droit du travail
Question de :
M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - Union des démocrates et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 26 mai 2016
SITUATION SOCIALE
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, l'inquiétude et la colère des Français grandissent. Je sais que votre tâche n'est pas facile en ce moment, mais la vie est encore plus difficile pour nos concitoyens, ce dont le Président de la République ne semble pas se rendre compte.
M. Guy Geoffroy. Ah, mais ça va mieux !
M. Jean-Christophe Lagarde. Depuis plusieurs semaines, nous assistons à des manifestations, à des scènes de pillage menées par des casseurs, à des agressions de policiers dont les juges viennent malheureusement de relâcher les auteurs présumés.
M. Michel Herbillon. Ça va mieux !
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, il faut que vous expliquiez au Président de la République que cela ne va pas mieux ! Alors que votre secrétaire d'État chargé des transports explique qu'il n'y a pas de pénurie d'essence, bien que l'on voie se multiplier, hélas, comme Édouard Philippe le disait tout à l'heure, les files d'attente devant les stations-service, il faut lui faire comprendre, monsieur le Premier ministre, que cela ne va pas mieux !
Alors que nous avons subi des blocages routiers et qu'on annonce maintenant des grèves reconductibles à la RATP et à la SNCF, menées par les jusqu'au-boutistes que vous décriviez tout à l'heure, il faut que le Président de la République revienne sur terre et se rende compte que cela ne va pas mieux !
On nous menace maintenant de coupures d'électricité – vous y avez fait allusion – et la rupture du dialogue social avec la CGT ressemble aujourd'hui à une lutte à mort contre le Gouvernement : on ne peut pas dire que cela va mieux ! Et nous apprenions hier que l'attractivité de la France reculait face à la Grande-Bretagne et à l'Allemagne : ce n'est pas ce que nous appelons aller mieux !
Hier encore, s'exprimant à la radio, le Président de la République s'est rêvé en Clemenceau, un homme qui vous est cher, ou en Churchill. Je pense que tout le monde peut constater que c'est à l'Élysée que, décidément, cela ne va pas mieux.
Si, encore, c'était le prix à payer pour une réforme qui en vaille la peine… Mais vous avez été contraint, à contrecœur, j'en suis sûr, de vider une large partie de cette réforme d'une réelle substance. En réalité, les Français paient les pots cassés d'une campagne présidentielle et de mensonges présidentiels qui n'ont cessé.
Alors qu'il reste encore un an avant les échéances électorales, la question qui se pose aujourd'hui est la suivante, monsieur le Premier ministre : avez-vous encore les moyens de gouverner pendant un an, coincé entre un président candidat et une majorité qui vous a déjà lâché dans cet hémicycle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Lagarde, oui, la vie est difficile – pas pour le Gouvernement, pas pour les parlementaires, mais pour les Français qui sont au chômage, qui connaissent la précarité et qui craignent pour l'avenir. C'est évidemment vers eux que nous sommes tournés. C'est pour cela que nous avons mis en place la prime d'activité et augmenté le RSA.
M. Christian Jacob. Vous avez aussi augmenté les impôts !
M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est pour cela aussi, puisque vous avez fait référence au bilan du Gouvernement et aux prochaines échéances électorales, que nous faisons tout pour améliorer la compétitivité de nos entreprises.
Un député du groupe Les Républicains. Quel succès !
M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est le sens du CICE et de la baisse du coût du travail.
Voilà ce que le Président de la République a voulu dire. Il y a, d'un côté, les indices économiques, et de l'autre, la réalité que vivent les Français. Mais quand les indices vont dans le bon sens, reconnaissons que cela signifie que les perspectives s'améliorent ! Nous le constatons en matière de consommation, en matière d'investissement, dans le secteur du bâtiment…
M. Philippe Cochet. Tout va très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous le constatons aussi en matière d'emploi – toutes les catégories de chômeurs sont concernées – et aussi, bien sûr, en matière de croissance. C'est évidemment insuffisant au regard de ce qui est nécessaire pour faire baisser le chômage de manière très significative, mais les chiffres du mois dernier allaient dans le bon sens. Nous devons continuer sur cette voie.
