14ème législature

Question N° 3877
de Mme Isabelle Attard (Écologiste - Calvados )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > travail

Tête d'analyse > droit du travail

Analyse > réforme. perspectives.

Question publiée au JO le : 04/05/2016
Réponse publiée au JO le : 04/05/2016 page : 3064

Texte de la question

Texte de la réponse

PROJET DE LOI TRAVAIL


M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.

Mme Isabelle Attard. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail.

Depuis trente ans, des dizaines de réformes législatives ont accru la « flexibilité » du travail. La courbe du chômage est impitoyable : aucune de ces lois n'a amélioré la situation des salariés.

M. Marc Dolez. C'est vrai !

Mme Isabelle Attard. La semaine de 35 heures est la seule réforme ayant porté ses fruits en nombre d'emplois créés.

Un député du groupe Les Républicains. Mais non !

Mme Isabelle Attard. Vous pouvez toujours le nier, chers collègues, le rapport parlementaire de notre collègue socialiste Barbara Romagnan l'a de toute façon démontré.

La monstrueuse loi El Khomri a été écrite sous la dictée du MEDEF. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Sourires sur quelques bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.) Les articles inacceptables sont légion.

M. Jean Glavany. Gauchiste !

Mme Isabelle Attard. Le projet de loi prévoit notamment une inversion de la hiérarchie des normes et casse des décennies d'évolution du temps de travail et des congés. C'est pourtant grâce à ces progrès sociaux que la France a les travailleurs parmi les plus efficaces et les plus productifs de la planète. Il est également prévu de faciliter les accords offensifs et le licenciement économique. Les patrons voyous n'auront aucun mal à prétendre que leurs filiales ont des difficultés économiques pour justifier des licenciements ou à faire un chantage au licenciement pour rogner les acquis sociaux.

Le médecin du travail est un protecteur indispensable. La loi El Khomri en ferait un outil de l'entreprise pour se débarrasser des malades, des invalides et des plus âgés. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyens.)

Votre gouvernement a fait semblant d'écouter les critiques en retirant quelques dispositions lors de l'examen en commission. C'était pour mieux ajouter des horreurs telles que l'exonération des cadeaux faits par les employeurs, dont le coût est estimé à 3 milliards d'euros par an.

M. Philippe Cochet. Heureusement qu'elle est dans la majorité !

Mme Isabelle Attard. Cette loi ne simplifie pas le code du travail, au contraire ! Le groupe de recherche « Pour un autre code du travail » a fourni un travail remarquable. Nous l'avons déposé sous la forme d'une contre-proposition de loi qui favorise l'emploi au lieu d'allonger le temps de travail, qui permet de consacrer son temps libre à autre chose qu'au repos, par exemple aux activités familiales ou sociales. Cet héritage du Front populaire est essentiel.

Madame la ministre, les Français sont dans la rue. Les salariés et les dirigeants des petites entreprises refusent vos propositions. Vous n'avez pas de majorité pour voter cette loi. Revenez à la raison et acceptez nos amendements pour faire la seule réforme du travail utile : celle qui protégera les travailleurs des patrons voyous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée Isabelle Attard, s'il vous plaît, sortons de ces caricatures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Un député du groupe Les Républicains. Quelle solidarité !

M. Yves Censi et M. Claude Goasguen. Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Dans un pays qui a besoin de retrouver de la confiance, il est inacceptable de dresser une telle caricature à la fois du chef d'entreprise et du monde du travail. (Mêmes mouvements.)

Permettez-moi de vous dire que je me suis beaucoup déplacée, dans de nombreuses circonscriptions. J'ai été à l'écoute de salariés, de syndicalistes, de chefs d'entreprise ; ce n'est absolument pas ma France, que vous décrivez. Je suis désolée, mais vous ne pouvez pas tenir de tels propos. Nous n'envoyons pas les salariés dans la gueule du loup patronal. Nous essayons de développer de nouvelles formes de relations de confiance, de nouvelles formes de régulation sociale. À quoi sert le principe majoritaire pour les accords d'entreprise si ce n'est précisément à reposer un véritable verrou ? À quoi sert de développer la négociation du temps du travail ?

M. Yves Censi. C'est un beau discours libéral, bravo !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous le faisons parce que, pour notre part, nous croyons à une culture du compromis. D'une certaine façon, toutes ces caricatures montrent que votre seule voie, c'est celle du statu quo : il ne faut rien changer, il ne faut surtout pas moderniser. C'est insupportable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. Paul Molac, M. François de Rugy et M. Paul Giacobbi. Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Dans un pays qui sait innover, nous devons impérativement trouver de nouvelles voies pour favoriser cette culture de la négociation.

Et il nous semble important de le faire précisément parce que nous avons une vraie estime pour les organisations syndicales. Il nous paraît en effet impératif de développer un nouveau contrat social dans notre pays.

Ce projet de loi est un texte de progrès. Pourquoi taire le compte personnel d'activité ? Pourquoi taire la garantie jeunes ? Pourquoi taire le droit universel à la formation ? Pourquoi taire le travail détaché ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) C'est insupportable ! Sortons de ces caricatures ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Paul Molac et M. François de Rugy. Très bien !