Question au Gouvernement n° 3953 :
mineurs

14e Législature

Question de : M. Guy Geoffroy
Seine-et-Marne (9e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 19 mai 2016


TRIBUNAUX CORRECTIONNELS POUR MINEURS

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe Les Républicains.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le Premier ministre, notre assemblée a débuté hier soir l'examen de vos deux projets de loi, organique et ordinaire, portant l'appellation bien pompeuse, au regard de la réalité des textes, de « justice du XXIe siècle ».

Passe encore la méthode, devenue habituelle et ordinaire de votre gouvernement, consistant à recourir à la procédure accélérée, qui ne permet qu'une seule lecture dans chacune des assemblées.

Peu importe la pratique spécifique à ce texte, qui consiste à ce que le Gouvernement introduise massivement, par voie d'amendements, des dispositions nouvelles : quatre-vingt-quatorze amendements ont ainsi été déposés devant la commission, tandis que quatorze amendements ont été déposés en vue de la séance publique et soumis à la commission au titre de la réunion dite de l'article 88 du règlement.

Tout ceci ne serait rien, tout au plus l'illustration de l'évanescence de votre gouvernance, s'il n'y avait dans le texte – du fait de l'accord que vous avez donné à des amendements proposés par ce qui reste de votre majorité – une disposition parmi d'autres qui trouble et sur laquelle, monsieur le Premier ministre, il apparaît nécessaire que vous apportiez de véritables explications. Je veux parler de la disposition qui a pour objet de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !

M. Guy Geoffroy. Vous avez décidé de prendre cette disposition au motif unique que seuls 1 % des délits en cause seraient traités par les tribunaux correctionnels pour mineurs. C'est l'aveu d'une idéologie qui domine tout. (Mêmes mouvements.)

M. Jean Glavany. L'idéologie est de notre côté, tu as raison !

M. Guy Geoffroy. Monsieur le Premier ministre, s'agissant de la justice des mineurs, qui exige de la responsabilité, quand allez-vous quitter le terrain de l'idéologie qui déconstruit pour rester sur celui de la responsabilité, qui doit être la seule marque d'un gouvernement raisonnable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, dans la mesure où nous poursuivons la discussion que nous avons entamée hier soir, souffrez que je réponde à la place du Premier ministre, que vous avez interpellé.

Je trouve votre question pour le moins prévisible. Je l'ai dit hier, le mérite que vous partagez avec certains de vos collègues, tels Éric Ciotti, est de recourir à chaque fois aux mêmes arguments…

M. Jean Glavany. Au même numéro !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. …sans amener un élément nouveau. Il s'agit, pour ainsi dire, d'une forme de best of des Républicains. Cela présente un avantage : il n'y a plus de surprise. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. De ce point de vue, je crains de vous décevoir, car je n'ai d'autres arguments à vous opposer que les faits eux-mêmes. Vous savez très bien, monsieur le député, qu'une censure du Conseil constitutionnel est intervenue le 4 août 2011 sur la disposition instituant les tribunaux correctionnels pour mineurs…

M. Jean Glavany. Eh oui !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. …ce qui a vidé cette mesure du principal intérêt qu'on lui prêtait, c'est-à-dire la rapidité à sanctionner. Si, aujourd'hui, seules 0,8 % des condamnations de mineurs délinquants sont prononcées par les tribunaux correctionnels pour mineurs, c'est dû au fait que la mesure a été vidée de son sens par le Conseil constitutionnel. En sus, vous avez mis en place une organisation extrêmement complexe, qui impose la présence de plusieurs magistrats dans un même tribunal. Or, la plupart d'entre eux n'étant pas spécialisés en matière de jugement des enfants, cela désorganise les juridictions. Vous connaissez bien le monde de la justice, monsieur le député : je vous propose que nous allions ensemble dans n'importe quelle juridiction de France…

M. Guy Geoffroy. Chiche !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. …et nous verrons ce que disent les magistrats sur ce tribunal correctionnel pour mineurs. Je n'ai aucune inquiétude : venez quand vous voulez, monsieur le député. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Vous allez surtout constater que la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs ne va rien changer. Au contraire, la sévérité sera plus forte, puisque les tribunaux pour enfants enferment plus – tel est, en effet, votre critère de référence. Vous serez donc rassurés, et nous aussi, car nous allons donner la priorité à l'éducatif pour combattre la délinquance des mineurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Stéphane Saint-André. Très bien !

Données clés

Auteur : M. Guy Geoffroy

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mai 2016

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