel, en effet, la liberté d’exprimer ses convictions, y compris religieuses, peut être limitée par l’employeur pour les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et pour l’exercice d’autres libertés fondamentales des collègues de travail.

Cessons donc de propager une deuxième contrevérité : ce principe est l’état du droit actuel. C’est la stricte reprise de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, du Conseil d’État et de la Cour de cassation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Ma loi n’apporte aucun changement, aucune évolution par rapport au droit actuel. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Il y aura un débat parlementaire. Tous les députés peuvent évidemment modifier l’expression du droit actuel – vous en avez, bien sûr, la liberté –, mais ne faisons pas croire que ce principe apporte une évolution du droit actuel. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Par ailleurs, la gestion du fait religieux en entreprise demande un vrai travail, que nous menons avec les partenaires sociaux. (Mêmes mouvements.)

Monsieur Copé, puisque vous souhaitez faire de la politique autrement (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), cessez donc ces polémiques artificielles, aussi peu digestes que celle des pains au chocolat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Huées sur les bancs du groupe Les Républicains.)