14ème législature

Question N° 3773
de M. Sergio Coronado (Écologiste - Français établis hors de France )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Commerce extérieur, tourisme et Français de l'étranger
Ministère attributaire > Commerce extérieur, tourisme et Français de l'étranger

Rubrique > étrangers

Tête d'analyse > réfugiés

Analyse > accueil. politique européenne.

Question publiée au JO le : 24/03/2016
Réponse publiée au JO le : 24/03/2016 page : 2366

Texte de la question

Texte de la réponse

ACCORD ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LA TURQUIE SUR LES MIGRANTS


M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Les vingt-huit pays membres de l’Union européenne ont conclu un accord avec la Turquie, le 18 mars, comme l'a rappelé ma collègue Jacqueline Fraysse, afin d'endiguer le flux des migrants qui s'échouent aujourd'hui sur les côtes grecques et dont la majorité relève de la Convention de Genève. Depuis la date du 20 mars, ces enfants, ces femmes et ces hommes qui fuient les atrocités de la guerre, dont le sort nous bouleverse, sont ainsi renvoyés en Turquie.

Cet accord a soulevé, à juste titre, les plus vives critiques. Le Haut-Commissariat aux réfugiés, dit HCR, a dénoncé la transformation des hotspots, centres d'accueil à l'origine, en centres de rétention et d'expulsion de personnes dont la plupart ont besoin de protection. D'ores et déjà, le HCR a mis un terme à une partie de ses opérations sur les îles grecques de Lesbos et Chios.

L’Union européenne va donc renvoyer des demandeurs d'asile à majorité syrienne en Turquie, un pays dont nous connaissons la situation actuelle. La guerre que mène le président Erdogan contre le terrorisme n'y épargne personne : ni l'opposition parlementaire, ni les journalistes, ni les universitaires, ni les organisations des droits humains – neuf avocats ont encore été arrêtés mercredi dernier.

Disons-le clairement : la Turquie, moyennant finances, est invitée à se transformer en camp d'hébergement pour ceux qui fuient les tortures, les viols et la mort, et dont l'Europe ne veut pas qu'ils foulent son sol.

Répondant à une de mes questions lors de son audition en commission des lois, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a appelé hier à s'interroger sérieusement sur la légalité internationale et européenne de cet accord.

Conformément à la directive de 2013, pour être considérée comme un pays sûr, la Turquie doit au moins ratifier la Convention de Genève sans aucune limitation géographique, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas. En outre, ces réfugiés, une fois expulsés, n'ont aucune garantie de ne pas être refoulés vers un pays tiers, où leur vie pourrait être en danger.

Monsieur le secrétaire d'État, alors que la politique régionale d'Ankara reste plus que contestable, que le gouvernement turc combat avec plus de détermination les Kurdes que Daech, comment pouvez-vous, en notre nom, justifier un tel accord ? À nos yeux, l'Europe se déshonore en l'appliquant. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le député, vous m'interrogez à votre tour sur un sujet très important. Le Gouvernement se félicite que le Parlement exerce un contrôle attentif et scrupuleux sur toutes les questions touchant aux libertés publiques, même dans cette situation de crise migratoire.

La Turquie est en première ligne des flux migratoires, avec plus de 2 millions de réfugiés présents sur son territoire et un afflux quotidien de 2 000 réfugiés depuis la Turquie vers la Grèce.

M. Pierre Lellouche. Vous l'avez déjà dit ! Ce n'est pas le sujet !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État. Nombre de ces réfugiés se trouvent, en Grèce comme en Turquie, dans une situation indigne d'un être humain. Voilà la réalité de la situation aujourd'hui.

Cet accord vise à répondre à cette préoccupation et à dissuader un certain nombre de personnes de traverser la mer Égée à leurs risques et périls avec, parfois, la mort à la clef. Il vise également à lutter contre le trafic des êtres humains qui, dans cette crise comme dans beaucoup d'autres migrations, existe.

La France est attentive à la question du droit d'asile, fidèle à sa tradition, fidèle à ses principes constitutionnels, fidèle à ses droits fondamentaux. Cela se traduit dans les principes : nous veillons à ce que la Grèce et la Turquie adoptent les modifications législatives nécessaires au plein respect du droit international.

Sur le plan pratique, cela se traduit également par l'envoi de plus de 200 personnels pour Frontex et de plus de 100 personnels pour le Bureau européen d'appui en matière d'asile. C'est ainsi que nous parviendrons à régler la question migratoire dans le respect des principes de l’Union européenne car l'Europe, dans cette affaire, joue son âme ; elle joue aussi une partie de son avenir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)