Monsieur le député, les chiffres et les indices permettent de dire qu'en effet, les choses sont en train de s'améliorer. Le Gouvernement n'a qu'une seule responsabilité, un seul défi : celui de continuer pour que la situation de nos compatriotes s'améliore.
Réformer, cela veut dire mettre en œuvre la loi qu'a portée avec courage Myriam El Khomri.
Mme Claude Greff. Ah non, cela suffit !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous dites que le projet de loi a été vidé de sa substance : il faut l'expliquer aujourd'hui à ceux qui manifestent !
M. Patrice Carvalho. Quel aveu !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais je pense que vous vous trompez. Le secrétaire général de la CFDT dit que ce texte comporte des droits nouveaux pour les salariés, qu'il réalise ce qui n'avait jamais été fait jusqu'à présent, y compris, monsieur Lagarde, lorsque vous apparteniez à la majorité : donner davantage de moyens aux syndicats et aux salariés et, surtout, favoriser la discussion au sein de l'entreprise.
M. Christian Jacob. Tournez-vous vers les vôtres ! C'est à cause d'eux, pas de nous, que vous avez utilisé le 49.3 !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Les syndicats réformistes que sont la CFDT, l'UNSA et la CFTC disent que ce texte va dans le bon sens et soutiennent un certain nombre de mesures qu'il contient. L'organisation qui est sans doute le premier syndicat de ce pays dit que ce projet de loi est utile pour les entreprises et pour les salariés. Moi, cela m'encourage à continuer. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. Michel Ménard. Très bien !
M. Sylvain Berrios. Alors pourquoi le 49.3 ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Qu'il y ait des oppositions, je l'ai constaté ici, monsieur Lagarde, à l'Assemblée nationale. Qu'il y ait un débat dans le pays, c'est normal, c'est la démocratie. Mais qu'il y ait des blocages qui perturbent la vie quotidienne des Français qui vont travailler, et que ces blocages ne visent pas seulement à faire tomber le Gouvernement, mais aussi à paralyser le pays, ça, c'est inacceptable.
Il y a un débat dans le pays…
M. Sylvain Berrios. Il y a surtout un débat au sein de votre majorité !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …où s'opposent deux conceptions de la manière de gouverner,…
M. Marc Dolez et Mme Jacqueline Fraysse. Vous gouvernez à coups de 49.3 !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …deux conceptions du syndicalisme, deux conceptions du dialogue social. Je souhaite que ce débat aille jusqu'au bout. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Cochet. Moins de leçons, plus de travail !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je ne suis pas dans une confrontation personnelle avec la CGT. C'est la CGT qui a décidé, notamment lors de son dernier congrès, de se lancer dans un processus de radicalisation qui peut conduire à la violence. Je le regrette, compte tenu de l'histoire de cette organisation. Mais la ligne du Gouvernement ne déviera pas : nous soutenons la réforme et nous mettrons en œuvre ce projet de loi. (Mêmes mouvements.)
Mme Claude Greff. Tout cela, c'est de votre faute !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je le répète : ce texte est bon pour les entrepreneurs et pour les salariés.
Il y aura d'autres débats que vous n'avez pas évoqués, monsieur Lagarde. Dans quelques semaines, le texte défendu par Myriam El Khomri reviendra ici, à l'Assemblée nationale.
Mme Claude Greff. Et vous utiliserez à nouveau le 49.3 !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il aura été amendé, sans aucun doute, par le Sénat, c'est-à-dire par les Républicains et l'UDI. À cette occasion, chacun – y compris la CGT et ceux qui ne voulaient pas voter le texte et qui nous ont contraints au 49.3 – pourra constater nos différences de conception du modèle social.
Plusieurs députés du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendant. Tournez-vous vers la gauche quand vous dites cela !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous aurons alors le vrai débat dont notre pays a besoin. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mai 2016