14ème législature

Question N° 39915
de M. Marc Le Fur (Union pour un Mouvement Populaire - Côtes-d'Armor )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > commerce extérieur

Tête d'analyse > exportations

Analyse > produits agroalimentaires. rapport. propositions.

Question publiée au JO le : 15/10/2013 page : 10698
Réponse publiée au JO le : 21/01/2014 page : 637

Texte de la question

M. Marc Le Fur attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur les conclusions du rapport de la mission sénatoriale sur la filière viande en France et en Europe constituée après le scandale dit de « la viande de cheval ». Le rapport souligne que le dumping social pratiqué par l'Allemagne dans ses abattoirs de l'Est du pays doit cesser car il met gravement en péril notre industrie de l'abattage-découpe, notamment celle de la filière porc. Pour la mission, la France doit pleinement porter au niveau européen le combat en faveur d'une application d'une révision de la directive 96/631. Les auteurs du rapport estiment qu'il s'agit, dans le secteur agroalimentaire comme dans d'autres secteurs, de favoriser une harmonisation des normes sociales et des conditions de travail à l'échelle de l'Union européenne, qui ne peut plus tolérer de tels écarts, alors que les marchandises produites circulent librement dans le grand marché intérieur. La mission sénatoriale propose ainsi d'obtenir une révision des conditions d'application de la directive européenne sur le détachement de travailleurs. Il lui demande de lui indiquer si le Gouvernement entend donner une suite concrète à cette suggestion.

Texte de la réponse

Les raisons expliquant le différentiel de coût de main-d'oeuvre entre la France et l'Allemagne dans les secteurs de l'agroalimentaire, et notamment des industries de la viande, font l'objet d'un examen attentif de la part du Gouvernement français qui vise à s'assurer que ce différentiel ne résulte pas de pratiques non conformes au droit communautaire, au regard notamment du principe de concurrence loyale et du respect des droits des travailleurs. En raison de la pénurie de main-d'oeuvre dans ces secteurs, les entreprises allemandes ont recours à de la main-d'oeuvre étrangère travaillant, en principe temporairement, sur le sol allemand. Cette main-d'oeuvre est constituée de salariés détachés par des entreprises situées le plus souvent dans les nouveaux États membres et qui exercent leur activité en qualité soit de sous-traitants, soit d'entreprises de travail temporaire. L'activité de ces entreprises est encadrée par deux directives, la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et la directive 2008/104/CE du 19 novembre 2008 relative au travail intérimaire. S'agissant des conditions de travail et d'emploi dont bénéficient les salariés détachés dans les entreprises qui les occupent, la directive 96/71/CE fait obligation aux États membres de veiller, soit par des dispositions législatives ou réglementaires, soit par des accords collectifs d'application générale, à ce que ces salariés bénéficient d'un socle de garanties impératives, parmi lesquelles figurent les taux de salaire minimal. Une loi de transposition de la directive en droit allemand dispose que le salaire des travailleurs détachés ne doit pas être inférieur à celui que perçoit un travailleur allemand sur un poste identique. Toutefois, il convient de rappeler qu'en Allemagne, le salaire minimum obligatoire n'est pas fixé légalement mais par des accords de branches. Il peut aussi être différencié par Land. Le caractère obligatoire des accords est limité aux employeurs membres du syndicat signataire au sein de chaque branche, à moins d'être rendu d'application générale par décision d'extension du Gouvernement. Or, les secteurs de l'agriculture et des industries de la viande ne bénéficient pas d'un accord de branche prévoyant un salaire minimum. Il n'existe donc pas dans ces secteurs de salaire minimum obligatoire tant pour les salariés allemands que pour les étrangers. Quant aux travailleurs temporaires détachés d'autres États membres dans les entreprises allemandes, la loi relative à la mise à disposition de travailleurs intérimaires prévoit que ces derniers, qu'ils soient ou non de nationalité allemande, doivent percevoir le même salaire qu'un salarié comparable de l'entreprise utilisatrice, bien qu'il soit possible de déroger à cette réglementation en raison d'un accord collectif spécifique à une région, à une catégorie de personnes et à une entreprise. En tout état de cause, la même loi prévoit un salaire minimum fixé pour les travailleurs intérimaires, quelle que soit leur nationalité, différencié dans les Länder de l'Ouest et de l'Est. La question du différentiel du coût de la main-d'oeuvre pourrait être appelée à évoluer à plusieurs titres. En premier lieu, le Gouvernement allemand s'est déclaré favorable à l'instauration de salaires minima par branches, y compris pour les entreprises sous-traitantes, ce qui constitue une première avancée. De plus, les partenaires politiques au sein de ce Gouvernement ont convenu de l'instauration d'un salaire minimum généralisé. Par ailleurs, s'agissant particulièrement des industries de la viande, les quatre grands groupements allemands d'entreprises d'abattage ont convenu en septembre 2013 de former avec l'industrie avicole une association en vue de la conclusion de conventions collectives et d'engager des négociations avec le syndicat de l'agroalimentaire et de la restauration sur un salaire minimum dans cette branche. Ces négociations ont abouti le 13 janvier dernier avec la signature d'un premier accord sur la mise en place d'un salaire minimum. Enfin, la France soutient la démarche que la Commission européenne a engagée, avec l'ensemble des États membres et en concertation avec les partenaires sociaux, visant à renforcer l'effectivité de la mise en oeuvre de la directive de 1996. La proposition de directive que la Commission a élaboré à cet effet propose différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement, à préciser les critères du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale. Le Gouvernement français se félicite de l'accord intervenu le 9 décembre 2013 au Conseil des ministres de l'Union européenne chargés de l'emploi et de la politique sociale sur une « orientation générale » relative à la proposition de directive, laquelle permettra d'imposer des règles dans les pays qui en étaient dépourvus. S'agissant notamment de l'article 9 relatif aux exigences administratives et aux mesures nationales de contrôle, qui figurent parmi les principaux éléments de la proposition, le texte approuvé par le Conseil établit un équilibre entre la nécessité d'assurer, d'une part la sécurité juridique et la transparence aux prestataires de services, d'autre part le respect de la compétence des États membres. Il a ainsi été obtenu que soit garanti aux services le maintien de leurs pouvoirs de contrôle actuels, par une liste ouverte, fixée par les législations nationales, de documents exigibles en cas de contrôle. La directive n'impose en effet qu'un socle minimal auquel les États pourront ajouter d'autres documents en fonction de leurs modes de fonctionnement. Le respect des principes communautaires de proportionnalité et de nécessité assurera la sécurité juridique du dispositif, par l'information de la Commission européenne et des autres États membres sur les documents exigibles dans chaque pays.