14ème législature

Question N° 3919
de M. Meyer Habib (Union des démocrates et indépendants - Français établis hors de France )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > politique extérieure

Tête d'analyse > Israël

Analyse > attitude de la France.

Question publiée au JO le : 12/05/2016
Réponse publiée au JO le : 12/05/2016 page : 3253

Texte de la question

Texte de la réponse

RÉSOLUTION DE L’UNESCO ET LIEUX SAINTS DE JÉRUSALEM


M. le président. La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.

M. Meyer Habib. Monsieur le Premier ministre, le 16 avril dernier, la France s'est déshonorée en votant, de façon honteuse et immorale, pour une résolution qui nie le lien historique entre le peuple juif et ses sites les plus sacrés à Jérusalem. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

Je n'ai pas été convaincu par la réponse apportée hier par le ministre des affaires étrangères à la question de M. Claude Goasguen.

Après avoir décrété le tombeau de Rachel et le Caveau des Patriarches patrimoine islamique, l'UNESCO pousse le délire jusqu'à baptiser le Mur des Lamentations Âl-Buraq, en référence à Mahomet, et fait du Mont du Temple, lieu le plus sacré du judaïsme depuis quatre mille ans, un site exclusivement musulman !

Comment la France, pays des Lumières, peut-elle s'associer à pareille falsification de l'histoire ? Comment la patrie des droits de l'homme peut-elle se fourvoyer dans une entreprise négationniste dont le seul objet est de délégitimer Israël ?

Depuis deux mille ans, même dans ses périodes les plus sombres – des massacres des Croisés aux bûchers de l'Inquisition et des pogroms des cosaques à la tragédie de la Shoah –, les juifs ont inlassablement répété : « l'an prochain à Jérusalem », « (Leshana abaa Yeroushalaïm) ».

En 1811 déjà, dans Itinéraire de Paris à Jérusalem, Chateaubriand écrivait : « Le peuple juif a assisté dix-sept fois à la ruine de Jérusalem, et rien ne peut le décourager, rien ne peut l'empêcher de tourner ses regards vers Sion. » Cette résolution est une insulte à l'histoire judéo-chrétienne.

Le Temple de Jérusalem n'est-il pas au cœur des Évangiles ? Les marchands du temple vont-ils se transformer en marchands des mosquées ? Ouvrez les yeux ! Islamiser Jérusalem, c'est le but ultime des djihadistes : or, nous leur prêtons main forte.

Les mêmes qui ont saccagé Palmyre, rasé Nimrod, détruit le monastère Saint-Élie anéantissent les chrétiens d'Orient dans leur berceau historique. Et notre pays est bien le seul à se prêter à cette mascarade : quelle déception !

Monsieur le Premier ministre, nous avons, par ce vote, choisi le camp du mensonge. À la fois juge et partie, notre pays est discrédité et isolé. Quel crédit peut-on accorder à notre initiative diplomatique ?

Monsieur le Premier ministre, j'ai écrit au Président de la République : à la veille de votre visite dans la région, comment comptez-vous réparer ces dégâts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants et sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, vous venez de le rappeler, la France a voté, lors du conseil exécutif de l'UNESCO du 16 avril dernier, une résolution. Elle traitait de la situation de Jérusalem.

Le vote de cette résolution a suscité, en Israël mais aussi en France, des interrogations, voire des inquiétudes. Vous venez de les exprimer avec émotion et passion.

Le ministre des affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a déjà répondu hier, dans ce même hémicycle, à une question posée par votre collègue par Claude Goasguen. Celui avait rappelé, avec justesse me semble-t-il, quelle était la réalité de Jérusalem.

Je veux le redire devant vous avec force et conviction : en aucun cas, pas plus hier qu'aujourd'hui ou demain, la France ne niera la présence et l'histoire juives à Jérusalem. Cela n'aurait aucun sens : il serait en effet absurde de nier cette histoire.

Il y a, dans le texte de cette résolution de l'UNESCO, des formulations malheureuses et maladroites qui heurtent. Elles auraient incontestablement dû être évitées, comme ce vote. (« Très bien ! »sur quelques bancs.)

Soyez-en cependant convaincu, cette résolution ne change rien à la politique de la France. Jean-Marc Ayrault sera dans quarante-huit heures en Israël ainsi que dans les territoires palestiniens, et je m'y rendrai moi-même dans une dizaine de jours.

Et puis, pour dire encore plus clairement les choses, notre position sur la question de Jérusalem est claire : elle doit l'être et ne varie pas. C'est la défense de la liberté d'accès et de culte à Jérusalem, ville-symbole des trois grandes religions monothéistes, ville qui appartient à tous les croyants, qu'ils soient juifs, chrétiens ou musulmans. La mosquée al-Aqsa, le mur du Temple et le Saint-Sépulcre sont des symboles qui doivent rayonner partout dans le monde et qui doivent être – et c'est bien là le défi – synonymes de paix. Chaque mot, chaque phrase, chaque rappel historique doit être utilisé avec toutes les précautions ainsi qu'avec toute la prudence qui s'imposent.

Vous l'avez rappelé, notre politique est de sortir de la situation de blocage du processus de paix, car l'absence de perspective de paix entre Israéliens et Palestiniens ne fait qu'alimenter la violence, à Jérusalem comme ailleurs.

Vous le savez, c'est pour sortir de cette dangereuse impasse que la France – et c'est bien ainsi, monsieur le député – a pris, avec la réunion que nous organiserons à Paris à la fin du mois, une initiative pour relancer le processus de paix. Nos déplacements successifs, au bien le ministre des affaires étrangères et à moi-même, visent à préparer ce rendez-vous.

Voilà, monsieur le député. Il y a de l'émotion et de la passion dans vos propos, je les comprends : ce vote n'aurait pas dû avoir lieu,…

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Il ne fallait pas voter !

M. Axel Poniatowski. C'était une erreur !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …telle est sans doute la manière d'apporter la réponse la plus précise à votre question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)