Question de : M. Jean-Jacques Candelier
Nord (16e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Jean-Jacques Candelier interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les conséquences environnementales des essais nucléaires. La France a effectué 210 essais nucléaires, atmosphériques et souterrains, du 13 février 1960 au 27 janvier 1996. Ces tests furent d'abord réalisés en Algérie à Reggane et In Ekker de 1960 à 1966, puis en Polynésie sur les atolls de Moruroa et Fangataufa de 1966 à 1996. Ces explosions ont provoqué de graves conséquences. L'impact environnemental est sous-estimé. Des centaines de tonnes de déchets radioactifs et de matériaux contaminés ont été laissées sur les sites ; du plutonium et d'autres radionucléides ont été dispersés sur des milliers de kilomètres. En Polynésie, un effondrement de l'atoll de Moruroa pourrait se produire, provoquant un tsunami menaçant les habitants de l'atoll voisin de Tureia et une pollution radioactive sans précédent du milieu océanique. Il lui demande si elle compte se saisir de la question des conséquences environnementales des essais nucléaires.

Réponse publiée le 7 février 2017

Les anciens sites d'expérimentations nucléaires de Polynésie française font l'objet d'un suivi radiologique et géomécanique effectué depuis 1998 par le département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires de la direction générale de l'armement, avec le soutien du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives et sous le contrôle de l'autorité de sûreté nucléaire de défense. Deux rapports annuels, consultables sur le site internet du ministère de la défense, sont ainsi établis et transmis aux autorités de la Polynésie française. S'agissant des conséquences radiologiques des essais nucléaires pratiqués en Polynésie, il est rappelé que la France a procédé au démantèlement des infrastructures des sites de Moruroa et de Fangataufa consécutivement à la dernière campagne d'expérimentations qui s'est achevée le 27 janvier 1996. En parallèle, l'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a été chargée d'évaluer la situation radiologique et d'anticiper les conséquences futures des essais. L'enquête ainsi réalisée, menée de 1996 à 1998, a conclu, d'une part, qu'aucune mesure corrective n'était nécessaire à Moruroa et à Fangataufa pour des raisons de protection radiologique, que ce soit dans l'immédiat ou à l'avenir et, d'autre part, qu'il n'était pas nécessaire de poursuivre la surveillance de l'environnement. La France a toutefois décidé de continuer à mesurer et à surveiller le niveau de radioactivité dans l'environnement. Les analyses des prélèvements opérés lors des missions annuelles effectuées sur les deux atolls mettent ainsi en évidence un très faible niveau de radioactivité d'origine artificielle dans le milieu biologique. Des opérations d'assainissement ont par ailleurs généré des déchets radioactifs (environ 1 700 m³) qui ont été conditionnés puis disposés dans des puits à Moruroa. D'autres déchets faiblement radioactifs (près de 1 400 tonnes) ont été immergés en deux points de l'océan au nord de l'atoll, à une profondeur comprise entre 2 000 et 3 200 mètres. L'ensemble de ces éléments figure dans l'inventaire des matières et déchets radioactifs publié par l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). La surveillance radiologique de la Polynésie française réalisée par l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) fait enfin l'objet d'un rapport annuel qui confirme les faibles niveaux actuels de radioactivité artificielle. Les doses délivrées aux populations par le biais de la ration alimentaire y sont notamment décrites comme étant très limitées, de l'ordre de quelques microSieverts. S'agissant des conséquences des essais nucléaires sur la structure de l'atoll, une commission internationale a évalué, en 1996, l'impact géologique et géomécanique des expérimentations et la surveillance mise en place à Moruroa. Deux risques ont été identifiés dans le cadre de ce travail : l'effondrement soudain d'un bloc limité de falaise corallienne, ainsi que le glissement d'une importante masse de carbonates dans la partie nord, événement dont la probabilité, bien que très réduite, ne peut être complètement écartée d'un point de vue