droit du travail
Question de :
M. Yannick Moreau
Vendée (3e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 12 mai 2016
PROJET DE LOI TRAVAIL ET TRAVAILLEURS DÉTACHÉS
M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau, pour le groupe Les Républicains.
M. Yannick Moreau. Monsieur le Premier ministre, les bonnes intentions réformatrices initiales sur le droit du travail se sont vite évanouies sous les pavés et la biodiversité des fumées de la place de la République. Malheureusement, votre projet de loi ne laisse plus beaucoup d'espoir de simplification aux entrepreneurs de notre pays. Qu'il est long, avec votre gouvernement, le chemin du projet à la chose !
Avec Jérôme Lambert et vingt-sept collègues siégeant sur tous les bancs, nous avons proposé d'améliorer votre texte en y ajoutant notre « amendement Molière ». Mais, en recourant à l'article 49, alinéa 3, vous avez décidé de mettre fin au débat parlementaire en première lecture à l'Assemblée.
Fier de ce texte qui n'est pourtant que l'ombre d'une réforme du code du travail, vous refusez le débat et les contributions des députés. Notre « amendement Molière », qui sera déposé au Sénat puis à l'Assemblée en deuxième lecture, est simple et de bon sens : il cherche à lutter contre les dérives de la directive de 1996 sur les travailleurs détachés, les plus courtes erreurs étant toujours les meilleures.
Notre « amendement Molière » transpose l'initiative du collectif Franc-parler et vise à obliger les travailleurs détachés à maîtriser le français ou les entreprises qui les emploient à recourir au service d'interprètes.
M. Guy Geoffroy. J'espère qu'il prendra racine !
M. Yannick Moreau. C'est d'abord une question de sécurité sur les chantiers. C'est aussi une question d'équité pour les artisans français du BTP (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) qui font face à une concurrence assez largement déloyale, aggravée par les marchés publics qui organisent une course permanente au moins-disant social. Alors que le Parlement débattra encore quelques mois du code du travail, nous avons l'occasion de corriger l'injustice congénitale introduite par la directive Bolkestein de 1996.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous, oui ou non, soutenir cet « amendement Molière » ? Répondez-moi franchement, monsieur le Premier ministre ! « Je veux qu'on soit sincère, et qu'en homme d'honneur, on ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur. » (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, au-delà de la caricature que vous faites une nouvelle fois du projet de loi (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), je partage tout à fait l'objectif de lutte contre la fraude au détachement. Je crois essentiel de rappeler dans cet hémicycle que ce qui est en jeu, ce n'est pas la liberté de circulation des travailleurs dans l'espace européen – la France étant le troisième pays d'envoi de travailleurs dans cet espace, nous n'avons pas de leçons à donner –, mais bien la lutte contre les fraudes au détachement, lesquelles minent notre modèle social et représentent une concurrence déloyale pour les employeurs.
M. Sylvain Berrios. Ce n'est pas la question !
Mme Myriam El Khomri, ministre. C'est pour cela qu'au-delà des paroles, nous agissons ! Nous avons défini, dans la loi Savary puis dans la loi Macron, un régime plus strict. Mais nous avons également imposé de nombreux contrôles sur l'ensemble du territoire. Nous agissons aussi au niveau européen pour rectifier la directive de 1996.
M. Philippe Meunier. Répondez à la question !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je vais répondre précisément. Si nous n'avons pas accepté cet amendement, c'est parce qu'il prévoit l'obligation pour un travailleur détaché de parler ou de comprendre le français ou, à défaut, pour son employeur de prévoir les services d'un interprète. Je suis d'accord avec vous sur le fond, car la question de la langue est essentielle, notamment en termes d'accès au droit ou pour comprendre les consignes de sécurité. Mais cet amendement posait des problèmes juridiques. Par ailleurs, comment imaginer qu'un employeur qui envoie un seul travailleur détaché envoie en même temps un interprète ?
M. Yannick Moreau. C'est le problème !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Depuis la loi Savary, notre code de travail prévoit l'obligation de désigner un représentant en France parlant le français.
M. Philippe Meunier. C'est n'importe quoi !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Par ailleurs, le projet de loi travail définit des obligations pour surmonter le problème de la langue, dont celle d'avoir l'ensemble des éléments d'accès au droit dans les différentes langues...
M. le président. Merci, madame la ministre…
Auteur : M. Yannick Moreau
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 mai 2016