Question au Gouvernement n° 3821 :
pouvoirs publics

14e Législature

Question de : M. Damien Abad
Ain (5e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 6 avril 2016


ISLAM RADICAL ET VALEURS DE LA RÉPUBLIQUE

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour le groupe Les Républicains. Je vous souhaite un joyeux anniversaire, mon cher collègue. (Sourires et applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. Damien Abad. Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur le Premier ministre, voile, mode islamique, polémique chez Air France : les manifestations ostentatoires de l'islam politique se multiplient dans l'espace public.

De petits reculs en grands renoncements, au fil de ces trente dernières années, la France en est aujourd'hui arrivée à une crise identitaire profonde. Les valeurs fondamentales de notre République sont attaquées ; la laïcité en tant que principe est bafouée, reniée et même piétinée.

L'actuel débat sur la mode islamique constitue la dernière résurgence de ce malaise. Élisabeth Badinter a raison de dénoncer la stratégie de certaines marques, qui investissent ce marché en Europe parce qu'il est lucratif. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Le voile n'est pas un objet de mode : trop de filles des quartiers se sont mises à le porter uniquement en raison de pressions communautaires.

Ces pressions s'exercent désormais en tout lieu : à l'école, dans la rue, à l'université, dans les clubs de sport, à l'hôpital ou encore au sein de l'entreprise. À ce titre, nous nous opposons à l'article 1er de la loi El Khomri, qui introduirait le fait religieux dans le code du travail. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Bravo !

M. Damien Abad. En France, on ne ferme pas son magasin ou son entreprise pour aller prier ; en France, nous nous faisons soigner indifféremment par un homme ou par une femme ;…

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Damien Abad. …en France, une femme n'a pas à dissimuler ce qui fait son identité sous un voile ou un niqab ; en France, la République se vit les yeux dans les yeux. C'est ce qui fait la France. (Mêmes mouvements.)

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Très bien !

M. Damien Abad. Monsieur le Premier ministre, il n'y a plus de place pour l'angélisme. De bienséance en bien-pensance, on sacrifie l'idéal républicain de la France sur l'autel de l'islamisme radical et du fondamentalisme religieux. Il ne faut plus passer sous silence la banalisation des vêtements islamiques, les discours anti-France, les départs pour le djihad, les zones de non-droit et autres « Molenbeek français ».

Il est urgent d'agir, monsieur le Premier ministre : quel est donc votre plan d'action pour lutter contre ces dérives menaçantes pour l'unité de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je dirai d'abord un mot sur les principes, qui ont fait l'objet d'un travail de très grande qualité de Robert Badinter et de plusieurs experts. Nombre de ces principes font notamment référence à la liberté d'exprimer ses convictions – y compris religieuses – au sein de l'entreprise, tout en rappelant, surtout, que des restrictions à cette liberté sont possibles lorsque sont en cause le bon fonctionnement de l'entreprise ou l'exercice d'autres libertés. L'employeur dispose donc d'un pouvoir important en la matière.

À l'évidence, il y a débat ; des questions ont été soulevées ici même, et le sujet sera traité au sein de la commission des affaires sociales. D'une manière générale, ces principes – c'était l'avis des partenaires sociaux et de nombreux parlementaires qui suivent ces questions – pouvaient poser problème quant à leur application et au regard de la jurisprudence. Mme la ministre du travail et moi faisons confiance au rapporteur Christophe Sirugue pour trouver des solutions ou définir le bon chemin.

Mme Claude Greff. Il ne fallait pas inscrire la disposition dans le texte !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il s'agit, en tout état de cause, de rappeler le droit.

Cela veut bien dire, monsieur Abad, que des difficultés peuvent rapidement survenir dès lors que l'on touche au droit fondamental, alors même que nous pouvons avancer ensemble pour promouvoir la République et défendre l'idéal de laïcité.

Il y a eu beaucoup de renoncements, avez-vous dit. Mais plusieurs lois, votées dans cette enceinte même, témoignent au contraire de la capacité du Parlement à répondre aux défis dont nous parlons : je pense à la loi, votée à la quasi-unanimité, interdisant les signes religieux ostentatoires dans les établissements scolaires, fruit des travaux de la commission Stasi et de la commission présidée par le président de l'Assemblée nationale de l'époque, Jean-Louis Debré ; je pense aussi à la proposition de loi interdisant le voile intégral dans l'espace public.

Le Parlement comme la société française, me semble-t-il, ont suffisamment de ressources, suffisamment de fierté dans nos valeurs, pour réagir : le peuple français, d'ailleurs, a su le faire – et de quelle manière – le 11 janvier 2015 et après les attentats du 13 novembre dernier.

M. Pierre Lellouche. Quel rapport ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je crois donc, monsieur Abad – et vous aussi, j'en suis convaincu –, que nous avons la capacité de répondre au défi qui nous est posé.

Toutes les atteintes au principe fondamental de laïcité doivent bien entendu être dénoncées, même si nous devons rester lucides sur la place de l'islam dans nos sociétés, en France, en Europe et dans le monde : ne donnons pas le sentiment que nous visons une seule religion à travers tel ou tel propos.

Enfin – et je vous réponds –, un débat fondamental se pose en effet, en France, en Europe et dans le monde, sur l'islam. Notre rôle, à nous qui croyons aux valeurs universelles, est d'aider les musulmans de France, d'Europe et du monde à faire une séparation nette et définitive avec certains de ceux qui agissent et parlent, voire sèment la terreur, au nom de l'islam. C'est un combat fondamental, que l'on ne saurait résumer dans une réponse à une question au Gouvernement.

Derrière ce débat fondamental se pose celui de la place de la femme, de l'égalité entre les femmes et les hommes dans nos sociétés. Nous pouvons cependant nous retrouver sur la question du voile intégral ; mais l'on doit aussi songer à la manière de revendiquer le voile islamique comme un signe politique jeté à la figure de la République, dans les quartiers et plus généralement. À cet égard les propos de Laurence Rossignol, ministre en charge des droits des femmes, étaient justes. Il y a un moment où nous devons dire stop. Nous ne pouvons accepter que, dans nos sociétés, certains veuillent effacer la femme de l'espace public et lui nier son identité, sous quelque forme que ce soit. (Applaudissements sur tous les bancs.)

C'est un combat que nous devons mener ensemble : nous devons le mener à l'école, dans la société, dans l'espace public, avec la plus grande des intransigeances ; et nous devons le faire en disant clairement quel est l'adversaire. L'adversaire, c'est l'islamisme radical, c'est le salafisme.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les adversaires, ce sont ceux qui veulent s'approprier l'islam. L'immense majorité des musulmans de ce pays, qui croient dans les valeurs de la République et dans la laïcité, et qui pensent que la France est le plus beau pays du monde, doivent être défendus : voilà notre tâche ; et cette tâche, j'en suis convaincu, a vocation à rassembler tous les républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

Données clés

Auteur : M. Damien Abad

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : État

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 avril 2016

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