scientifique. Dans ce contexte, une surveillance géomécanique du site a été mise en place et maintenue depuis une trentaine d'années. Elle est exercée au moyen de capteurs, disposés en surface et dans les puits de tir, et d'études topographiques. Les observations et les analyses réalisées permettent d'établir que l'effondrement soudain d'un bloc de falaise corallienne à Moruroa provoquerait localement une vague atteignant un à deux mètres de hauteur. Le dispositif d'alerte automatique, généré en temps réel par le système de surveillance, permettrait en toute hypothèse au personnel présent sur le site de prendre les mesures de sécurité répertoriées qui s'imposent. Par ailleurs, depuis la fin des années 1980, il a été constaté un glissement de masses de calcaires correspondant à une déformation lente de la pente externe dans la zone nord de l'atoll. Ce phénomène a enregistré un ralentissement sensible depuis l'arrêt des essais nucléaires. Une évaluation des conséquences d'un glissement d'une importante masse de calcaires à Moruroa a néanmoins été effectuée. Cette étude a démontré que les capteurs permanents de surveillance géomécanique permettraient de déclencher l'alerte plusieurs jours, voire plusieurs semaines à l'avance. L'évacuation, à titre préventif, du personnel présent à Moruroa est prévue au dernier stade de l'alerte. Dans les conditions les plus défavorables, le train de houle provenant de Moruroa se traduirait pour l'île de Tureia, seul atoll habité de la région, distant d'une centaine de kilomètres, par une vague inondant le secteur sud, espace dépourvu d'habitations. Dans la partie nord de l'île de Tureia, la submersion serait de l'ordre de 1 à 2 mètres et ne menacerait aucunement le village. L'alerte graduelle permettrait d'interdire l'accès au platier sud de l'atoll puis, au stade ultime, de rassembler la totalité de la population dans le village. Cette projection a pris en compte les hypothèses les plus pessimistes afin d'anticiper les mesures de sécurité civile à mettre en œuvre en cas d'alerte. Elle a abouti, à la fin de l'année 2012, à la signature d'un plan communal de sauvegarde entre la commune de Tureia et le haut commissaire de la République en Polynésie française. De plus, il convient de noter que les conséquences radiologiques d'un glissement d'ampleur des couches calcaires supérieures de l'atoll de Moruroa seraient nulles, dans la mesure où les anciennes cavités de tir sont situées dans les couches volcaniques profondes. L'AIEA a cependant évalué l'impact d'un scénario consistant à diffuser dans l'océan l'équivalent de la radioactivité produite par un essai de sécurité et un essai nucléaire. Les résultats obtenus ont montré que dans cette hypothèse, une consommation massive des produits de la mer exposerait les populations à des doses de radioactivité inférieures à 7 microSieverts la première année, à 3 microSieverts la deuxième année, puis à 1,2 microSievert la troisième année, soit plusieurs centaines de fois moins que les doses annuelles de radioactivité d'origine naturelle, en moyenne 1000 microSieverts en Polynésie française et 2 400 microSieverts en métropole. Enfin, il est précisé qu'un programme de rénovation des équipements de surveillance géomécanique a été engagé. Le nouveau dispositif de veille qui en résultera sera pleinement opérationnel à partir de 2018. Les travaux réalisés à ce titre, dont le coût global est estimé à plus de 100 M€, mobilisent en moyenne chaque jour près de 110 personnes sur le site de Moruroa (40 militaires du détachement permanent renforcé et 70 employés d'entreprises civiles). En outre, une commission d'information sur les essais nucléaires a été créée en Polynésie en vue de répondre aux interrogations émanant du Gouvernement de la Polynésie française, des maires des communes proches des anciens sites d'expérimentations, ainsi que des associations locales. Cette commission s'est déjà réunie à deux reprises, à Papeete, depuis 2015.

Données clés

Auteur : M. Jean-Jacques Candelier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Défense

Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie

Ministère répondant : Défense

Dates :
Question publiée le 11 septembre 2012
Réponse publiée le 7 février 2017

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