avocats
Question de :
M. Gilbert Collard
Gard (2e circonscription) - Non inscrit
M. Gilbert Collard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des avocats qui ont fait valoir leurs droits à une retraite pleine, et qui reprennent ensuite ou poursuivent leur activité. Comme pour tous les régimes, l'avocat justifiant de 40 ans d'activité professionnelle, peut prendre sa retraite à l’âge légal. Celle-ci lui est servie par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) La CNBF est un établissement privé, constitué entre avocats, comme l'établit l'article L. 723-1 du code de la sécurité sociale. Elle perçoit des cotisations au titre de contrats obligatoires ou non passés avec les avocats. La liquidation de la retraite a nécessairement lieu en fonction des droits acquis jusqu'alors, et non, par principe et définition, de ceux qui seraient acquis ultérieurement au titre de la poursuite d'activité du professionnel. Après la liquidation de ses droits à retraite, suivant la dérogation légale issue de l'article L. 723-11-1 du code de la sécurité sociale, alinéa 2, le professionnel peut continuer en effet son activité, normalement. Cependant, l'article L. 723-11-1 précité ne subordonne nullement le droit pour le professionnel, qui a fait liquider sa pension de retraite à l'âge légal, et qui continue son activité, à cotiser sans contrepartie encore auprès de la CNBF. Or cet organisme appelle les cotisations, après la mise à la retraite active auprès des professionnels qui restent en activité, au même taux et niveau qu'avant la liquidation de leur retraite, tandis que le code de la sécurité sociale, article R. 723-45-2, dispose que « le versement des cotisations et contributions dues en application des dispositions de la sous-section 2 du présent chapitre pour des périodes postérieures à l'entrée en jouissance de la pension ne peut entraîner la révision de la pension déjà liquidée, ni permettre l'acquisition de nouveaux droits". Les choses y sont clairement exprimées : les cotisations que verse le professionnel après la liquidation de sa retraite, laquelle a été effectuée en fonction des versements antérieurs, ne produiront donc jamais à son bénéfice le moindre droit complémentaire, au moment où il cessera complètement l'activité au titre de laquelle il est contraint de cotiser. Ces montants peuvent être considérables, jusqu'à plus de 26 000 euros par an. Pour 2013, exemple de situation haute à la CNBF, au titre de la retraite de base, les cotisations obligatoires sont de 5 660 euros pour l'année (1 473 + 4 050 + 137), alors qu'au titre de la retraite complémentaire et optionnelle elles sont de 20 457 euros (11 620 + 8 837). Le tout représente alors 26 117 euros. Alors que l'option de cotisation en classe d'extension est définitive, et que la CNBF ne permet pas de la supprimer, alors que toutes les cotisations sont obligatoires, alors qu'il a cotisé par le passé, pendant 40 ans, pour quelque chose qui a généré les droits qui ont été liquidés, le professionnel cotise donc postérieurement pour une finalité supplémentaire, qui ne produira pas de droits à son bénéfice. On a compris que ces cotisations sont versées à fonds perdus. Les principes généraux du droit, et le droit des contrats devraient s'appliquer ici. Or il n'existe pas de contrepartie aux cotisations. La discussion ne concerne pas ici le paiement d'un impôt, à portée générale, mais une cotisation due à une caisse de retraite, ayant un statut de droit privé, laquelle a une obligation de spécialité : le paiement de la retraite correspondant aux prestations reçues. Que le professionnel cesse son activité professionnelle immédiatement ou le fasse plus tard, il n'aura droit à rien en contrepartie de ses cotisations nouvelles. Il apparaît dans ces conditions : que la fin de l'article R. 723-45-2 du code de la sécurité sociale devrait être abrogée dans les mots suivants : "ni permettre l'acquisition de nouveaux droits" ; ou sinon, que le recouvrement des cotisations nouvelles devrait être supprimé ; à moins qu'il ne faille prévoir des droits complémentaires justes et proportionnés aux cotisations nouvelles versées, au moment où le professionnel cessera complètement son activité. Il souhaiterait savoir si le ministère de la justice envisage l'une de ces solutions, et ce afin de mettre fin à une iniquité, dont l'illégalité résulte du statut même de la CNBF.
Réponse publiée le 30 août 2016
L'article L. 723-11-1 du code de la sécurité sociale, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, a introduit la possibilité pour les avocats de reprendre une activité professionnelle après la liquidation de la pension de retraite, et donc de cumuler revenu d'activité et pension de retraite. Toutefois, l'article R. 723-45-2 du même code, créé par le décret no 2010-14 du 7 janvier 2010 relatif au cumul emploi retraite dans le régime des avocats et dans certains régimes spéciaux, précise d'une part que les revenus tirés d'une activité postérieure à la liquidation de la pension sont soumis à cotisations sociales, et d'autre part que ces cotisations ne peuvent pas permettre l'acquisition de nouveaux droits. Cette activité reste soumise à cotisations sociales afin de garantir une égalité de traitement au regard des prélèvements sociaux entre les actifs exerçant une même activité et d'éviter ainsi toute distorsion de concurrence. Par ailleurs, l'existence de cotisations non créatrices de droits est cohérente avec le principe de répartition du système de retraite, dans lequel les cotisations de l'ensemble des actifs alimentent les prestations de l'ensemble des retraités. En effet, une pension n'est pas susceptible d'être révisée pour tenir compte des versements de cotisations afférentes à une période postérieure à la liquidation des droits. L'article L. 161-22-1A de la sécurité sociale, créé par la loi retraite de 2014, a clarifié et généralisé, à compter du 1er janvier 2015, ce principe de cotisations non génératrices de droits nouveaux à retraite et ce quel que soit le régime d'affiliation. Enfin, le Conseil d'Etat a confirmé, dans sa décision no 366951 du 11 juin 2014, la légalité des dispositions de l'article R. 723-45-2 du code de la sécurité sociale, et dans sa décision no 386837 du 27 mars 2015, l'absence de doutes sérieux quant à la constitutionnalité de l'article L. 723-11-1 du même code.
Auteur : M. Gilbert Collard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions judiciaires et juridiques
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Affaires sociales et santé
Dates :
Question publiée le 15 octobre 2013
Réponse publiée le 30 août 2016