14ème législature

Question N° 3928
de M. Gilles Savary (Socialiste, républicain et citoyen - Gironde )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > travail

Tête d'analyse > réglementation

Analyse > détachement. concurrence.

Question publiée au JO le : 12/05/2016
Réponse publiée au JO le : 12/05/2016 page : 3260

Texte de la question

Texte de la réponse

TRAVAILLEURS DÉTACHÉS


M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Gilles Savary. Ma question s'adresse à Mme ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la ministre, le détachement international de travailleurs à des fins d'optimisation sociale a pris une ampleur sans précédent depuis 2004, année de l'ouverture de l’Union européenne aux pays de l'Est, menaçant des pans entiers de notre économie, déstabilisant les règles de la concurrence et précarisant le financement de notre système social.

M. Jean-Luc Laurent. Très juste !

M. Gilles Savary. Face à de telles pratiques, la France a agi dès 2012 sur deux registres : tout d'abord à Bruxelles, en arrachant un compromis inespéré avec la directive d'exécution modifiant la directive initiale de 1996 ; et puis en France surtout, en transposant la nouvelle directive, étendant son champ d'application à l'ensemble de la chaîne de sous-traitance et à tous les secteurs d'activités, et mieux encore en mettant en place des sanctions administratives plus rapidement mobilisables que les sanctions judiciaires.

Cet arsenal législatif a été ultérieurement consolidé par la loi dite « Macron » du 6 août 2015, qui alourdit considérablement les sanctions administratives, et par la loi dite « Rebsamen », qui a mis en place dans nos régions des unités spécialisées dans la lutte contre les fraudes complexes relevant du travail illégal.

Le titre VI du projet de loi que vous présentez, madame la ministre, propose, entre autres dispositions, l'instauration d'une contribution pécuniaire des entreprises étrangères qui détachent en France afin de financer un système de déclaration en ligne des travailleurs détachés, ce qui permettra leur traçabilité et celle des chantiers concernés.

Par ailleurs, notre commission des affaires sociales un amendement visant à aligner les conditions d'emploi des travailleurs étrangers détachés intérimaires sur celles des intérimaires nationaux. Vous le savez : je considère que le travailleur détaché doit avoir un rapport direct avec l'emploi régulièrement exercé dans son pays d'origine pour le compte de l'activité et du métier de l'entreprise qui le détache, sinon il faut combattre le travail intérimaire étranger.

Le recours à l'article 49 alinéa 3 pour l'adoption de votre texte m'amène à vous demander de nous informer des mesures complémentaires que le Gouvernement a finalement retenues dans ce domaine. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Guy Geoffroy. Ils ne le savent pas non plus !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur Savary, je voudrais tout d'abord vous féliciter de l'action que vous menez dans la lutte contre la fraude au détachement. Nous avons certes dans notre pays une des législations es plus strictes en ce domaine. Est-elle suffisante ? « Non », avez-vous déclaré en substance, et il y a un combat à mener à la fois au niveau national, en termes bien sûr de contrôle pour lutter contre la fraude au détachement mais aussi au niveau européen pour une révision ciblée de la directive de 1996. Je l'ai déjà dit : il s'agit de mieux lutter contre la concurrence déloyale parce que c'est un facteur d'érosion de notre modèle social et, qu'au-delà, il y va de la dignité des travailleurs dans l'espace européen.

C'est pourquoi le projet de loi que vous avez évoqué renforce encore notre arsenal législatif en matière de travail détaché : nous renforçons les sanctions en permettant de suspendre une prestation de service internationale lorsqu'il n'y a pas de déclaration du détachement. Jusqu'à présent, nous pouvions appliquer des sanctions en cas de non-respect des horaires de travail ou du salaire, mais pour absence de déclaration du détachement. Nous améliorons aussi l'efficacité des services de contrôle en offrant la possibilité de disposer d'un interprète lors desdits contrôles – je complète ainsi ma réponse à la question de M. Moreau. De plus, nous renforçons la responsabilité du maître d'ouvrage et du donneur d'ordre ; déjà considérablement étoffées par la loi que vous avez portée et par la loi Macron, ainsi que notre arsenal pour lutter contre les fraudes à l'intérim – je partage tout à fait votre avis sur ce point. La révision ciblée de la directive de 1996 doit nous permettre d'aller encore bien au-delà.

Les droits des salariés détachés vont par ailleurs être renforcés en prévoyant, sur les grands chantiers, une obligation d'affichage dans leur langue des règles du droit du travail.

Vous le voyez, monsieur le député : notre détermination est totale.(Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)