Question au Gouvernement n° 3920 :
investissements

14e Législature

Question de : M. Paul Molac
Morbihan (4e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Question posée en séance, et publiée le 12 mai 2016


VENTE DE TERRES À DES INVESTISSEURS ÉTRANGERS

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

M. Paul Molac. Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture. J'y associe mes collèges Allain, Potier, Bonneton et Daniel.

Le contrôle de la terre et de ses capacités nourricières a toujours été au cœur de notre histoire. Sans remonter à l'Ancien Régime, les lois de Tanguy-Prigent de 1946 sur le statut du fermage ont amplement participé à la mutation de l'agriculture, faisant passer celle-ci d'une agriculture de subsistance à une agriculture d'abondance permettant de nourrir largement la population.

Or nous voyons des vents mauvais se lever sur le foncier agricole. Des projets comme la ferme des Mille vaches ont ainsi pu voir le jour. Un cran supplémentaire a été franchi avec l'achat, par un fonds d'investissement chinois, de 1 700 hectares de terres à céréales dans le Berry. Profitant de la détresse de paysans endettés, ce fonds vise, à terme, l'acquisition de 10 000 hectares afin de les exploiter en direct pour l'exportation vers la Chine. Après l'Afrique et l'Asie du Sud-Est, c'est donc l'Europe qui est visée. Notons que ces sociétés contournent les procédures de contrôle du foncier agricole, dont le but est une répartition équitable des terres pour l'installation des jeunes et la préservation des exploitations familiales.

La première question est celle de notre souveraineté alimentaire. La stratégie globale de la Chine est non seulement d'acheter et de transformer des produits agroalimentaires bretons ou français mais aussi de maîtriser directement les moyens de production et la matière première, la terre.

La seconde question est celle de la préservation du patrimoine national qu'est la propriété du sol. L'enjeu est de taille pour notre agriculture, de type familial, ancrée dans son territoire et élaborant des produits de qualité. Une telle spéculation foncière ne peut qu'être néfaste pour la compétitivité de nos exploitations agricoles, qui risquent d'être les premières victimes de telles pratiques.

Monsieur le ministre, n'est-il pas temps de revoir notre législation pour éviter que des montages sociétaires complexes ne puissent permettre le rachat sans contrôle des terres agricoles de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Jacques Bompard et M. Gilbert Collard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, la question n'est pas de savoir si on va laisser tomber l'agriculture dans les mains d'investisseurs, que les capitaux soient européens et français ou qu'ils viennent d'ailleurs, en l'occurrence de Chine.

M. Bernard Accoyer. La question, c'est la modernisation !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous avons fait voter une loi, la loi d'avenir, dans laquelle nous avons renforcé les critères et, surtout, la capacité des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER, à préempter des terres. J'ai bien regardé le dossier. Tout cela s'est passé entre 2013 et 2015, avant la mise en œuvre du décret d'application de la loi, le 1er janvier 2016. Pas moins de 1 700 hectares ont ainsi pu être vendus sans que personne ne soit au courant, pas même le président de l'Assemblée permanente des chambres d'agricultures, Guy Vasseur, qui est lui-même de ce département, et avec qui j'ai déjeuné hier. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Accoyer. C'est le socialisme alimentaire !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Maintenant, grâce au décret, nous disposons de moyens supplémentaires.

Nous avons par ailleurs renforcé le contrôle des structures, qui aura aussi son mot à dire.

Pour savoir si nous pouvons aller plus loin dans la législation, un groupe de travail a été mis en place…

Mme Claude Greff. Ah ! Un groupe de travail !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …au niveau du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, et Dominique Potier, à l'Assemblée nationale, travaille sur le sujet. Nous renforcerons notre législation si nécessaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Données clés

Auteur : M. Paul Molac

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 mai 2016

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