14ème législature

Question N° 4050
de M. Éric Alauzet (Socialiste, écologiste et républicain - Doubs )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Finances et comptes publics
Ministère attributaire > Finances et comptes publics

Rubrique > impôts et taxes

Tête d'analyse > évasion fiscale

Analyse > lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 09/06/2016
Réponse publiée au JO le : 09/06/2016 page : 4041

Texte de la question

Texte de la réponse

PROTECTION DES LANCEURS D'ALERTE


M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Éric Alauzet. Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, chaque année, nous perdons en France 50 milliards à cause de l'évasion fiscale, 15 milliards à cause de la fraude à la TVA et 20 milliards à cause de la fraude aux cotisations sociales, fraudes que ni la politique de l'offre, ni la politique de la demande ne pourront empêcher pour que notre pays retrouve un équilibre budgétaire et la prospérité.

La réponse est la transparence. C'est la raison pour laquelle il est crucial d'assurer un statut protecteur global aux lanceurs d'alerte qui mettent au grand jour les dérives de la finance mondialisée. Le projet de loi Sapin 2 – votre loi, monsieur le ministre –, en débat cette semaine dans l'hémicycle, nous offre une occasion unique en faisant de la transparence la mère de toutes les batailles. Ce texte marquera notre action pendant ce mandat.

Le rôle des lanceurs d'alerte est déjà décisif pour accélérer des décisions politiques, pour stopper l'opacité des trusts, après les Panama papers, les tax rulings, après LuxLeaks, mais aussi les transferts de bénéfice opérés par les multinationales pour éluder l'impôt en spoliant nos ressources, au détriment des budgets de l'État, des collectivités locales et de la protection sociale. Nous attendons le reporting public.

Monsieur le ministre, un problème nous inquiète : il s'agit de la directive européenne sur le secret des affaires, au-delà de la nécessité absolue pour les entreprises de protéger leurs secrets stratégiques. Ainsi, dans le procès LuxLeaks, qui concerne les ententes non pas illégales mais immorales entre les multinationales et l'État luxembourgeois, le procureur incrimine-t-il Antoine Deltour pour violation du secret des affaires, en le qualifiant de « soi-disant lanceur d'alerte ».

Monsieur le ministre, ma question est la suivante : dans quelle mesure la directive européenne sur le secret des affaires et les offensives libérales et conservatrices, en Europe et en France, qui en donnent déjà une interprétation extensive, risquent-elles de remettre en cause l'efficacité de notre loi pour la protection des lanceurs d'alerte ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député, il est indispensable de lutter contre la fraude fiscale, contre l'évasion fiscale, contre l'optimisation fiscale, à savoir la capacité qu'ont certaines grandes entreprises à utiliser les failles des législations d'un pays à l'autre pour finalement ne plus payer d'impôt nulle part – ni en France, où elles peuvent faire des bénéfices, ni ailleurs. Cette lutte, nous la menons, avec le soutien de l'Assemblée nationale et du Sénat, depuis plusieurs années.

Je voudrais faire remarquer aux uns et aux autres qu'entre 2011 et 2015, 6 milliards d'euros supplémentaires ont été récupérés sur les fraudeurs et tous ceux qui ont, d'une manière ou d'une autre, voulu échapper au poids de l'impôt. Et ce ne sont pas des petites entreprises mais de très grosses entreprises, particulièrement des entreprises internationales dans le domaine du numérique, qui sont aujourd'hui légitimement sommées de payer les impôts qu'elles doivent.

Pour lutter efficacement, il faut une volonté politique – nous l'avons, vous l'avez – et il faut des outils juridiques. Beaucoup ont été adoptés au cours de cette législature et d'autres pourront l'être durant la discussion du projet de loi auquel vous avez fait allusion ou dans les textes financiers de la fin de cette année. Mais il faut aussi protéger ceux qui, avec la volonté de servir l'intérêt général, ont permis de découvrir ou ont dénoncé des situations soit illégales, soit anormales et immorales comme celle que vous avez décrite – bref, ceux qu'on appelle les lanceurs d'alerte.

L'une des avancées considérables du texte de loi que vous avez cité, qui est en grande partie issue de l'Assemblée nationale, est de nous doter d'un statut de protection des lanceurs d'alerte.

Des situations comme celle de M. Deltour sont inadmissibles. À l'avenir, en France, il sera protégé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)