défense
Question de :
Mme Véronique Massonneau
Vienne (4e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Question posée en séance, et publiée le 18 mai 2016
JOURNÉE MONDIALE DE LUTTE CONTRE L'HOMOPHOBIE
M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.
Mme Véronique Massonneau. Monsieur le garde des sceaux, aujourd'hui a lieu la journée mondiale de lutte contre l'homophobie. Je souhaite vous interroger sur un phénomène qui nous concerne car il contribue à répandre la haine au-delà des frontières : l'absence de régulation effective de certains réseaux sociaux sur lesquels des messages dégradants, des appels à la violence et au meurtre sont diffusés sans que leurs gestionnaires ne réagissent efficacement.
Il s'agit là d'un des principaux vecteurs de la parole homophobe, mais pas seulement : le racisme et l'antisémitisme, tout autant que le sexisme, y trouvent également un canal de diffusion trop souvent complaisant.
Des associations ont d'ailleurs récemment saisi la justice pour rappeler les gestionnaires de sites à leurs responsabilités, mais cela sera-t-il suffisant ?
Quand plus des trois quarts des signalements sur Twitter sont classés sans suite, quand des messages insupportables et contraires à nos lois ainsi qu'à toute valeur humaniste sont considérés par Facebook comme non contraires à sa politique de modération, quand des montages dégradants mettant en scène des femmes politiques signalés à Twitter se voient simplement requalifiés d'« images risquant de heurter » tout en demeurant accessibles, comment peut-on prétendre lutter avec efficacité contre l'homophobie, le racisme et le sexisme ?
Pouvez-vous donc non seulement nous rappeler les dispositifs nationaux permettant de poursuivre les auteurs de ces messages sur les réseaux sociaux, mais également nous indiquer quelles initiatives sont ou seront prises pour rappeler les gestionnaires à leurs responsabilités, quelle que soit la protection que leur apporte leur domiciliation à l'étranger ?
La liberté indéniable apportée par les réseaux sociaux, par ailleurs sources de profits pour leurs propriétaires, serait un leurre si elle ne s'accompagnait pas de la responsabilité des gestionnaires face à la diffusion sans discernement d'incitations à la haine et à la violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, vous avez malheureusement raison : vous savez qu'existe la Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements, dite PHAROS, qui permet le signalement de contenus illicites en matière de discrimination.
Or, depuis deux ans, le nombre de signalements reçus par cette plateforme a augmenté de plus 41 %. Il faut donc évidemment agir ; c'est ce que le Gouvernement a fait, fait et va faire, notamment à travers deux projets de loi. En premier lieu, le projet de loi « Égalité et citoyenneté », que Patrick Kanner défendra devant l'Assemblée nationale, nous permettra de simplifier encore davantage les règles de poursuite et de jugement réprimant les infractions constituées par ces discours de haine. Le même projet de loi nous permettra de faire du racisme une circonstance aggravante générale.
En second lieu, le projet de loi de modernisation pour la justice du XXIe siècle rendra possibles les actions de groupe en matière de discrimination.
Vous m'interrogez également sur les responsabilités. Tout d'abord, celle de l'auteur est totale. Ensuite, celle du fournisseur d'accès – ou de l'hébergeur – peut également être mise en cause s'il a eu connaissance d'activités ou de propos illicites, ou s'il n'a pas promptement réagi afin de les rectifier ou de les rendre inaccessibles. En effet, vous savez sans doute que la loi fait obligation à tous les fournisseurs d'accès de mettre en place un dispositif accessible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données.
Il leur faut donc, lorsque des activités illicites sont constatées, en informer les autorités publiques au moyen de signalements. S'en abstenir est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Conserver les données constitue, par ailleurs, une obligation s'imposant aux fournisseurs d'accès : cela permet en effet à l'autorité judiciaire d'identifier ceux qui pratiquent ce type de discriminations. Ces mêmes fournisseurs risquent un an d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende s'ils ne le font pas.
Enfin, nous avons, comme vous le savez, créé une infraction spécifique visant à punir ceux qui n'ont pas déféré aux autorités judiciaires : les peines qu'ils encourent sont tout à fait conséquentes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)
Auteur : Mme Véronique Massonneau
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mai 2016