14ème législature

Question N° 3979
de M. Edouard Philippe (Les Républicains - Seine-Maritime )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > travail

Tête d'analyse > droit du travail

Analyse > réforme. perspectives.

Question publiée au JO le : 26/05/2016
Réponse publiée au JO le : 26/05/2016 page : 3640

Texte de la question

Texte de la réponse

SITUATION SOCIALE


M. le président. La parole est à M. Edouard Philippe, pour le groupe Les Républicains.

M. Edouard Philippe. Monsieur le Premier ministre, je ne sais pas si ça va mieux. Peu de nos concitoyens le pensent et personne au Havre ne me l'a dit. Le Havre, poumon économique de la Normandie, risque l'asphyxie. Sa zone industrialo-portuaire, qui compte 32 000 salariés, a été bloquée plusieurs jours et peut l'être encore. Son port, le deuxième de France par le tonnage mais le premier pour le commerce extérieur, se bat depuis des années pour survivre dans un environnement international où la concurrence est féroce : soixante-dix escales ont été déroutées au profit de ses concurrents depuis le début du conflit.

Je ne souhaite pas appeler votre attention seulement sur une situation locale : derrière Le Havre, c'est l'économie de la vallée de la Seine, du Bassin parisien et du pays qui est menacée. Partout la tension est palpable, dans les files d'attentes des stations-service et sur les barrages. Partout monte l'exaspération, qu’il s’agisse de ceux qui se sentent trahis par rapport aux promesses de la campagne présidentielle, de ceux qui n'acceptent pas les atteintes à la liberté du travail ou de ceux qui en ont assez de devoir supporter dans leur vie quotidienne les conséquences des surenchères électorales ou des débats internes à la gauche.

M. Jean Glavany. Comme s'il n'y avait pas de débats internes à la droite !

M. Edouard Philippe. J’ignore, monsieur le Premier ministre, ce que vous ferez du projet de loi travail. Personne, pas même la représentation nationale qui a été privée de débat, ne sait plus ce qu'il contiendra en définitive ni dans quel état il sortira d'un processus législatif qui ne nous fait pas honneur. Je sais en revanche que vous vous êtes engagé dans un rapport de force. J'observe que vous avez procédé à quelques déblocages. J'espère que force restera à la loi.

Ce que je vous demande, c'est de ne pas faire payer à notre économie, à nos entreprises et à nos emplois vos difficultés à dialoguer et votre incapacité à entretenir un dialogue social apaisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Ce que je vous demande, monsieur le Premier ministre, ce sont les décisions que vous comptez prendre dans les heures qui viennent pour sortir notre pays des blocages. Comment comptez-vous concilier l'exercice du droit de grève, qui est constitutionnel et que tous ici respectent, avec la liberté de circuler et de travailler, qui est constitutionnelle, elle aussi, et qui est bafouée ? Avez-vous la volonté, monsieur le Premier ministre, de rétablir la confiance dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur les bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, je vais, en répondant à votre question, vous dire mon sentiment profond sur ce que nous vivons actuellement et sur ce que nous avons engagé, parce qu'il y a des moments, dans la vie publique, dans la vie politique, où il faut savoir prendre des décisions et être particulièrement clair devant la représentation nationale et devant les Français – si possible toujours.

Tout d'abord, il faut lever les blocages des sites pétroliers, des dépôts et, le cas échéant, des ports : onze dépôts ont déjà été débloqués, dont un encore ce matin. Nous le faisons parce que nous considérons que les Français doivent pouvoir s'approvisionner, se déplacer et aller travailler sans avoir à attendre des heures devant leur station-service.

Nous agissons pour les Français et pour notre économie, afin qu'elle ne soit pas asphyxiée par les agissements de quelques-uns. Nous continuerons d'agir avec détermination et tout sera mis en œuvre pour assurer l'approvisionnement. Aucune option ne sera écartée. Les forces de l'ordre interviennent depuis vendredi et continueront de le faire. Je veux saluer leur travail et leur sang-froid. Elles interviennent dans le contexte que chacun connaît et qui les met à rude épreuve.

Mme Claude Greff. Elles n'en peuvent plus.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je veux – cela a déjà été fait hier, ici, à l'Assemblée nationale – leur rendre de nouveau hommage. Une fois encore, les policiers et les gendarmes sont les gardiens exigeants de notre vie en collectivité. Ils prennent des risques et sont victimes de violences intolérables.

M. Guy Geoffroy. Ils avaient voté pour vous !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Être clair, c'est dire que c'est une organisation minoritaire qui veut faire plier le Gouvernement et qui veut tordre, tout simplement, l'intérêt général. C'est parce que cette organisation, la CGT, a échoué, et qu'elle n'a pas su prendre ses responsabilités dans le dialogue que nous avons engagé, qu'elle essaie de bloquer le pays.

M. Christian Jacob. Dites-leur merci : vous êtes là grâce à eux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je respecte cette organisation, son histoire, ses militants et ses dirigeants. Ma porte est toujours ouverte pour le dialogue.

M. Patrice Carvalho. Avec le 49.3 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais la CGT ne fait pas la loi dans ce pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Le droit de grève et celui de manifester sont des droits absolus. Mais cette radicalité, qui va jusqu'à s'en prendre aux permanences des élus de la République, est inacceptable.

M. André Chassaigne. Quel amalgame !

M. Christian Jacob. Heureusement que nous sommes là !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ceux qui voudraient nous faire croire, par exemple, qu'il est possible d'arrêter une centrale nucléaire, jouent un jeu étrange : celui de vouloir faire peur aux Français. Ce qui se joue actuellement, monsieur le député, c'est bien une conception de la démocratie et du dialogue social ; c'est le choix de la négociation sociale dans l'entreprise plutôt que celui du blocage ou de la violence dans la rue. Aujourd'hui, je le rappelle, ceux qui bloquent les sites pétroliers ne sont pas concernés par le projet de loi travail. La décentralisation et le dialogue social sont des concepts modernes. La décentralisation est un concept que nos concitoyens apprécient dans les collectivités territoriales. Elle les met aux plus près des décisions. Pourquoi cette décentralisation ne vaudrait-elle pas aussi dans les entreprises en faisant confiance aux acteurs de terrain que sont les entrepreneurs et les salariés ?

Être très clair, c'est dire qu'il n'y aura, mesdames et messieurs les députés, ni retrait du texte ni remise en cause de l'article 2, car il est le cœur de la philosophie du texte.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Vous entendez, monsieur Le Roux ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Revenir sur ses dispositions, « ce serait porter un coup dur aux salariés car ils perdraient le bénéfice des nouveaux droits que ce texte leur accorde ». Ces mots, monsieur le député, ce sont ceux du secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger. Lorsqu'il affirme que défendre les salariés, c'est défendre ce projet de loi, il faut l'entendre.

Notre but est que les Français ne subissent pas les chantages, qu'ils retrouvent leur quotidien, que ces accès de violence cessent et qu'on puisse, en effet, débattre calmement et sereinement,…

M. André Chassaigne et M. Marc Dolez. Avec le 49.3 !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …dans un esprit de responsabilité, pour réformer notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)